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Brian E. Hurfet (The African Dream) : « Il existe plusieurs stéréotypes sur l’Afrique qui méritent d’être déconstruits » [Interview]

Alors qu’en Europe, les dirigeants politiques ont très souvent tendance à voir l’Afrique et les Africains comme un continent qui serait destiné, en permanence, à être lié à l’Europe, et à fournir une main d’oeuvre pas chère, précaire, et bon marché pour enrichir une petite caste dominante, il y a de par le monde des Africains qui travaillent à repenser l’Afrique, et le développement de leur continent.

C’est le cas de Brian E. Hurfet, auteur de The African Dream (éditions du Panthéon).

“The African Dream” est une œuvre audacieuse et inspirante d’un auteur aux racines africaines, élevé en France et ayant une carrière dans la finance à New York. L’auteur propose une vision renouvelée de l’Afrique, loin des clichés de précarité et de dépendance. Nous l’avons interviewé.

Breizh-info.com : Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel et professionnel et comment il a influencé l’écriture de “The African Dream”?

Brian E. Hurfet : J’ai eu une éducation française et américaine, mais je suis le fils d’un continent béni qui s’appelle l’Afrique et mon héritage et mes racines sont profondément enfouies dans le sol du Congo-Brazzaville et dont j’en suis fier.

Je suis banquier de formation expert en ingénierie patrimoniale, en finance international et en Gestion de risque, et après avoir travaillé très longtemps au sein de plusieurs banques américaines, et françaises, j’ai voulu tout simplement en écrivant ce livre prendre une vision la plus large possible à la fois personnelle venant de ma triple culture , et professionnelle pour apporter des clés de lecture singulière à l’encontre des clichés que j’ai entendu partout dans le monde entier pour l’avoir parcouru, associant le continent Africain a la pauvreté, à la précarité, aux guerres, conflits,ainsi que les panneaux publicitaires montrant les enfants Africain affamés avec des liens demandant de l’aide humanitaire, des genocide, corruption etc

Le déclic de l’écriture de ce livre est parti de là, et j’ai donc commencé à l’écrire aux Etats-Unis à New York. Mais je ne l’avais pas terminé et je l’ai donc fait, ici à Paris pour montrer aux Africains et au monde ce qu’aurait pu devenir le continent Africain ou ce que pourrait devenir ce continent avec de la volonté des dirigeants politiques, ainsi que Les Africains eux-mêmes et la diaspora et Afro Descendant du monde entier on se mettant au travail ensemble a RÊVEZ GRAND!

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a inspiré à écrire ce livre et quel message principal souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs?

Brian E. Hurfet : Comme je viens de vous le dire, l’inspiration principale vient des stéréotypes et de la situation actuelle du continent Africain.

Et ce livre est justement un Livre de recette à travers lequel j’ai voulu transmettre des solutions pour affranchir l’Afrique des préjugés et méthodes post coloniales et cette dépendance économique envers un occident qui est vu parfois condescendant et aussi, bien trop souvent, opportuniste.

Breizh-info.com : Votre livre conteste les clichés sur l’Afrique. Quels sont les principaux stéréotypes que vous souhaitez déconstruire?

Brian E. Hurfet : Il existe plusieurs stéréotypes sur l’Afrique qui méritent d’être déconstruits. Je vais tenter de vous en lister quelques-uns d’entre eux, les plus courants:

Concernant la misère et la pauvreté, l’Afrique est souvent associée à des images de guerres, de famines et d’épidémies. Cependant, il est essentiel de reconnaître que le continent est bien plus complexe et diversifié que ces clichés réducteurs. Des progrès significatifs ont été réalisés dans de nombreux pays africains, en matière d’éducation, de santé,et de développement économique

Un stéréotype persistant est celui de l’Afrique comme étant un continent isolé, coupé du reste du monde. En réalité, l’Afrique a toujours eu des liens avec d’autres régions par la Méditerranée, l’océan Indien et d’autres voies commerciales. Un exemple? Des échanges de porcelaine chinoise ont été documentés en Afrique orientale et dès le 11e siècle

