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Patrice Pellerin fête les 30 ans de l’Epervier (bande dessinée).

Depuis 30 ans, dans la célèbre bande dessinée L’Épervier, un corsaire breton déjoue des complots avec droiture et panache. Son créateur, Patrice Pellerin, y mêle ses passions : la Bretagne, la mer et l’Histoire.

Brest, XVIIIème siècle. Yann de Kermeur, ancien pirate, devenu un célèbre corsaire breton sous le nom de l’Épervier, est accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Abandonné de tous, son équipage emprisonné, Yann mène l’enquête dans un périple qui le mène en Guyane à la recherche d’un trésor aztèque. Innocenté, Yann est convié à Versailles en 1742. Louis XV le charge d’une mission secrète et périlleuse. L’Épervier doit rejoindre la Nouvelle-France pour sauver l’immense empire colonial en Amérique du Nord. Il doit y remplacer un espion français qu’un certain Masque de fer à la solde des Anglais a assassiné. L’Angleterre n’admet pas qu’au Canada, les Français occupent, avec peu de soldats, un immense territoire allant de la baie d’Hudson au Mississippi. L’Épervier effectue la traversée à bord de son navire, la Méduse. Mais il doit affronter une escadre anglaise. Afin de tisser une alliance stratégique avec un peuple amérindien, l’Epervier apprend alors qu’il doit protéger une princesse indienne contre de multiples dangers… A Versailles, les intrigues destinées à contrarier la stratégie de Louis XV ne cessent pas. Un puissant lobby, payé par les Anglais, manigance dans le but de forcer le roi de France à abandonner le Canada. Pendant ce temps, l’Épervier ignore tout du danger que court la belle Agnès de Kermellec. Mariée de force au marquis de Beaucourt qu’elle exècre, elle s’enfuit pour retrouver l’Épervier. Mais son mari la rattrape et l’enferme dans une cave…

Né à Brest le 2 novembre 1955, fils d’un préfet qui ne restait jamais longtemps dans la même région, Patrice Pellerin a vécu dans vingt-deux villes différentes. Mais il revenait chaque été passer ses vacances sur les côtes bretonnes, berceau de sa branche maternelle. Passionné de littérature classique, à l’âge de 12 ans il avait déjà lu presque toutes les œuvres de Dumas, Hugo et Balzac. Il apprend le dessin tout seul, en copiant les peintres de la Renaissance ou du Grand Siècle. A l’âge de 15 ans, il découvre Prince Valiant de Foster et se passionne dès lors pour la bande dessinée. Après le bac littéraire, il est directement admis en 3 ème année de l’École d’arts appliqués de Reims, en atelier de bande dessinée, dont il était le seul élève, les autres préférant la section dessin animé. Admirant le travail de Pierre Joubert, il parvient à le contacter et emménage même dans la chambre de l’un de ses enfants, pendant une dizaine d’années. Bénéficiant des conseils de Pierre Joubert, il se consacre en 1977 à l’illustration de manuels scolaires d’histoire et d’ouvrages pédagogiques. Il illustre ainsi l’ouvrage Une histoire de la Bretagne de Jean Markale.

Après la mort de Jijé, Jean-Michel Charlier lui propose de dessiner la suite de Barbe-Rouge, célèbre série maritime entamée en 1961 avec le dessinateur Hubinon. Il crée ainsi deux albums de cette série : “Trafiquants de bois d’ébène” (tome 22) en 1983 et “Les Révoltés de la Jamaïque” (tome 25) en 1987. Puis, en 1985, il se consacre au scénario des trois premiers albums de la série médiévale “Les Aigles décapités” (dessinée par Jean-Charles Kraehn). Mais à la mort de Jean-Michel Charlier, la complexité de la reprise des droits incite Pellerin à abandonner Barbe-Rouge, même s’il a dessiné une dizaine de planches d’un nouvel album, afin de créer sa propre série.

