Alors que les lecteurs attendent la parution du septième et dernier tome du « Trône d’argile », référence en matière de bande dessinée historique médiévale, le tome du prequel, intitulé « La couronne de verre », vient de sortir. C’est l’occasion de découvrir l’épopée du breton Tanneguy du Châtel, qui fit le choix de venir en aide au royaume de France.
La série Le trône d’argile se déroule au début du XVème siècle. La chevalerie française a été décimée à Azincourt. Charles VI sombre dans la folie. Henry V, roi d’Angleterre, risque de devenir également roi de France. Le chevalier breton Tanneguy du Châtel sauve le dauphin Charles VII lors de la prise de Paris par les Bourguignons, alliés des Anglais. Il participe à l’assassinat de Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Puis il apporte son soutien à Jeanne d’Arc. En 1429, la ville d’Orléans est assiégée depuis de nombreux mois. Si la ville tombe, les troupes anglaises déferleront sur toute la France. Jeanne d’Arc est sur le chemin de Chinon, guidée par ses voix. Certains demeurent sceptiques, d’autres ont été touchés par sa foi. Le Dauphin Charles VII, pariant sur l’effet galvanisant d’une prophétie populaire selon laquelle le salut viendra d’une pucelle, s’en remet à Dieu…
La scénariste France Richemond, à travers le destin du chevalier Tanneguy du Châtel, glorifie le sursaut national français survenu à la fin de la Guerre de Cent ans. La narration, parfois soutenue, permet de montrer la complexité de cette guerre. La bataille de Verneuil est ainsi bien expliquée. Puis la scénariste raconte comment Jeanne d’Arc va motiver Charles VII et mener les troupes françaises vers la victoire. Elle insiste sur la psychologie des protagonistes, avec une certaine dose de subjectivité. Charles VII semble ainsi caricaturé en monarque sans vision politique et militaire. La scénariste a pris le parti d’expliquer de manière rationnelle les visions de Jeanne d’Arc. Pourquoi pas. Mais on frise le ridicule lorsqu’un alchimiste sicilien illumine un moine et une dame d’honneur censés représenter Saint Michel et Sainte Catherine ! Le reste de la jeunesse de Jeanne est, heureusement, bien mieux traité.
Le dessin précis et réaliste de l’italien Theo Caneschi convient parfaitement à ce récit. Ses scènes de bataille sont impressionnantes. On regrette seulement certaines approximations dans le choix du mobilier ou de la représentation du Louvre de l’époque, notamment dans le tome 1. Les couleurs de Lorenzo Pieri sont lumineuses.
Dans l’attente du tome 7 de la série Le trône d’argile, il faut découvrir la série La couronne de verre, prévue en cinq albums, qui se déroule antérieurement, à une époque où le trône du roi ne tient qu’à un fil. Le 16 septembre 1380, Charles V s’éteint. Le dauphin, futur Charles VI, est seulement âgé de 12 ans. Le frère du défunt roi, Louis duc d’Anjou, rejoint Paris afin de s’approprier la régence du royaume. Il s’empare même du trésor royal dans le but de financer la conquête du royaume de Naples. Le jeune Charles VI est alors contraint de lever des impôts impopulaires. Ainsi débute l’insurrection de Paris, menée par les bourgeois et marchands, alors que les troupes royales combattent en Flandres. C’est à cette époque que Guillaume du Châtel et son jeune frère Tanneguy arrivent à la cour du roi.
Le scenario de France Richemond, riche voire complexe, suit la chronologie historique. Cette épopée se focalise sur les bretons Guillaume et Tanneguy du Châtel, avec en toile de fond l’accession au pouvoir du très jeune roi Charles VI « le fol ». Charles VI, manipulé par ses oncles, est bien aidé par ces deux jeunes bretons. On découvre l’important rôle de Guillaume du Châtel, qui sera chambellan du frère du roi, Louis de Valois, capitaine des châteaux de Saint-Nazaire et de Guérande et participera au « combat des Sept ».
Le dessin de l’italien Tommaso Bennato est moins réaliste et davantage en rondeur que celui de Theo Caneschi. Mais spécialisé dans la bande dessinée historique (Les 7 merveilles tome 3 Le Phare d’Alexandrie, L’homme de l’année tome 8 L’Homme qui voulut venger César), il reconstitue également avec fidélité les tenues, armures et bâtiments de l’époque qu’il entend décrire. Le coloriste Hugo Poupelin crée de belles ambiances chaleureuses.
On découvre ainsi le rôle joué par le breton Tanneguy III du Chastel (1369-1449), du diocèse de Léon (Finistère nord), pendant la guerre de Cent ans.
Plusieurs de ses ancêtres avaient déjà participé à des événements historiques importants. Ainsi, Bernard du Chastel participa à la Croisade en Palestine au côté du roi Saint Louis et Tanneguy Ier du Chastel fut le lieutenant général de l’armée « anglo-bretonne » de Jean de Montfort pendant la guerre de succession « des deux Jeanne ».
En mai 1413, Tanneguy III du Chastel sauve le dauphin Charles, futur Charles VII, lors de l’émeute parisienne des Cabochiens. En 1415, chambellan du roi Charles VI, prévôt de Paris, il chasse les Bourguignons de Chevreuse et participe à la bataille d’Azincourt. En 1417, il est nommé maréchal et gouverneur de la Bastille. S’opposant aux partisans du duc de Bourgogne, il parvient à faire sortir le dauphin de Paris. Il négocie la paix du Ponceau avec le duc de Bourgogne Jean sans Peur mais serait l’un des principaux instigateurs de son assassinat, à l’entrevue de Montereau-Fault-Yonne, le 10 septembre 1419. En 1429, il incite le roi Charles VII à soutenir Jeanne d’Arc.
La couronne de verre, tome 2, Rozebeke morne plaine, 56 pages, 15,50 euros. Editions Delcourt.
Kristol Séhec.
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