Contrairement à la croyance populaire, la Conférence de Berlin de 1884 n’a pas tracé toutes les frontières africaines. Elle n’a même pas discuté de la conquête du continent. Les frontières actuelles résultent d’une histoire complexe mêlant ,migrations, échanges culturels et influences diverses

L’idée que l’Afrique n’aurait rien inventé est infondée. Par exemple, l’Afrique a bel et bien développé la métallurgie du fer de manière indépendante. Il est essentiel de reconnaître les contributions africaines à l’histoire et à la culture mondiale…En somme, il est crucial de dépasser ces stéréotypes et de reconnaître la richesse, la diversité et la résilience des peuples africains. L’ Afrique est bien plus que les images simplistes qui lui sont trop souvent associées

Breizh-info.com : Vous proposez des méthodes pour libérer l’Afrique de la dépendance économique. Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets?

Brian E. Hurfet : Oui, par exemple la réduction de la dépendance économique de l’Afrique est un défi complexe, mais voici quelques méthodes et exemples concrets :

L’Afrique doit diversifier son économie au-delà des matières premières. Par exemple l’Afrique du Sud peut encourager les investissements locaux pour attirer des investisseurs étrangers durables ..De même que la République Démocratique du Congo (RDC) peut également charpenter sa législation pour ouvrir mieux ses concessions minières aux étrangers sous réserves d’investissements modernes et pérennes

La Zone de libre échange continentale africaine ( la ZLECAF) qui peut favoriser la diversification. Économique en encourageant l’industrialisation, la distribution et la création de valeur ajoutée au lieu de simplement exporter ses matières premières.

La Réduction de la dépendance à l’aide étrangère, en mettant en oeuvre des programmes d’assistance et encourager une croissance durable pour que l’épargne intérieure et les flux de capitaux privés puissent remplacer progressivement l’aide publique

Il faut aussi favoriser le transfert de technologie dans l’industrie, notamment dans les secteurs des télécommunications et de l’énergie électrique.

La Réforme monétaire pour réexaminer les accords monétaires comme la zone CFA pour renforcer la souveraineté économique Mais bien sûr,il est essentiel de combiner ces approches pour libérer l’Afrique de sa dépendance économique.

Breizh-info.com : Comment voyez-vous l’impact des changements géopolitiques mondiaux, notamment l’émergence de la Chine, sur le développement de l’Afrique?

Brian E. Hurfet : L’impact des changements géopolitiques mondiaux, telle que l’émergence de la Chine, sur le développement de l’Afrique est un sujet complexe et crucial. Voici quelques points clés à considérer :

Le groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s’est élargi pour inclure des pays africains tels que l’Éthiopie, l’Égypte et l’Arabie saoudite. Cette expansion vise à défendre les intérêts du Sud et à remettre en question l’ordre mondial dominé par les puissances occidentales. Cependant cela peut aussi créer des tensions avec l’Europe et les États Unis .

La rivalité entre les États-Unis et la Chine a des répercussions mondiales. Les deux superpuissances cherchent à étendre leur influence en Afrique, notamment dans les États riches en ressources. Cette compétition peut façonner les politiques africaines et les investissements étrangers

Certains pays africains et des Caraïbes ont appelé à des réparations pour les injustices coloniales passées. Ces demandes soulèvent des questions sur la justice et l’équité dans les relations internationales

En somme, l’Afrique doit naviguer avec prudence entre ces alliances concurrentes, tout en cherchant à promouvoir son propre développement économique, social et politique. Les décisions prises aujourd’hui auront un impact durable sur l’avenir du continent.

Breizh-info.com : Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants africains pour mieux négocier avec ces nouvelles puissances économiques?

Les dirigeants africains peuvent adopter plusieurs stratégies pour mieux négocier avec les nouvelles puissances économiques. Voici quelques conseils :

Les pays africains peuvent collaborer entre eux pour renforcer leur position lors des négociations. En unissant leurs forces, ils peuvent mieux défendre leurs intérêts économiques.

