Tadej Pogacar, l’intouchable : l’omerta qui fait honte au cyclisme face à un champion « hors-norme » [L’Agora]

Pogacar est-il humain ? Cette saison 2024 nous laisse plus que perplexes, nous dégoûte même, tant le Slovène semble écraser tout sur son passage avec une facilité insultante. Vingt-cinq victoires, des records battus un à un, des chronos qui relèvent de l’irréel, des watts d’une puissance improbable, des KOM (King of the Mountain) raflés sur chaque segment. Pogacar devient « Pogastrong », un surhomme dont les performances paraissent si indiscutables que le peloton tout entier semble s’être résigné, avalant l’insulte et abaissant les yeux. Mais jusqu’où ira ce silence pesant qui entoure le Slovène et son équipe Emirates ?

« Il a pris une moto ? » : Tadej Pogacar attaque et s’envole à 48 kilomètres de l’arrivée !

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— Eurosport France (@Eurosport_FR) October 12, 2024

Nous avons tous en mémoire ces années sombres où un Armstrong ou un Virenque (et pourtant c’était, enfant, mon idole !) défilaient en héros avant de tomber pour fraude, et pourtant, les leçons ne semblent pas tirées. Où sont les journalistes investigateurs, les coureurs qui osaient autrefois dénoncer l’inhumain ? Aujourd’hui, c’est le mutisme complet. Ni équipe, ni suiveur, ni organisateur n’ont la volonté de soulever la question des performances surhumaines de Pogacar. « Vous n’avez aucune preuve  de ce que vous affirmez » nous dit-on. Pour Armstrong non plus. Pour Merckx non plus. Pour beaucoup d’autres non plus, avant qu’ils soient rattrapés par la patrouille. Ou pas. Tout dépend l’argent qui est mis et les techniques utilisées.

Qui y perdrait ? Ce serait oublier l’énorme influence financière qu’exercent les nouveaux acteurs du cyclisme. L’argent injecté par les Émirats, Israël, ou encore l’Arabie Saoudite (et bientôt la Chine) transforme le peloton en un terrain de jeu géopolitique, où les petites équipes luttent pour survivre face aux budgets colossaux d’une poignée de super-puissances.

Les spectateurs eux, sont les dindons de la farce, et l’arrivée des paris sportifs dans le monde du cyclisme fait aussi qu’une partie d’entre eux se tait, espérant gagner aussi (alors que 95% perdent) de l’argent sur les courses.

Le problème n’est pas seulement dans les victoires mais dans l’omerta inquiétante qui entoure cette domination. La moindre contre-performance, la moindre critique envers Pogacar pourrait briser ce système fragile que les puissances financières ont instauré. Les équipes, les sponsors, les instances préfèrent la sécurité d’un spectacle uniforme plutôt que la transparence. Les petites équipes, quant à elles, se retrouvent piégées, dépendantes des miettes laissées par les grands. Tout ce qu’il reste, c’est un sport contrôlé, domestiqué, qui se garde bien de mettre en doute les performances hors du commun de ses champions les plus « solides ».

Où sont les amoureux du cyclisme qui osent encore parler ?

Pour ceux qui aiment le cyclisme, l’écoeurement est profond. Voir Pogacar tout rafler est devenu presque insultant, non seulement parce que cette suprématie brise toute forme de concurrence, mais surtout parce qu’elle suscite de lourds soupçons. Qui, aujourd’hui, oserait même sous-entendre que le Slovène pourrait bénéficier d’un coup de pouce ? Qui aurait le courage de gratter sous la surface des paillettes, au risque de perturber le spectacle ? Personne, apparemment, n’a l’audace de dire ce qui se murmure dans les coulisses : Pogacar risque de tuer l’âme du cyclisme comme Armstrong l’a fait avant lui.

A titre personnel, j’aime trop ce sport pour continuer à ne rien dire. Oui bien sûr, ces années cyclisme, avec des attaquants, et de belles histoires, d’Alaphilippe à Van Aert, de Van der Poel à Pogacar en passant par Evenepoel, sont intenses, passionnantes. Mais cette saison 2024 aura enlevé toute saveur à ce qui relevait déjà, un peu, il faut le dire, du cinéma (ça n’est pas pour rien que Netflix et Amazon tournent autour des équipes depuis quelques années). Qui prend du plaisir à voir un mutant écraser et humilier tout le monde ? Sérieusement, quand est-ce que ceux qui ont de l’influence dans ce sport vont ouvrir leur bouche ? Où sont les courageux ?

Si rien n’est fait, cette mascarade pourrait enterrer une génération de passionnés, lassés de voir des performances surhumaines inondées d’éloges sans qu’aucune voix ne s’élève pour questionner l’insoutenable domination. L’ombre de l’argent pèse sur le cyclisme, écrasant toute tentative de transparence, laissant Pogacar domier un sport où la résistance n’est plus une valeur mais un lointain souvenir.

Yann Vallerie

PS : il faudrait vraiment, une année, que le public adulte qui se masse sur le bord des routes pour voir leurs coureurs, profitant de ces instants uniques, en famille ou entre amis, et d’un des derniers sports « gratuit », tourne le dos lors du passage des coureurs, en signe de protestation contre cette omerta.

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Crédit photo : Il Lombardia
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