Il s’installe en Bretagne en 1993, habitant aujourd’hui à Lampaul-Guimiliau, près de Landivisiau (Finistère nord). En 1994, sa nouvelle série, “L’Épervier”, parait dans le journal Spirou. Il utilise 7 planches qui étaient prévues pour le nouveau Barbe-Rouge, redessinant le visage du héros pour transformer Eric le Rouge en Yann de Kermeur. A l’origine, cette série devait d’appeler « Le seigneur des tempêtes ». Mais le titre paraissait trop long à l’éditeur Dupuis. Puis Pellerin découvre le récit d’un contrebandier de la presqu’ile de Crozon, qui se faisait appeler Ar Sparfell (l’épervier en breton). Le nom du héros est trouvé !

Depuis 30 ans, Patrice Pellerin maintient son cap. Il réalise tout, scénario, dessin et colorisation. Mais le lecteur doit être patient. Il ne faut pas moins de trois années pour permettre à Pellerin de finaliser un album. Peu d’auteurs peuvent se permettre de faire ainsi patienter leur éditeur !

Ce maître du dessin maritime construit des scénarios riches en rebondissements. Ainsi se mêlent complots historiques ou imaginaires, enjeux politiques et intrigues amoureuses.

Yann de Kermeur, le héros, est un noble qui, après avoir été contraint de devenir pirate, a été capturé par l’armée française, gracié, puis enrôlé comme corsaire. Pellerin explique que son héros reste « fidèles aux valeurs anciennes de son rang et que son statut social lui implique plus de devoirs que de privilèges » (Patrice Pellerin, A propos de l’Epervier, Ed. A propos, 2005). Pour découvrir la jeunesse de L’Epervier, il est conseillé de lire le hors-série Archives secrètes, qui contient de nombreuses planches inédites.

Par sa rigueur et son réalisme, Patrice Pellerin représente minutieusement les navires, les bâtiments et costumes de l’époque. On apprécie notamment la reconstitution particulièrement fidèle du château de Kerjean, de la ville de Brest et du fort Vauban à Camaret. Pellerin trouve en effet son bonheur à dessiner la Bretagne du XVIIIème siècle. Le souci du détail est époustouflant. A Versailles, Pellerin montre dans les moindres détails le cabinet du Conseil et le petit cabinet de travail de Louis XV. Pour reconstituer le salon ovale blanc et or qui n’existe plus, il a même dû rechercher les plans et le mobilier de l’époque.

Il travaille avec des archéologues, des historiens comme Régine Pernoud, Jean Favier, ou Alain Boulaire (auteur de la thèse Brest et la Marine royale de 1660 à 1790, Thèse Paris IV, 1988), le directeur du château de Brest… Comme François Bourgeon, il puise dans les ouvrages de Jean Boudriot, notamment celui consacré à La Renommée, frégate construite à Brest (“La Renommée” : frégate de VIII, 1744, Paris, ANCRE, coll. « Archéologie navale française », 1993, 356 p.).

Patrice Pellerin commence, pour chaque page, à faire une esquisse au format de l’album. Puis, sur chaque page agrandie, il crayonne puis encre. Il fait tout à la main, sans recourir au numérique, avec les mêmes outils qu’au XVIIe siècle : plume et encre de Chine pour l’encrage, pinceaux et gouaches pour la mise en couleurs.

Les couleurs réalisées à la main par Pellerin lui-même sont superbes. A l’heure des palettes numériques, rares sont les coloristes qui réalisent encore des peintures. Plutôt que la mise en couleur directe, il utilise l’ancien procédé des « bleus ». Il reçoit ainsi de l’éditeur une épreuve en gris, sur laquelle il appose ses couleurs à la gouache.

Cette technique traditionnelle procure beaucoup de charme au récit.

Un chef d’œuvre de la BD d’aventures.

On sera moins élogieux sur l’adaptation de cette série à l’écran : L’Épervier. Cette série française en six épisodes de 52 minutes, réalisée par Stéphane Clavier, diffusée pendant l’été 2011 sur France 3, a été tournée en Bretagne, à Locronan, Crozon, Fort-la-Latte, Dinan et à Saint-Malo. Mais pour limiter le budget, l’aventure a cédé la place au romanesque.

Le prochain album de l’Épervier devrait sortir fin 2025. Il se déroulera à Kerjean et à Brest, notamment lors de l’incendie de son port en 1742.

L’épervier, intégrale, 1er cycle, 288 p., 54 euros. Editions Dupuis.

L’épervier, tomes 7 à 10, 15,50 euros chacun. Editions Soleil Quadrants.

Kristol Séhec

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