Le rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur le transfert du Marché d’Intérêt National (MIN) de Nantes à Rezé met en lumière les enjeux et les coûts liés à ce projet d’envergure, ainsi que les faiblesses dans la gestion financière et organisationnelle du transfert. Examinant la période allant de 2012 à 2023, le rapport révèle plusieurs défis pour les finances de Nantes Métropole, la SEMMINN (Société d’Économie Mixte en charge de la gestion du MIN), et la SPLA LOMA (Société Publique Locale d’Aménagement), chacun impliqué à différents niveaux de cette opération complexe.
Le MIN qu’est ce que c’est ?
Le MIN de Nantes, ou Marché d’Intérêt National de Nantes, est une vaste plateforme dédiée à la distribution de produits frais en gros. Il s’agit du plus grand marché de gros agroalimentaire en France, après celui de Rungis. Historiquement implanté à Nantes, il a été transféré en 2019 dans la commune de Rezé, au sud de la ville.
Le MIN sert de plaque tournante pour les produits alimentaires régionaux, nationaux, et internationaux, avec une spécialisation dans les fruits, légumes, produits de la mer, et autres denrées alimentaires. Il regroupe divers grossistes, producteurs locaux, et fournisseurs alimentaires qui vendent en gros à des restaurateurs, épiciers, marchés, supermarchés, et autres professionnels de l’alimentation.
Le transfert du MIN de Nantes à Rezé a été un projet d’envergure, visant à moderniser les infrastructures et à répondre à de nouvelles normes en matière de logistique et de transport. Cependant, ce projet a soulevé des questions concernant son coût et sa gestion, comme l’a récemment souligné la Chambre régionale des comptes.
Un coût global élevé pour Nantes Métropole
L’un des points clés soulevés par la CRC concerne le coût global du transfert, qui a fortement augmenté au fil des années. Initialement prévu à environ 70 millions d’euros, le coût final de la construction du nouveau MIN à Rezé s’élève à plus de 158 millions d’euros TTC, soit une augmentation de plus de 85 %. Cette hausse est due à plusieurs facteurs, notamment des changements tardifs dans le projet, comme l’ajout d’une toiture photovoltaïque, qui a engendré des surcoûts.
Le coût total de l’opération pour Nantes Métropole est estimé à 255,9 millions d’euros, en incluant les subventions de l’État et de la région Pays de la Loire, ainsi que les frais financiers liés à des emprunts. L’emprunt de 75 millions d’euros à taux variable pourrait, selon la CRC, accroître le coût global si les taux d’intérêt venaient à augmenter dans les années à venir.
Une présentation peu transparente des coûts
La CRC souligne également un manque de transparence concernant la présentation des coûts consolidés du projet. Les élus de Nantes Métropole n’ont jamais eu accès à une vision globale des dépenses liées à ce transfert, étant seulement informés par bribes via des délibérations ponctuelles. Ce manque de suivi financier a nui à la compréhension du véritable impact économique du projet par les élus et les citoyens. En réponse, la Chambre recommande la création d’un budget annexe dédié au MIN afin d’améliorer la transparence et la traçabilité des coûts
Une gestion déléguée fragilisée
Le rapport met en évidence plusieurs irrégularités dans la gestion déléguée du MIN par la SEMMINN. La société d’économie mixte a assuré l’exploitation du MIN de Nantes pendant 45 ans sans mise en concurrence ni publicité, ce qui est en contradiction avec les règles de la commande publique. La nouvelle délégation de service public (DSP) provisoire, confiée à la SEMMINN pour l’exploitation du nouveau MIN de Rezé, est également critiquée pour son déséquilibre financier. En effet, le contrat semble trop avantageux pour Nantes Métropole, au détriment de la SEMMINN, qui ne réalise qu’un résultat marginal malgré une gestion efficace. La CRC souligne la nécessité de réajuster les termes de ce contrat pour garantir une exploitation plus viable pour la SEMMINN.
Des indemnisations coûteuses pour les anciens occupants
Un autre point sensible du rapport concerne les indemnisations versées aux anciens occupants du MIN de Nantes, qui ont dû quitter leurs locaux lors du transfert vers Rezé. Nantes Métropole a versé près de 15,8 millions d’euros à 70 anciens occupants dans le cadre d’accords transactionnels. Ces indemnisations, bien que nécessaires pour assurer l’acceptabilité du projet, sont jugées inégales et parfois excessives par la CRC. Certaines indemnisations ne sont pas en adéquation avec les pertes réelles d’exploitation, ce qui a généré des critiques sur la gestion des ressources publiques.
La réponse des acteurs publics
Face aux observations de la Chambre régionale des comptes, les différents acteurs impliqués dans le projet ont formulé des réponses pour justifier leurs actions. La SEMMINN, par exemple, a insisté sur la nécessité de certaines dépenses imprévues, notamment celles liées à la crise énergétique, qui a pesé sur les résultats d’exploitation. La société d’économie mixte a également souligné les efforts déployés pour renégocier certains contrats et maîtriser les coûts, ce qui a permis d’améliorer la situation financière en 2023.
De son côté, Nantes Métropole a reconnu certains des manquements relevés par la CRC, tout en soulignant la complexité du projet, qui s’inscrivait dans un cadre plus vaste de réaménagement urbain, notamment avec le déménagement du CHU de Nantes. L’exécutif métropolitain s’est engagé à suivre les recommandations de la Chambre, notamment en ce qui concerne la transparence budgétaire et la révision des contrats liés à l’exploitation du MIN.
Le transfert du MIN à Rezé a laissé des traces financières importantes pour Nantes Métropole, et donc pour les contribuables.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine