Michel Geoffroy est un écrivain et essayiste français né en 1953. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’École nationale d’administration (ENA), il a mené une carrière au sein de la fonction publique française. Spécialisé dans les questions de géopolitique, de souveraineté nationale et d’identité culturelle, il est connu pour ses analyses critiques de la mondialisation, de l’immigration et des élites politiques.
Parmi ses ouvrages notables, on compte « La Super-classe mondiale contre les peuples » (2016), où il explore l’influence des élites globalisées sur les nations, et « La Nouvelle guerre des mondes« (2018), dans lequel il examine les défis posés par l’immigration massive et la transformation des sociétés occidentales. Michel Geoffroy collabore également avec le think tank Polémia, contribuant à des réflexions sur les médias, l’idéologie et la préservation des identités nationales.
Engagé dans le débat public, il participe régulièrement à des conférences et écrit dans diverses revues et médias en ligne. Ses travaux reflètent une préoccupation pour la souveraineté des États et la défense des traditions culturelles face aux mutations induites par la globalisation. Michel Geoffroy est considéré comme une voix influente dans les cercles critiques de la modernité et de l’uniformisation culturelle.
Il participera, en novembre prochain, au forum de la Dissidence organisé par la fondation Polémia à Paris, sur le thème « 3000 milliards de dette ; ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles »
Nous l’avons interrogé sur le sujet.
Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
Michel Geoffroy : Ancien haut fonctionnaire, énarque et contributeur régulier à la fondation Polemia. Auteur de différents essais dont le dernier en date « Occident Go Home », paru aux éditions Via Romana, traite de l’opportunité que l’émergence du monde polycentrique offre aux Européens, pour se libérer de la tutelle nord-américaine et pour renouer avec le génie de leur civilisation. A condition qu’ils en aient la volonté.
Breizh-info.com : Pensez-vous que la dette publique est un instrument de dépendance ou de contrôle, imposé à la France par des acteurs étrangers ou des institutions financières ?
Michel Geoffroy : Il paraît manifeste qu’on a laissé filer la dette, comme on a laissé filer l’immigration, la délinquance ou la baisse du niveau scolaire et un universitaire en France, en ignorant tous les avertissements lancés contre cette dangereuse fuite en avant.
En d’autres termes, nos gouvernants ont livré la France au chaos.
Or le chaos conduit toujours les peuples à sacrifier leurs libertés pour obtenir un peu plus de sécurité. En rendant la France ingouvernable de l’intérieur on a ouvert la voie à la gouverner de l’extérieur, que ce soit par la commission européenne, la BCE ou les fonds de pensions.
On peut effectivement se demander si ce n’était pas là l’objectif de nos « Mozarts de la finance », qui n’ont jamais caché leurs visées mondialistes, européistes et autoritaires.
Breizh-info.com : Quels événements ou politiques, selon vous, ont le plus contribué à l’alourdissement de la dette française ces dernières décennies ? Est-ce une dérive inéluctable, ou une conséquence de choix politiques précis ?
Michel Geoffroy : L’endettement massif caractérise les pays occidentaux et pas seulement la France. Il s’inscrit dans la lente dérive de ces pays marquée par la désindustrialisation, la faible croissance, l’appauvrissement des classes moyennes et la baisse de la productivité. Ce sont des pays qui dilapident leur capital ancestral, en s’endettant de façon croissante.
Dans le cas de la France cependant notre pays a la particularité en Europe de cumuler une fiscalité élevée, une dette publique élevée, des dépenses publiques élevées et une insatisfaction publique élevée vis-à-vis de services publics qui vont se dégradant (école, hôpitaux, infrastructures notamment).
Comme le relève André-Victor Robert dans son essai « La France au bord de l’abîme » à la différence de ses voisins, notre pays a financé ses dépenses publiques à la fois par l’impôt et par l’endettement et cela dans des proportions inégalées. Comme l’écrit l’auteur : « on ne pouvait pratiquement pas faire pire ; c’était presque inconcevable d’atteindre un résultat aussi calamiteux et pourtant nos dirigeants l’ont fait »1 .
Si l’on ajoute le fait que le solde primaire2 de nos finances publiques est nettement moins bon que celui de nos voisins, malgré un niveau élevé de prélèvements obligatoires, « la France est à la merci d’une remontée des taux d’intérêt qui l’exposerait à un risque de défaut de sa dette souveraine »3.
