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« L’Angleterre brûle sur le bûcher d’une société utopique ». Entretien avec Gabriele Adinolfi

Les derniers événements qui secouent le Royaume-Uni, des émeutes du quartier multiethnique de Harehills aux affrontements suite à l’égorgement de trois fillettes par un homme d’origine rwandaise, n’ont pas vraiment fait couler beaucoup d’encre dans les médias subventionnés. Et pour cause : “l’Angleterre brûle sur le bûcher d’une société utopique.” Ces mots, nous les avons empruntés à Gabriele Adinolfi, fondateur des mouvements Terza Posizione, Lansquenets d’Europe et animateur de l’Institut Polaris. Nous en avons profité pour lui demander son éclairage sur cette actualité brûlante.

Breizh-info.com : Dans vos articles, vous évoquez souvent le développement d’un multiracisme uniculturel sans racines, comme l’a théorisé l’économiste italien Geminello Alvi dans son livre Le siècle américain en Europe. De quoi s’agit-il ?

Gabriele Adinolfi : L’économiste et dirigeant de banque Geminello Alvi dénonçait déjà en 1996 l’avènement d’une société multiethnique et multiculturelle seulement en apparence. Selon lui, il allait se former des poches identitaires de différents groupes ethniques se faisant face et se détestant l’une l’autre. Cela ce serait produit alors qu’une part considérable des immigrés de deuxième et troisième génération se seraient mariés entre eux ou avec des autochtones, cherchant vaguement à trouver une identité non-définie. Cette identité, globale et uniforme, imiterait les modes de vie et les goûts vestimentaires américains. Une société multiraciste, traversée de haines réciproques, mais monoculturelle, voire même sans culture se serait donc constitué. Ce modèle aurait réuni les nouvelles générations dans toutes leurs différentes expressions. Il me semble que c’est exactement ce qu’il s’est passé.

Breizh-info.com : On entend souvent que le phénomène migratoire que nous connaissons serait le contrecoup de la colonisation européenne de l’Afrique et de l’Asie. Quelle part de responsabilité peut-on imputer à la décolonisation et aux nations anciennement colonisées ?

Gabriele Adinolfi : La décolonisation doit être lue de deux manières. C’est tout d’abord l’abandon d’un système que l’on a voulu dépasser par les causes nationales de peuples qui n’avaient parfois ni histoire ni conscience nationale, mais étaient divisés en clans et en tribus. Le nationalisme dans le tiers-monde n’est pas né exclusivement là où une réalité historique pré-existait comme en Égypte ou en Inde, mais aussi de la création de nations rassemblant arbitrairement des peuples et des tribus qui se détestaient et ont continué à le faire, ce qui a pu se traduire en guerres ethniques et en véritables génocides.

La décolonisation a été réalisée le plus souvent, mal et à la hâte, en partie à cause de l’absence de préparation de jeunes classes dirigeantes locales. Dans de nombreux États devenus indépendants, le départ des colonisateurs européens a été traumatique et la gestion de l’indépendance a produit des bénéfices, mais aussi un grand nombre de dommages.

Les sociétés multinationales et les impérialismes de Yalta (États-Unis et Russie) en ont profité. Les colonisateurs européens, en particulier les Français et les Anglais, ont maintenu une influence indirecte grâce à la diplomatie et à la monnaie (livre sterling et CFA) et sont restés dans le jeu. Entre-temps, la rupture d’une certaine dynamique de l’Europe vers l’Afrique a entraîné son renversement. Cela a donné naissance à une poussée du sud vers le nord, favorisée par des nations africaines qui voulaient réduire la pression sociale en leur sein et par une Europe, celle des « Trente Glorieuses », avare d’embaucher une main-d’œuvre à bas coût. Au fil du temps, la démographie, en déclin chez nous et explosive en Afrique, a rendu le phénomène irréversible.

En ce qui concerne notre complexe de culpabilité pour la colonisation, je l’attribue au Sida mental et culturel imposé par l’École de Francfort après 1968 et qui s’est enraciné dans les sociétés occidentales, en particulier avec le phénomène woke. Le colonialisme est fait comme toute chose de lumières et d’ombres. Entre ce que les Européens ont pris à l’Afrique et ce qu’ils lui ont donné, il est difficile d’établir un bilan correct. Cependant, il n’y a aucun lien entre les migrations et nos « fautes » coloniales. Ce ne sont là que les allégations de minorités séditieuses brandies lorsqu’un malaise social se manifeste dans les banlieues  : pour se justifier et établir un chantage moral en évitant d’en payer le prix.

