Dans une brochure et deux conférences savoureuses disponibles sur internet (voir plus bas), Christophe Darmangeat, maître de conférences à l’Université Paris Cité, tord le cou à une certaine recherche institutionnelle dominante. Sous l’influence du décolonialisme et de la théorie du genre, celle-ci a trop tendance à repeindre en rose la vie des peuples premiers, préhistoriques et précoloniaux.
Darmangeat s’est spécialisé dans l’anthropologie des 250 peuples aborigènes installés en Australie depuis 50 000 ans. Mis en contact avec le reste du monde très tardivement, ils constituent une banque de données irremplaçable pour comprendre l’humanité primitive. De quoi reconsidérer l’origine de la guerre, du racisme et des inégalités homme-femme, ce que Darmangeat, marxiste mod kozh, fait avec une gouaille de titi parisien et sans craindre le politiquement correct.
Le chercheur a ainsi répertorié tous les affrontements collectifs connus entre Aborigènes, au cours des trois derniers siècles. Il montre que la violence était endémique jusqu’en 1950 et qu’une seule bataille pouvait causer plus d’une dizaine de morts – l’équivalent d’un Verdun dans le contexte du bush, ou pour reprendre la comparaison plus actuelle du conférencier, du « génocide en cours à Gaza ».
Les Aborigènes avaient développé des armes réservées à la guerre, comme les lances barbelées : impropres à la chasse, elles étaient conçues pour maximiser les blessures sur une anatomie humaine. Le commerce avec les Blancs a entraîné de nouveaux progrès dans cette gamme de lances, en remplaçant les multiples pointes de pierre par des tessons de bouteilles de whisky.
Le patriarcat blanc innocenté
Jusqu’à l’arrivée de la justice coloniale, il y avait toujours des comptes à régler dans le bush – des morts à venger, car toutes les morts, même de vieillesse, étaient attribuées aux ennemis ou à leur magie noire. Tous les étrangers à la tribu étaient ennemis et viscéralement détestés.
Le principal aliment de la guerre restait toutefois le sexe : dans les tribus, les femmes étaient monopolisées par des patriarches polygames et les jeunes étaient frustrés au point de d’aller capturer des proies dans les clans voisins.
Darmangeat n’hésite pas à qualifier de telles sociétés d’« Arabie saoudite de l‘âge de pierre », avec une « abominable sujétion des femmes australiennes, le plus souvent caractérisées comme des esclaves, au sens strict ou à peine figuré ». Il précise : « en Australie, le record homologué de polygamie est 29, dans des groupes qui font une cinquantaine de personnes (…) si une femme a le malheur de jeter un regard sur un objet sacré, c’était la mise à mort directe ou le viol (…) Les hommes peuvent répudier ou prêter leurs femmes à leurs potes, sans parler des violences quotidiennes qui étaient relativement admises ».
La religion servait à justifier cyniquement l’oppression : les mythes océaniens décrivent un matriarcat primitif qui aurait conduit au chaos et qui aurait été heureusement renversé par les hommes à l’aube de l’histoire. Cette mythologie anti-femme n’est pas spécifiquement aborigène. Elle se retrouve jusqu’en Amérique du sud et pourrait avoir été universelle : d’après Darmangeat, citant les travaux de Jean-Loïc Le Quellec, elle remonterait au moins à la sortie d’Afrique, il y a 60 000 ans.
Bref, la xénophobie, la guerre et l’oppression des femmes ne sont pas des inventions de l’homme blanc ni du capitalisme. On s’en serait un peu douté, mais c’est maintenant homologué par un universitaire ultra-gauche.
Enora
Sources
« Violence et guerre dans les sociétés sans Etat », conférence de Christophe Darmangeat à l’université d’été du NPA-Révolutionnaires
« L’oppression des femmes dans les sociétés sans Etat » , 2ème conférence, même lieu
Site « la Hutte des classes », où se trouve la brochure
3 réponses à “Christophe Darmangeat, anthropologue matérialiste : « Non les Aborigènes australiens n’étaient pas des bons sauvages ! »”
Excellent article merci ! Et Darmangeat est sponsorisé par le NPA (je ne savais même pas qu’ils existaient encore).
Oui, « On s’en serait un peu douté » !
Les Kanaks de Nouvelle-Calédonie étaient anthropophages jusqu’à l’arrivée des Français en 1853. Eux aussi de gentils sauvages !!!!!!