Malika Sorel est ingénieur de l’École polytechnique d’Alger. Elle a été conseillère du Premier ministre François Fillon sur l’éducation et l’immigration lors des élections présidentielles de 2017. Elle a également travaillé au Haut Conseil à l’intégration, qui s’occupe des questions migratoires. Auteure de plusieurs ouvrages sur les problèmes posés par l’immigration en Europe et les politiques nécessaires pour y remédier, Sorel était numéro deux sur la liste du Rassemblement national, menée par Jordan Bardella, et elle a été élue députée au Parlement européen le 9 juin.
Notre confrère Álvaro Peñas l’a interrogé pour The European Conservative, traduction par nos soins.
La victoire du Rassemblement national aux élections européennes était tout à fait probable selon les sondages, mais vous attendiez-vous à une victoire aussi écrasante sur le parti de Macron ?
Malika Sorel : Dans tout le pays, nous avons senti la colère monter, et en même temps nous avons vu l’espoir suscité par notre liste. À l’origine de la colère du peuple, nous trouvons des raisons qui concernent directement le rejet de la personnalité et du bilan du président. Mais il y a d’autres raisons, liées notamment à la candidate qui a conduit sa liste aux européennes, Valérie Hayer.
Mme Hayer a prouvé qu’elle n’était pas à la hauteur de la tâche. Elle manquait de compétences, de connaissances et de maîtrise des dossiers. On pouvait s’y attendre de la part de quelqu’un qui a été membre du Parlement européen pendant cinq ans et qui a également dirigé le groupe Renew. Certains de ses débats ont été catastrophiques et surréalistes.
En ce qui concerne le président Emmanuel Macron, l’opinion publique rejette de plus en plus sa personnalité. Beaucoup de Français le considèrent comme arrogant, narcissique et peu intéressé par les cris de détresse de son peuple. À plusieurs reprises, il a tenu des propos très blessants à l’égard des Français, des propos qu’un président ne devrait pas prononcer car tout président doit montrer qu’il aime et respecte son peuple.
De plus, le président ne semble pas écouter grand monde. En témoigne sa décision solitaire et soudaine de dissoudre l’Assemblée nationale, sans même laisser aux partis politiques le temps de s’organiser correctement, surtout à la veille des Jeux olympiques qui méritaient et nécessitaient la concentration de toutes les ressources de l’État.
Dans de nombreux domaines, son bilan est catastrophique. L’insécurité explose en France, de même que l’endettement. L’économie n’est pas florissante. La confiance en l’avenir diminue. Les jeunes se sentent relégués. L’école est en mauvais état. Dans certaines régions, les enseignants commencent à avoir peur des élèves dans leurs classes ! Le système hospitalier français, autrefois si réputé, se porte lui aussi de plus en plus mal. Tout cela alimente la déception et la colère justifiées des citoyens.
Quelles ont été les clés de cette victoire ?
Malika Sorel : Chaque jour, un certain nombre de faits et d’événements viennent confirmer tout ce que le Rassemblement national dénonce depuis des décennies.
Les Français vivent aujourd’hui une paupérisation croissante et les conséquences dévastatrices de l’immigration de masse que le Rassemblement national dénonce depuis longtemps. Il n’est plus possible pour certaines élites de cacher la gravité de ce qui se passe. Aucune région de France n’est épargnée par l’insécurité ou le déclin économique.
La mondialisation vendue comme une bonne chose se révèle en fait une mauvaise chose. Les Français voient leur pays changer, non pas pour le meilleur, mais pour le pire. Nous avons de plus en plus le sentiment de vivre dans un pays en voie de sous-développement.
La capacité de Jordan Bardella et de Marine Le Pen à rassembler des personnalités de tous horizons a également eu une influence majeure. Cette unité a beaucoup plu aux Français. Ils savent que pour enrayer le déclin et redresser la France, il faut rassembler tous ceux qui aiment le pays et refusent le fatalisme.
Les bons résultats obtenus par les groupes ECR et ID peuvent-ils servir de base à la constitution d’une grande droite européenne ?
Malika Sorel : L’union de tous les partis de droite est devenue une urgence vitale pour préserver les peuples qui composent l’Union européenne. Le temps qui passe accroît le risque d’effacement de la civilisation occidentale en Europe et de tous les progrès accomplis, y compris la protection des droits individuels. Il en va de la liberté, certes, mais aussi de la sécurité des femmes et de l’avenir de l’égalité durement acquise entre les hommes et les femmes, qui est de plus en plus remise en cause par une partie de la population immigrée non européenne. Tel est le véritable défi face auquel les institutions de l’Union européenne ont été plus qu’aveugles, car elles ont souvent pris des décisions allant à l’encontre des intérêts des citoyens européens.
Il faut changer de cap, et c’est pourquoi il est indispensable d’unir nos forces pour faire face à la gravité de ce qui se passe dans tous les pays de l’Union européenne, qu’il s’agisse des questions d’immigration ou de l’endoctrinement de très jeunes enfants avec des théories du genre qui les perturbent, les déstabilisent et les angoissent.
Nous sommes à un moment historique où l’opportunité de redresser l’Europe, de la sauver, est à notre portée. Alors, je ne comprends pas que certains de nos partenaires, qui partagent pourtant nos préoccupations et nos inquiétudes, veuillent rejoindre le PPE, qui a démontré que ses positions et ses attitudes sur des questions essentielles sont extrêmement préjudiciables à l’avenir des peuples d’Europe !
Enfant de l’immigration, je ne comprendrai jamais comment les responsables politiques européens ont pu fermer les yeux sur ce qui se passe, sans parler du fait que certains sont allés jusqu’à collaborer au désastre. Avoir hérité de pays qui ont apporté tant de progrès à l’humanité devrait être une source de fierté et de responsabilité, ne serait-ce qu’à l’égard de leurs descendants !
A moins d’un sursaut salvateur, je crois que la classe politique européenne contemporaine portera une responsabilité écrasante devant l’histoire. Je n’en doute pas. J’espère donc vivement qu’il y aura un tel réveil et que nous pourrons construire l’alliance la plus forte possible qui nous permettra de sauver l’Europe des menaces qui pèsent sur elle, et de réussir ainsi à assurer sa continuité historique.
Que pensez-vous de la décision de Macron de dissoudre l’Assemblée nationale ? S’agit-il d’un piège ?
Malika Sorel : Des journalistes d’un grand quotidien affirment que le président Macron aurait déclaré : « J’ai lancé ma grenade dégoupillée dans leurs jambes. Maintenant, on va voir comment ils s’en sortent. » Il aurait même dit qu’il était « ravi ! ». Si c’est vrai, c’est profondément irresponsable ! Comment peut-il jouer ainsi avec la paix de son propre pays ? L’incertitude créée par cette dissolution soudaine a eu des répercussions immédiates sur les marchés financiers, qui détestent l’instabilité. Le monde économique lui-même est aujourd’hui inquiet car une opération de manipulation de l’opinion publique a été lancée pour tenter de discréditer le Rassemblement national et de dénigrer les Français qui ont voté pour lui. Ce n’est pas démocratique.
Avec ces élections législatives, Emmanuel Macron espère bien sûr inverser le résultat des élections européennes. Sa décision de dissoudre montre aussi qu’il s’est comporté comme un enfant vexé, alors qu’il aurait dû simplement prendre acte de la décision du peuple, et la respecter, comme l’exige l’esprit de démocratie.
Le danger qui pèse aujourd’hui sur la France est de basculer dans une crise politique liée à l’impossibilité de former une majorité au sein de l’Assemblée nationale. Dans ce cas, la France risquerait de devenir ingouvernable et tout gouvernement vivrait sous la menace d’une motion de censure qui pourrait le renverser à tout moment.
La France a connu une telle instabilité politique dans le passé et c’est pour cette raison que le général de Gaulle a voulu que la Ve République apporte une certaine stabilité à la vie politique.
Peut-on craindre une nouvelle révolution française en juillet, ou du moins une situation inédite d’insurrection et de troubles à l’ordre public ?
Malika Sorel : L’État dispose de tous les moyens pour assurer l’ordre et la sécurité. A mon sens, il s’agit simplement d’une question de volonté politique.
J’espère sincèrement que toutes les forces politiques en présence respecteront les résultats des élections. Dans le cas contraire, elles se disqualifieraient et quitteraient « l’arc républicain », ce qui nécessiterait des décisions politiques fortes. Une démocratie, pour survivre, ne peut laisser prospérer des mouvements factieux ou séditieux.
Vous avez beaucoup écrit sur l’immigration et l’intégration. Quelle politique d’immigration la France devrait-elle suivre pour corriger la situation actuelle ?
Malika Sorel : J’ai étudié la situation en France, mais aussi dans d’autres pays européens et au Canada, où l’immigration sélective est un échec, comme l’ont confirmé les autorités canadiennes lorsque j’ai travaillé pour le Haut Conseil à l’intégration (une institution rattachée au Premier ministre).
Partout en Europe, y compris dans les pays sans passé colonial, les mêmes problèmes se posent. L’esprit de raison aurait dû conduire à restreindre drastiquement les flux migratoires en provenance de pays où l’intégration culturelle est difficile. Qui ne considérerait pas comme irresponsables les parents qui continuent à adopter des enfants alors qu’ils se trouvent dans l’incapacité, pour quelque raison que ce soit, de créer des conditions de vie normales pour tous leurs enfants actuels, qu’ils aient été conçus par eux ou qu’ils aient déjà été adoptés ? Il s’agit donc d’un cas de profonde irresponsabilité politique, aux conséquences terribles.
