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Sophie Errante : d’abord socialiste, puis macroniste, aujourd’hui non-inscrit

Tout député rêve de devenir quelqu’un d’important au Palais-Bourbon. Pour cela, il faut d’abord appartenir à un groupe, ensuite y faire ses classes, enfin s’imposer comme le spécialiste de tel ou tel dossier. Bien entendu avoir l’échine souple est recommandé. Atterrir chez les non inscrits n’est pas le meilleur moyen d’y parvenir. Voilà ce que Sophie Errante a oublié.

Quatre étapes principales dans le parcours politique de Sophie Errante. En juin 2012, elle est élue député de la circonscription de Vertou (le Vignoble) avec la casaque PS ; elle est alors maire de La Chapelle-Heulin. « Cette première victoire socialiste dans le Vignoble est historique et, de plus, par une femme », déclare-t-elle immédiatement (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 18 juin 2012). Il paraît que cette mutation d’un secteur de droite est le fait de l’arrivée de rurbains nantais qui ont fait évoluer la sociologie de la circonscription. En 2017, elle change d’écurie et est réélue avec l’enseigne macroniste « En Marche ! ». Au soir du premier tour, elle fait part de sa satisfaction : « Le score est élevé. C’est une reconnaissance de ma manière de faire et d’être » (Presse Océan, lundi 12 juin 2017). Dès janvier, Sophie Errante a soutenu le mouvement En Marche d’Emmanuel Macron . « Elle a fait partie des députés dissidents de l’aile droite du PS qui, lors de la primaire de la gauche, ont refusé de soutenir Benoît Hamon. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 19 juin 2017).

Arrivent les élections législatives de juin 2022. Candidate « Ensemble !  Majorité présidentielle », au premier tour, elle obtient 19 638 suffrages, alors qu’en 2017, 27 946 électeurs lui avaient fait confiance ; elle a donc perdu 8 303 voix. Réélue au second, elle explique avec un laïus vaseux le sens de ce troisième mandat : « La continuité dans la transformation, pour continuer à accompagner les citoyens dans leur vie, pour pouvoir être auprès d’eux au maximum. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 20 juin 2022). Mais elle a de grandes ambitions : « Un changement de méthode est obligatoire. On doit réinventer le dialogue et la relation avec le citoyen, trouver de nouveaux outils et de nouvelles régularités dans les échanges » (Presse Océan, lundi 20 juin 2022)

Les « tripes » à la mode de La Chapelle-Heulin

La dissolution de 2024 la retrouve sur la ligne de départ. Toujours candidate du camp présidentiel (Ensemble, Renaissance), au premier tour, elle arrive en tête mais affiche tout de même un certain mécontentement : « C’est dur. Le point positif, c’est que j’arrive en tête mais c’est difficile de voir le score du RN. C’est un choc. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 1er juillet 2024) Effectivement, elle engrange 27 555 voix (30,57 %), alors que Stéphanie Cotrel (RN) occupe la troisième place avec 23 574 voix (26,16 %). Curieusement, elle attache beaucoup d’importance à la candidate du RN qui n’a aucune chance de la battre, mais ne semble pas préoccupée par le candidat de LFI (Maxime Viancin) qui la talonne (25 055 voix, 27,80 %).  Son fort ancrage local et « l’arc républicain qui a fonctionné » ont permis la réélection de Sophie Errante pour un quatrième mandat. Au soir du second tour, elle évoque la souffrance subie par ses « tripes » : « C’est la première fois qu’il y avait une triangulaire dans cette circonscription et la première fois que le Rassemblement national était au second tour. Je sais que dans certaines communes du vignoble, il existe un vrai vote d’adhésion sur un projet qui stigmatise et rejette l’autre ; ça me fait mal aux tripes », commente-t-elle (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 8 juillet 2024).

Avec la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, des états d’âme saisissent Mme Errante – nouvelle réaction de ses « tripes » ? Vendredi 20 septembre, elle annonce son départ du groupe Ensemble pour la République qui rassemble les députés Renaissance. « La désignation de Michel Barnier et la composition du gouvernement marquent un virage net à droite et une rupture profonde avec les raisons pour lesquelles je me suis engagée aux côté d’Emmanuel Macron en 2017 », indique-t-elle (Le Monde, dimanche 22-lundi 23 septembre 2024). « Je ne me retrouve pas dans le groupe. Je ne veux plus être associée à ce qui s’y passe et je pense que pour ouvrir une nouvelle page, je dois le quitter », justifie-t-elle (Presse Océan, dimanche 22 septembre 2024). Une analyse plus fine est possible : « J’ai des comptes à rendre à mes électeurs (…) Etre députée est un rôle que je respecte. Et franchement, c’était intenable. Je préfère donc retrouver ma liberté de parole, de communication (…) Je veux juste être en cohérence avec ce que je suis et avec ce que je pense. Je ne me retrouve nulle part. L’idéal serait d’ouvrir une nouvelle séquence, faire les choses autrement, avec des sensibilités allant de la gauche modérée à la droite modérée. Mais certainement pas de faire le grand écart comme ce qui est en train de se passer en ce moment » (Ouest-France, Loire-Atlantique, 21-22 septembre 2024)