Breizh-info.com : Pour nos dirigeants politiques, engagés dans la défense d’un modèle économique pourtant à bout de souffle, l’immigration de masse serait une nécessité autant démographique qu’économique. Un autre modèle, qui ne se baserait pas sur l’importation d’une main d’oeuvre bon marché et un système de retraite par capitalisation est-il envisageable en Europe, selon vous ?

Gabriele Adinolfi : Au cours des cinq dernières années, bien que tous les rapports sur la démographie et l’emploi insistent sur la nécessité d’augmenter considérablement le nombre de migrants – car d’ici une quinzaine d’années, nous ne serons plus en mesure de répondre aux besoins minimaux de main-d’œuvre et de forces armées -, la narration sur l’immigration en Europe a changé. On est passé de l’accueil de “chances pour la France, l’Italie etc..” à la nécessité proclamée de les filtrer, de les gérer, de les réguler.

Les classes dirigeantes hésitent, prises non pas entre deux, mais trois feux : la nécessité de pallier les pénuries de main-d’œuvre et donc de répondre aux exigences du capital ; la guerre civile latente doublée d’une insatisfaction populaire croissante ; la détention des moyens de communication par les prêtres du Sida mental et par tous ceux qui font de l’immigration un business ou une mission. C’est tout un système qui est composé de spéculateurs exploitant la situation des migrants (tant les associations qui en vivent économiquement que les politiciens bipartisans qui les exploitent électoralement), où  entrent en jeu des intérêts géopolitiques (wahhabites, turcs, russes).

Quant à la réduction de la main d’oeuvre, elle ne serait possible sur plusieurs années que par le développement de la robotique ou par la désindustrialisation et le désarmement. C’est pourquoi je miserais beaucoup sur la robotique. Des relations particulièrement étroites avec le Japon et Singapour, leaders en robotique, pourraient, par exemple, être considérées dans la perspective de réduire la nécessité d’importer de la main-d’œuvre. Quant à la restructuration de l’industrie et du réarmement, leurs coûts seraient très élevés et une véritable révolution fiscale serait nécessaire. Ce n’est pas impossible. Il existe également plusieurs pistes de taxation du travail des robots afin de couvrir les déficits causés par la diminution des cotisations des travailleurs. Il faudrait, de plus, commencer à penser à une forme de pension sociale de base qui pourra ensuite s’accroître au cas par cas à travers la capitalisation.

Breizh-info.com : Comment jugez-vous l’action de l’actuel gouvernement italien en matière d’immigration ? Dans l’état actuel des choses, quelles solutions concrètes et efficaces pourraient être mises en place au sein de l’Union européenne ?

Gabriele Adinolfi : La direction entreprise par le gouvernement italien en ce qui concerne la réglementation et la gestion des flux migratoires vise d’une part à impliquer les autres États européens, et de l’autre les pays de départ. N’étant pas unilatérale, elle peut être efficace. La Tunisie a été impliquée dans le contrôle des migrations et l’Albanie a accepté d’accueillir les immigrés irréguliers en provenance d’Italie en attendant leur rapatriement. En revanche, le gouvernement n’est pas parvenu à établir des relations opérantes avec la Libye en raison des manœuvres russes qui l’en empêchent.

Il faut garder à l’esprit qu’après le coup d’État au Niger, le trafic d’êtres humains y a été dépénalisé et la pression subsaharienne a augmenté, poussant davantage de personnes à essayer de passer en Europe via la Libye.

De plus, le gouvernement italien a lancé le “Plan Mattei pour l’Afrique“, qui vise précisément à instaurer une géopolitique eurafricaine, indispensable pour intervenir sur le phénomène migratoire.

Malgré le langage officiel, le problème commence à être reconnu politiquement. Le soutien de l’Union européenne aux décisions italiennes de réglementation en Tunisie et de transfert en Albanie aurait été inimaginable il y a seulement quelques mois.

Mais cela ne suffit certainement pas. Il faut envisager une politique alternative et visionnaire et, surtout, pour faire face aux urgences, il faut vaincre chez nous le fanatisme progressiste qui refuse de tirer les leçons de ses échecs et cherche à les transformer en succès établis par la loi.

Propos recueillis par Audrey D’Aguanno

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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