Il faut former une main-d’œuvre qualifiée est essentiel pour attirer des investissements étrangers et négocier des accords avantageux. Les dirigeants devraient investir dans l’éducation, la recherche et le développement pour améliorer la compétitivité de leurs économies.

Mais aussi simplifier les procédures administratives, réduire la bureaucratie et garantir la stabilité juridique sont des mesures essentielles pour attirer les investisseurs étrangers et encourager les négociations fructueuses.

Au lieu de dépendre d’une seule puissance économique, les dirigeants africains devraient chercher à établir des relations commerciales avec plusieurs pays. Cela réduit les risques et offre plus d’options lors des négociations.

Les accords commerciaux régionaux peuvent renforcer la position de l’Afrique dans les négociations internationales. Les dirigeants devraient encourager la libre circulation des biens, des services et des personnes au sein du continent.

En fin de compte, vous voyez que la clé réside dans la coopération, la préparation et la vision à long terme pour que l’Afrique puisse bénéficier (enfin dirais-je) des opportunités offertes par les nouvelles puissances

Breizh-info.com : Vous lancez un appel à la diaspora africaine dans votre livre. Quel rôle pensez-vous qu’elle peut jouer dans le développement du continent? La notion de remigration de l’Europe vers l’Afrique vous parle-t-elle ?

Brian E. Hurfet : La diaspora africaine joue un rôle essentiel dans le développement du continent. Elle transcende la simple notion d’immigration démographique et s’inscrit dans un réseau économique, social et culturel dont voici quelques points clés :

La diaspora permet aux Africains de renouer avec l’idée d’hospitalité et de solidarité. Les liens fraternels et sororaux au sein de la diaspora sont souvent plus forts que les liens nationaux et ne s’expriment pas uniquement à l’intérieur du continent

L’identité diasporique est enrichie par les éléments culturels et relationnels qui traversent les territoires de vie. Elle se construit entre le “territoire d’origine” et le “territoire de vie”. Ainsi, exporter des éléments culturels comme la cuisine,la danse etc… .est important mais il est également essentiel de s’ouvrir à l’hospitalité générale autour de nous

Les acteurs de la diaspora innovent, créent des richesses et des emplois. Leur talent est un apport essentiel au continent. Si les ponts ne sont pas coupés avec l’Afrique et que leur énergie est encouragée,ils peuvent contribuer de manière significative au développement

De plus en plus, les gouvernements africains cherchent à impliquer la diaspora dans le développement du pays. Cela inclut l’investissement économique, le transfert de compétences et de technologies, ainsi bien entendu que le maintien des liens culturels

En ce qui concerne la remigration de l’Europe vers l’Afrique, cela peut être un sujet très complexe et controversé. Certains soutiennent que cela pourrait stimuler le développement, tandis que d’autres soulèvent des préoccupations liées à la fuite des cerveaux et à la perte de talents en Europe. Quoi qu’il en soit,il est important d’examiner les implications à long terme et de promouvoir des politiques inclusives pour maximiser les avantages de la diaspora africaine

Breizh-info.com : Comment envisagez-vous la mobilisation de cette diaspora pour concrétiser “The African Dream”?

Brian E. Hurfet : La participation accrue de la diaspora africaine au développement du continent est essentielle, et il y a quelques moyens pour encourager cette implication tels que ;

Les Transferts Financiers:

– Redynamiser les transferts financiers personnels vers l’Afrique. Ces envois de fonds sont une source vitale de revenus pour les familles et les communautés locales

– Faciliter les services de transfert d’argent et réduire les frais pour encourager davantage de contributions.

Les Investissements et les Compétences:

– Encourager la diaspora à investir dans des projets en Afrique. Elle peut apporter des capitaux, des compétences et des connaissances techniques

– Créer des incitations fiscales et des mécanismes de soutien pour les entrepreneurs de la diaspora.