Il est donc clair que de mauvais choix ont été faits en matière de finances publiques en France : bravo les Mozart de la Finance ! Le dernier budget en excédent remonte à 1974 et en quasi équilibre en 1980 ; et en 1980 la dette publique ne représentait que 16,7% du PIB en France …
La croissance de la dette, des déficits et des impôts est donc consubstantielle à la domination politique de la gauche dans notre pays. Elle résulte aussi de l’impopularité croissante de gouvernements qui, devenus minoritaires dans l’opinion, n’ont plus le courage ni les moyens politiques de réduire les dépenses ou d’équilibrer les budgets et ont alors recours à la fuite en avant dans la dette.
Breizh-info.com : Vous parlez de dépenses non seulement inutiles, mais nuisibles. Quels types de dépenses considérez-vous comme les plus nuisibles pour l’État et pourquoi ?
Michel Geoffroy : Contrairement à ce que prétendent certains libéraux fanatiques toute dépense publique n’est pas nécessairement mauvaise en soi, car l’action publique ne se réduit pas à une simple question de coût. Toute dette n’est pas nécessairement une calamité, si elle reste raisonnable.
Une dépense qui augmente la productivité, la sécurité, l’indépendance de la nation ou qui sert à financer des infrastructures constitue une dépense publique utile. Et financer des investissements productifs par un emprunt est une bonne solution dans une période de haute conjoncture. C’est ce que notre pays a fait dans le passé en finançant le nucléaire, le plan calcul, la recherche, l’industrie d’armement ou son réseau d’autoroutes.
C’est justement là que se situe aujourd’hui la principale faute de nos gouvernants : la dette a ensuite été mal utilisée, principalement pour soutenir le revenu et l’activité de certains et non pas pour investir dans l’avenir.
A la racine des déficits publics actuels on trouve donc avant tout aujourd’hui en France des dépenses non pas utiles, comme le prétend la propagande officielle envoyée chaque année aux contribuables, mais nuisibles.
La question ne se réduit pas à celle de l’inutilité des dépenses en effet ; car pour un politicien une dépense publique est toujours utile puisqu’elle permet d’acheter des clientèles même au prix de déficits croissants. C’est ce qui s’est passé depuis les années 80 en France, notamment dans le cadre de la fameuse « politique de la ville ».
Alors qu’est-ce qu’une dépense publique nuisible ? : une dépense qui débouche sur d’autres dépenses mal maîtrisées, une dépense qui génère de la bureaucratie et du parasitisme, une dépense qui contribue à la déconstruction de notre nation, de notre culture et de notre identité, une dépense qui ne contribue pas à l’amélioration du bien public ni à la croissance économique et sociale.
Ce type de dépense consomme des ressources publiques qui pourraient être utilisées à de meilleures fins ou tout simplement supprimées, en réduisant les impôts ; et il provoque au surplus des effets néfastes sur le long terme pour la communauté nationale.
Breizh-info.com : Selon vous, quelles sont les dépenses les plus emblématiques qui devraient être supprimées en priorité pour alléger la dette publique ?
Michel Geoffroy : Le forum que Polemia organise à Paris le 16 novembre prochain « 3000 milliards de dette ; ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles » abordera justement dans le détail différents exemples de ces dépenses nuisibles : principalement les dépenses liées à une folle politique migratoire ou à la « politique de la ville », les aides inutilement versées à des Etats étrangers ou à l’UE, les coûts exorbitants de la prétendue « transition énergétique » et les inépuisables subventions versées aux médias de grand chemin ou aux associations militantes.
Globalement, une dépense nuisible poursuit toujours un objectif politiquement correct et non pas un intérêt public : comme par exemple financer les médias de propagande (afin de rééduquer la population), financer des associations au prétexte de « lutter contre les discriminations » (afin d’interdire toute critique de l’immigration) , prendre en charge en totalité les frais de « transition de genre » pour la Sécurité Sociale (alors qu’on veut réduire la prise en charge des affections de longue durée), ou bien financer à prix d’or des consultants extérieurs (pour imposer dans les administrations les modes managériales anglo-saxonnes).
Et les dépenses nuisibles croissent toujours quelle que soit la conjoncture économique ou budgétaire. Car l’idéologie les sanctuarise, bien que l’enjeu budgétaire soit de taille puisqu’en la matière l’unité de compte est le milliard…
Pour cette raison ces dépenses sont toujours considérées comme prioritaires, alors qu’on n’hésite jamais à réduire les dépenses utiles aux Français : on ne veut pas toucher à l’AME mais on veut réduire la prise en charge des dépenses de santé des Français !
Breizh-info.com : Les subventions aux associations et aux médias sont souvent évoquées comme des dépenses controversées. Partagez-vous cette opinion et pensez-vous que ces subventions alimentent des réseaux d’influence plutôt que d’apporter un bénéfice réel à la société ?
Michel Geoffroy : Nous sommes dans une situation extravagante où le contribuable français subventionne des médias qui sont la propriété de …milliardaires ! Où il subventionne des médias publics qui font preuve d’une indécente partialité, qui va à l’encontre du sentiment majoritaire de la population. Et où les collectivités publiques subventionnent des associations qui par exemple organisent et soutiennent le chaos migratoire contre lequel les pouvoirs publics sont censés lutter.
Nous marchons sur la tête et il faut, pour mettre fin à cette folie, retrouver des principes de bon sens.
La presse et les médias doivent être financés par leurs lecteurs, leurs utilisateurs, leurs propriétaires, leurs actionnaires, et par la publicité, pas par le contribuable. Et les associations doivent obtenir leurs ressources auprès de leurs membres ou de donateurs privés, mais pas auprès des collectivités publiques, ce qui garantira leur indépendance.
Breizh-info.com : Pensez-vous que la suppression de certaines agences publiques ou de comités consultatifs pourrait permettre une réduction substantielle des dépenses publiques ?
Michel Geoffroy : C’est évident.
Nous croulons sous les « machins » en tous genres, fruits la plupart du temps d’une réponse émotionnelle à des questions de société ou pour suivre des effets de mode. Pensons par exemple au nombre considérable d’entités qui « oeuvrent » dans le domaine de la Santé ou du médicament et qui chacune produisent des normes et de la bureaucratie à la chaîne, sans réel souci de cohérence globale. Et qui toutes aspirent à perdurer dans leur être, évidemment. Pendant que l’hôpital public s’écroule.
Nous avons donc besoin d’une commission de la hache qui mette rapidement fin à ce maquis administratif extrêmement couteux et globalement très peu productif. Mais pour cela il faut disposer d’une ressource rare de nos jours : le courage politique…
Breizh-info.com : Certains estiment qu’il faudrait repenser l’ensemble du modèle social français, jugé trop coûteux. Êtes-vous favorable à une réforme en profondeur de l’État-providence pour réduire la dette ? N’est-ce pas prendre le risque d’une américanisation, et d’un système destructeur pour les plus pauvres et les plus faibles ?
Michel Geoffroy : Notre système de protection sociale par répartition -si c’est bien cela que l’on désigne par état providence- butte aujourd’hui sur des phénomènes qui n’existaient pas lorsqu’il a été mis en place à la Libération : une faible natalité, une croissance atone, un chômage structurel important, une dégradation du ratio actif/inactifs et l’allongement de la vie.
Il faut donc qu’il s’adapte à cette nouvelle donne, ce que nombre de nos voisins européens ont su faire, mais pas nous, en tout cas pas suffisamment. Donc des réformes s’imposent effectivement.
Mais passer à un système de pure capitalisation relève de l’utopie et ferait au surplus dépendre la protection sociale des fluctuations du marché financier : c’est ce que souhaitent les fonds de pensions, mais c’est un risque que seuls les riches peuvent prendre, pas la majorité de la population.
Breizh-info.com : Sommes-nous devenus, comme certains le disent, des « esclaves de la dette » ?
Michel Geoffroy : Pas encore puisque jusqu’à présent notre pays a toujours pu vendre sa dette sur les marchés : l’endettement public est donc resté globalement indolore pour nos concitoyens, à la différence du surendettement privé qui touche près d’un million de Français. Contrairement à ce qu’on lit souvent, en outre, le fait que notre dette soit détenue en majorité par des non-résidents traduit plutôt une force qu’une faiblesse : le fait que de nombreux pays aient encore confiance dans notre capacité de remboursement. Et aussi parce nombre de pays émergents, devenus riches, préfèrent acheter de la dette française plutôt que de la dette américaine.
Nous ne sommes donc pas encore rentrés dans un scénario à la grecque, ne serait-ce que parce que notre pays n’a pas la même taille : un défaut français sur sa dette aurait en effet des prolongements systémiques bien plus catastrophiques pour toute l’Europe.
Mais si nous continuons sur la lancée actuelle et si les taux devaient remonter ce qui semble probable désormais, nous risquons de devenir une nouvelle Grèce, mais en pire.
Breizh-info.com : Que pensez-vous de l’idée d’un audit complet de la dette publique pour évaluer la part légitime et la part éventuellement contestable de cette dette ? Certaines voix suggèrent une possible renégociation de la dette ou même un défaut partiel. Est-ce une solution envisageable selon vous ?
Michel Geoffroy : L’audit des finances publiques est un grand classique politicien et on le préconise après chaque changement de majorité, y compris sur le plan local. Mais ces audits ne servent en général malheureusement à rien, sinon à faire de la communication (payée évidemment par le contribuable) en accusant les prédécesseurs d’avoir légué une situation toujours catastrophique. L’audit caractérise aussi les politiciens qui n’ont aucune idée de ce qu’ils doivent faire et qui comptent sur les consultants extérieurs pour le leur dire.
Cela fait des années que de nombreux experts et la Cour des Comptes diagnostiquent la croissance de notre dette et de nos déficits. Un nouvel audit n’apporterait donc rien de plus, sinon une nouvelle perte de temps.
Aujourd’hui l’heure n’est donc plus aux analyses et aux commentaires mais à l’action c’est-à-dire à tailler massivement dans les dépenses nuisibles et à restaurer la productivité de la nation.
Breizh-info.com : Dans quelle mesure pensez-vous que la culture du « toujours plus d’État » contribue à la dette actuelle, et comment l’inverser ? Faut-il que les citoyens fassent sécession d’avec la pieuvre ?
Michel Geoffroy : L’Etat en France est à la fois omniprésent et impotent, ce qui le rend de plus en plus insupportable. Cela caractérise le régime d’anarcho-tyrannie pots-démocratique dans lequel nous vivons : l’Etat prétend régenter notre vie privée, imposer le politiquement correct, brider toute initiative, mais il se montre incapable de remplir ses fonctions normales, comme assurer la sécurité et la prospérité de la nation. Et dans une économie mondialisée et dérégulée, la puissance publique est devenue impuissante, incapable de maîtriser quoi que ce soit, sinon de réprimer la colère grandissante de la population. Ou de tenter d’acheter la paix sociale par des redistributions financées à crédit.
Nos concitoyens ne demandent pas plus d’Etat mais seulement que celui-ci exerce correctement ses fonctions normales et qu’il cesse de donner, par idéologie, la préférence aux Autres sur les Nôtres.
Si l’on ne tient pas compte de cette forte demande politique -qui se développe d’ailleurs dans de nombreux pays européens- cela débouchera sur un bouleversement politique majeur, comme notre pays en a connu plusieurs fois dans son histoire. Pour le meilleur ou pour le pire. Alors, faisons en sorte que le meilleur advienne au plus vite !
Michel Geoffroy
1 André-Victor Robert « La France au bord de l’abïme – Les chiffres officiels et les comparaisons internationales », l’Artilleur , 2024, 22€ page 344
2 Hors intérêts de la dette
3 Op.cit page 131
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2 réponses à “Michel Geoffroy (Forum de la Dissidence) : « L’Etat en France est à la fois omniprésent et impotent, ce qui le rend de plus en plus insupportable”
Une petite erreur à signaler SVP : régime d’anarcho-tyrannie pots-démocratique à corriger par régime d’anarcho-tyrannie post-démocratique car la post-démocratie désigne étymologiquement tout système politique succédant à une démocratie selon Wikipédia. Sinon ok à 100 pour cent avec cet article.
Je me mefierai toujours des individus qui ont frequente l’ena et qui ont ete fonctionnaires, deux endroits qui ont ete manipules par les marxistes depuis plus de 100 ans.