Sophie Errante va se faire de nouveaux copains

Sophie Errante quitte donc le groupe Ensemble pour la République (EPR – président Gabriel Attal) pour aller camper chez les non inscrits. Ils étaient sept, ils sont maintenant huit. On n’a pas affaire à un groupe parlementaire (il faudrait être quinze) mais plutôt à un parking – ou une poubelle –  où se réfugient des individualités incapables de fonctionner dans un groupe (Sacha Houlié, Aurélien Pradié, Véronique Besse…). Un avantage pour Mme Errante : elle n’aura plus de cotisation à payer ni au parti, ni au groupe ; c’est toujours ça de pris. Mais les inconvénients sont multiples : plus question de jouer un rôle dans l’hémicycle. Tout député apprécie de devenir rapporteur d’un projet, porte-parole de son groupe, membre influent d’une commission… Ce qui permet de voir son nom apparaître au Journal officiel, dans Le Figaro et dans Le Monde… Pour cela, il faut appartenir à un groupe et être reconnu par ses pairs. Alors que les non inscrits brillent par leur inexistence. C’est pourquoi Paul Molac (Ploërmel) a veillé, au lendemain des élections législatives de juin-juillet, à ce que le groupe Liot (Liberté, indépendants, outre-mer et territoires) soit reconstitué – groupe hétéroclite certes mais qui rassemble vingt-deux députés et se permet de compter dans ses rangs le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, Charles de Courson.

Ambitieuse, en 2017, elle brigue la présidence de l’Assemblée nationale face à François de Rugy.  Echec. En février 2028, elle héritera d’un lot de consolation : présidente de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Comme quoi la Macronie ne l’a pas négligée ! On se souvient qu’elle soutenait le projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. On se souvient qu’elle soutenait la réforme des retraites : « C’est un sujet difficile à porter, mais il faut le faire pour sauver notre système par répartition. Et ce ne sera pas la dernière réforme sur ce sujet. » (Dimanche Ouest-France, Loire-Atlantique, 12 mars 2023) On se souvient qu’on lui reprochait de ne pas avoir de permanence : « Elle est beaucoup sur Paris. Elle y fait beaucoup de “popol“, monte des coups à plusieurs bandes. Mais elle existe, elle a de l’influence. Elle préside notamment la Caisse des dépôts. Elle garde l’oreille du Président », observe un Marcheur nantais (Presse Océan, samedi 27 février 2021)

En 2018, elle déclarait : « Je faisais partie des réformateurs du PS avec Gérard Collomb. La candidature d’Emmanuel Macron m’a séduite. » (Ouest-France, vendredi 2 février 2028) En 2024, elle tient une autre discours : « On était à l’apogée de l’insupportable » (Presse Océan, dimanche 22 septembre 2024) Evidemment, si Michel Barnier avait eu la bonne idée de la nommer secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie, chargée de la Consommation,  à la place de Laurence Garnier, gageons qu’elle aurait été « séduite » par cette promotion.

Bernard Morvan

Crédit photo : Jean Luc Hauser/Wikimedia (cc)
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5 réponses à “Sophie Errante : d’abord socialiste, puis macroniste, aujourd’hui non-inscrit”

  1. Francesco dit :

    Elle porte bien son nom mais son errance ne l’empêchera pas de retrouver la biscuiterie politichienne qui la fait baver. Et comme elle sait zigzaguer, elle va durer et saura retrouver une étiquette lucrative. Sauf si les électeurs lui indiquent où se trouve la sortie. Tel pourrait être son cruel destin si ceux-ci commençaient à réfléchir, ce qui n’est pas gagné d’avance.

  2. Franck dit :

    Ces politiciens, de vrais caméléons.

  3. Hadrien Lemur dit :

    Errante, quel nom approprié pour quelqu’un qui erre de-ci de-là. Elle devait être prédestiné à la bougeotte. Il y a les somewhere et les anywhere.

  4. Pschitt dit :

    L’arrivisme est devenu un art difficile.

  5. guillemot dit :

    Et si tout simplement elle démissionnait pour être en paix avec sa”conscience”, des personnes comme elle , “en réserve de la République” il y en a à foison.

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