Le Réseautage et la Collaboration:

– Organiser des événements annuels de la diaspora pour favoriser les échanges productifs entre l’Afrique et ses membres dispersés

– Facilitez les partenariats entre la diaspora et les entreprises locales.

La Sensibilisation et l’Éducation:

– Informer la diaspora sur les opportunités d’investissement et de collaboration en Afrique.

– Mettre en place des programmes d’éducation et de formation pour renforcer les compétences des jeunes Africains.

En somme, la diaspora africaine a un potentiel immense pour contribuer au développement du continent. Il est crucial de créer un environnement favorable à sa participation active.

Breizh-info.com : Quelle est votre vision pour l’Afrique dans les prochaines décennies?

Brian E. Hurfet : D’ici 2063, l’Union Africaine aspire à faire de l’Afrique un continent de prospérité partagée, où les citoyens sont bien formés et qualifiés, soutenus par la science, la technologie et l’innovation.

Pour y parvenir, l’Afrique devra surveiller les changements climatiques, gérer efficacement ses ressources naturelles et énergétiques, et adopter des politiques claires d’urbanisation et de gestion des problèmes d’émigration et de transfert de capitaux. De plus,la mise en oeuvre des recommandations de l’agenda 2063 de l’union africaine , la réduction du taux de fécondité et la réduction des conflits pourraient stimuler la prospérité économique et le bien être social sur le continent au cours des prochaines décennies

Breizh-info.com : Quelles sont les principales réformes politiques et économiques que vous recommandez pour atteindre cette vision?

Brian E. Hurfet : Pour atteindre une vision de l’Afrique prospère et résiliente, nous pourrions faire quelques recommandations clés en matière de réformes politiques et économiques, comme par exemple le fait de redresser les comptes publics : Il est essentiel de gérer les finances publiques de manière responsable sans entraver le développement. Cela implique de réduire les déficits budgétaires et de contrôler la dette publique

Les pays africains devraient aussi pouvoir adopter une politique monétaire axée sur la stabilité des prix. Cela favoriserait la confiance des investisseurs et soutiendrait efficacement la croissance économique.

Des réformes structurelles sont nécessaires pour diversifier l’économie et les sources de financement. Il faut surtout encourager l’innovation, l’entrepreneuriat et le développement de secteurs non traditionnels pour contribuer à cette diversification.

En outre,la réforme de l’architecture financière mondiale est cruciale pour garantir un système international plus équitable et plus représentatif. Ces mesures combinées peuvent aider à façonner un avenir prometteur pour l’Afrique.

Breizh-info.com : Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la réalisation de ce “rêve africain”?

Brian E. Hurfet : Le rêve d’unité et de prospérité pour l’Afrique, souvent appelé le “rêve africain”, a été confronté à plusieurs défis au fil des décennies, mais il a rencontré quelques obstacles.

Bien que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et son successeur, l’Union africaine (UA), aient galvanisé les énergies pour libérer l’Afrique du joug colonial, l’intégration complète n’a pas été atteinte. La polarisation entre les blocs et l’échec à pouvoir résoudre les conflits ont beaucoup entravé la réalisation de ce rêve. Malgré quelques progrès régionaux, on peut constater malheureusement que les structures mises en place n’ont pas toujours réussi à assurer la sécurité sur le continent.

On peut citer par exemple la force régionale de la communauté de l’Afrique de l’Est ( la EAC): En République Démocratique du Congo par exemple, elle a montré des manques d’efficacité flagrants face aux groupes armés qui déstabilisent la Région des Grands Lacs et de l’Est

On rencontre aussi des obstacles internes, et je pourrais, à ce titre, citer par exemple le prêtre congolais Emmanuel Bueya qui pointe du doigt “l’Africain lui-même” comme étant l’un des premier obstacle à l’évolution de l’organisation continentale.

Mais cela peut également inclure des problèmes culturels , des divisions internes et des défis institutionnels En somme, la réalisation du rêve africain nécessite des efforts continus pour surmonter ces obstacles et promouvoir l’unité, la coopération et la prospérité sur le continent.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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