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Série La Fièvre sur Canal +. Une bonne série sous forme de thermomètre social brûlant….mais tronqué

La série « La Fièvre »diffusée sur Canal + a réussi le pari de capter l’attention du grand public en mettant le doigt sur une plaie béante de notre société : les tensions identitaires. S’il s’agit d’une bonne production en 6 épisodes, réalisée par Ziad Doueiri et écrite par Eric Benzekri, en collaboration avec Laure Chichmanov et Anthony Gizel, il est regrettable de parfos constater que les auteurs ont choisi de caricaturer les positions identitaires, réduisant ainsi un débat complexe à une lutte manichéenne entre le bien et le mal.

« La Fièvre » nous plonge dans un univers où les enjeux identitaires explosent au grand jour, à travers l’histoire de Fodé Thiam, un footballeur qui agresse son entraîneur lors d’une soirée de gala dans le monde du football, en lui mettant un coup de tête, et en le traitant de « Sale Toubab » (sale blanc). Voici le sypnopsis :

Comme à chaque fin de saison, la grande famille du foot français fête ses héros : sourires, selfies, récompenses – c’est la soirée des Trophées UNFP. Tout bascule quand devant les caméras, Fodé Thiam, la star du Racing, assène un violent coup de tête à son entraineur et le traite de « sale toubab ». « Toubab », cela signifie « blanc » en wolof. Sidération : la tempête médiatique peut commencer. Appelée au chevet du club, Sam Berger, communicante de talent mais dévorée par son hypersensibilité, pressent que cette fois la crise ne sera pas balayée par un nouveau scandale plus « vendeur ». Depuis la scène de son théâtre toujours complet, Marie Kinsky instrumentalise l’événement en attisant les déchirures identitaires et sociales qui lézardent le pays. Sam craint d’autant plus Marie qu’elles ont été très proches… Les deux femmes « spin doctors » vont se livrer un combat sans merci ni répit pour orienter une opinion publique défigurée par la puissance des réseaux sociaux et leur culture du clash. Au coeur de ce combat, le destin d’un grand joueur, et avec lui celui de la France. Car cette fièvre, c’est avant tout la nôtre.

Si l’intrigue est fictive, elle puise ses racines dans une réalité sociale de plus en plus marquée par les clivages identitaires.

Le casting est solide, avec des acteurs qui incarnent à la perfection leurs rôles respectifs. Nina Meurisse, dans le rôle de Sam Berger, la communicante redoutable, livre une performance remarquable. Benjamin Biolay incarne avec brio le président du club, tiraillé entre les enjeux sportifs et politiques. Mais aussi Kad Merad, qui reprend son rôle de Philippe Rickwaert, président de la République dans « Baron noir », lors du dernier épisode.

Les thèmes de la série sont multiples : le foot business, le rôle des médias, des influenceurs, des agences de communication dans la vie politique et sociétale, les tensions entre les différentes communautés, le « vivre ensemble » qui s’avère être un grand aveuglement… Si la série a le mérite de mettre en lumière ces enjeux, elle tombe malheureusement dans le piège de la caricature. Les personnages identitaires, comme Marie Kinsky, sont systématiquement présentés comme des extrémistes, des manipulateurs, voire des dangereux idéologues. Cette vision manichéenne est regrettable, car elle ne rend pas compte de la complexité des positions identitaires (Le passage sur le port d’armes – qui serait presque l’argument du Diable en personne – est grotesque…)

On a ainsi en permanence une sorte de pseudo morale, qui divise la série en deux camps : d’un côté les gentils (l’équipe de football, l’encadrement, les partisans du « vivre ensemble » – mais surtout avec beaucoup d’argent, les communicants plus intelligents que tout le monde qui savent tout sur tout), de l’autre les méchants (les indigènes de la République, et les méchants gaulois identitaires et réfractaires) qui ne voudraient qu’une chose : la guerre civile. A aucun moment, les réalisateurs ne semblent se poser la question de savoir qui provoque la guerre civile…qui a mis en place tous les mécanismes sociétaux qui plongent notre société dans la guerre civile larvée. A priori, ni les Indigènistes, ni les Identitaires, n’ont géré ce pays depuis plusieurs décennies.

Malgré ces réserves, « La Fièvre » reste une série intéressante qui nous plonge dans un univers, très parisien, très urbain, assez déconnecté du « monde réel » puisque ne tournant qu’autour des réseaux sociaux, de l’influence, et du monde du football professionnel qui n’est pas non plus trèsproche des réalités populaires. Mais l’intérêt réside aussi dans le fait de pénétrer un temps dans le cerveau (parfois assez perturbé) de ces communicants, de ces attachés de presse, de ces influenceurs, qui tentent, par narcissisme, par idéologie, par appât du gain aussi, de transformer en profondeur notre société.

« La Fièvre » est en conclusion une série en forme de thermomètre social qui mesure la température de notre société. Si la fièvre est élevée, c’est qu’il y a une infection profonde. Il nous appartient à tous de trouver les remèdes nécessaires pour soigner cette maladie. En mettant les mots sur les maux déjà, c’est à dire en ouvrant les yeux.

Pour aller plus loin, on vous conseille l’excellent papier sur la série paru dans le dernier n* de la revue Eléments.

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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