On dit que c’est dans l’adversité que les êtres humains montrent leur vraie nature. Et l’adversité, notre pays connaît ça en ce moment… Et le sentiment que rien ne va plus, que rien ne vaut plus la peine d’être entrepris, défendu, sauvegardé s’installe de plus en plus, de plus en plus durablement dans nos esprits. Mais trois femmes, trois Françaises au destin tragique viennent, par leur force et leur dignité, nous rappeler à nos devoirs. Le but de ces modestes lignes est de leur rendre hommage.
Ces trois femmes, je les nomme : Claire Geronimi, Harmonie Comyn, Gisèle Pelicot. Trois femmes qui occupent – malheureusement pour elles – la Une des journaux. Elles auraient pu disparaître ou se faire discrètes, se taire et tenter d’oublier, elles sont debout, là devant nous. Par leur comportement altier, elles m’ont rappelé les lettres que le philosophe Sénèque écrivit à sa mère et à Marcia, une amie qui venait de perdre son fils. En espérant que ses correspondantes y trouvent l’inspiration, le stoïcien raconte l’admiration qu’il nourrit pour des femmes fortes qui se sont distinguées. Claire Geronimi, Harmonie Comyn, Gisèle Pelicot y auraient eu toute leur place.
Claire et Mme Pelicot savent que leur nom passera à la postérité pour les horreurs dégradantes qu’elles ont vécues. Mais elles ont décidé de ne pas se cacher. Quand elles parlent, leur dignité nous frappe. Elles redonnent un sens, si l’on peut dire, à la parole « victime », si exploitée, si galvaudée qu’elle en est presque devenue une insulte. Claire et Mme Pelicot sont certes, des victimes, mais on ne les entend pas geindre, quand bien même elles en auraient tous les droits. Elles se battent. Ce qui, à défaut d’être facile, devrait au moins être loué par tous au vu du drame qui les ont marquées. Mais non, Mme Pelicot doit se battre contre les abjects avocats de son ex-mari, tellement minables qu’ils doivent user du mensonge pour défendre leur client. Claire a dû, elle, se battre contre son violeur et… contre celles et ceux (mais plutôt celles) qui voulaient lui clore le bec, parce que le profil de son agresseur met à mal leur mythe chéri du bon sauvage.
Quant à Harmonie Comyn, là où les institutions la voulaient triste et affligée, la tête baissée à consoler ses orphelins, elle a saisi l’occasion pour les pointer du doigt, clamant haut et fort ce que tous pensent tout bas : que leur laxisme et leur excès de tolérance sont coupables de l’insécurité de nos rues et de nos cages d’escaliers.
Ces femmes inspirent la lutte et le respect. Elles sont la voix des victimes qui n’entendent pas se laisser faire et laisser faire. Après elles, les choses doivent changer : peu de chance de voir leur nom sur le mur des cons, à côté des victimes ou des parents de victimes raillés par nos chers magistrats, ceux-là mêmes qui excusent les criminels et les relâchent dans la rue. Ceux-là mêmes qui ont fait de ce pays le paradis de la récidive.
Claire, Gisèle et Harmonie redonnent leurs lettres de noblesse à cette obligation dont nous nous sommes hélas défaits avec tant d’aisance : la responsabilité. Sans le nommer, elles ont dit agir à l’appel d’un devoir moral. Et pour avoir choisi d’y répondre, elles sont dignes d’éloge.
Alors merci Mesdames. Notre société a plus que jamais besoin de votre exemple. De votre dignité et de votre courage.
Audrey D’Aguanno
(1) Ces lettres sont rassemblées dans le recueil Les Consolations.
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Une réponse à “À Claire, Harmonie et Gisèle, la force et la dignité à visage découvert [L’Agora]”
Bravo à ces femmes dignes et courageuses ! En ces temps d’inversion elles nous rappellent heureusement qu’il n’y a pas que les Sandrine Rousseau, Rima Hassan, Mathilde Panot ou Ersilia Soudais que l’on ne voit que trop et qui s’auto-proclament victimes de sexisme, racisme, patriarcat ou autres calembredaines.