Tous les pays de l’Union européenne doivent travailler ensemble pour cesser d’encourager l’immigration de masse ; car, oui, ce sont bien les décisions politiques d’accueil qui favorisent aujourd’hui une immigration devenue difficilement intégrable culturellement. Comme je l’explique dans mes livres, ce qui s’est passé la nuit de la Saint-Sylvestre 2016 à Cologne n’est pas un hasard.
En France, dès 1981, Georges Marchais, alors secrétaire général du Parti communiste français, écrivait : « Il faut arrêter l’immigration officielle et clandestine ». Il évoquait les problèmes et les heurts qui se produisaient sur le terrain entre les immigrés et les Français en raison de leurs différences de coutumes. Personne ne l’a écouté ! Aujourd’hui, les forces de la gauche française font campagne pour plus d’immigration parce que les immigrés votent pour elles. C’est du cynisme électoral.
Il est essentiel que les Occidentaux réalisent que la situation actuelle se nourrit de leur individualisme et de leur matérialisme. Alexis de Tocqueville a parfaitement identifié le talon d’Achille des démocraties dans La Démocratie en Amérique, notamment dans le tome II. Voici ce qu’il en dit :
Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans cesse autour d’eux-mêmes pour se procurer de petites et vulgaires jouissances, dont ils remplissent leur âme. Quant au reste de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent pas ; il existe en lui-même et pour lui seul, et, s’il a encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Pour sortir de la situation actuelle, les citoyens doivent retrouver la solidarité entre eux et le souci de leur patrie. C’est un impératif vital.
Dans l’un de vos livres, vous parlez de la décomposition de la France. Comment enrayer ce processus ? Autour de quelle(s) idée(s) la France peut-elle se rassembler ?
Malika Sorel : Par « décomposition », j’entends le fait que la France n’est plus unie et que les Français ne sont plus unis. C’est ce qui conduit à la perte de la souveraineté politique. L’attribution de la nationalité française, et donc du droit de vote, même si l’on n’est pas devenu français de cœur et d’esprit, a conduit au vote communautaire. Ce que j’ai appelé la « décomposition française », c’est-à-dire la subdivision de la nation en groupes, en factions rivales, c’est ce que le président François Hollande a appelé la « partition » et Emmanuel Macron le « séparatisme ». Il s’agit en fait du même concept.
C’est ce qui fait que nous vivons une époque d’électoralisme débridé de la part de la classe politique française. Pour être élus ou réélus, les hommes politiques finissent par compromettre les principes fondamentaux qui structurent pourtant l’identité de leurs propres peuples.
Nous constatons le même phénomène dans d’autres pays. Certains sont dans un état de décomposition encore plus avancé, comme le montre la situation en Grande-Bretagne, où il existe des tribunaux pro-charia, ou en Belgique, où une municipalité refuse d’accueillir le match entre l’équipe belge et l’équipe israélienne. C’est le signe d’une perte totale de souveraineté. Le sport a toujours été une occasion de rencontre, tout comme l’Eurovision. Tout a été perverti par des batailles politico-religieuses, y compris les Jeux Olympiques dont la charte était claire : pas de politique ni de religion sur le terrain !
Dans mes livres, je donne de nombreuses mesures politiques à adopter. Je vais simplement rappeler ici combien il est urgent, avant tout, de réduire drastiquement l’immigration, car la création de diasporas ruine tout espoir d’intégration culturelle et donc de vivre ensemble en paix sur le long terme.
Il faut aussi garder à l’esprit que beaucoup de problèmes se posent en réalité au sein des familles, car c’est au sein des familles que se transmettent des valeurs qui ne sont pas compatibles avec la civilisation occidentale de notre temps. C’est pourquoi il faut agir auprès des parents, voire les sanctionner, pour les inciter à ne pas entraver le processus d’acculturation de leurs enfants. De nombreuses études ont été menées qui mettent en lumière tous ces phénomènes. Je les cite dans mes publications afin que les lecteurs puissent comprendre les enjeux et les défis. J’énumère également les politiques à appliquer et celles à abandonner.
Mais rien ne sera possible si les Occidentaux eux-mêmes ne prennent pas conscience que l’avenir de leur civilisation et le destin de leurs propres enfants sont en jeu. Je voudrais terminer par ces mots souvent attribués au Mahatma Gandhi : « Celui qui voit un problème et ne fait rien fait partie du problème ».
Illustrations : DR
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5 réponses à “« L’avenir de la civilisation et des enfants est en jeu ». Entretien avec Malika Sorel”
Pour une fois, et je le confirme : Voilà un excelent article, qui je l’espère, ouvrira les yeux à de nombreux lecteurs Francais.
bonjour,
bravo Madame
voila des exemples de bonne personnes qu’ils sont intégrer de deuxièmes et troisièmes générations
heureusement ils beaucoup de personnes qui pense comme elle
bien à vous
Elle a tout compris Malika…Et depuis longtemps.
Elle fait un constat rationnel bref scientifique de la situation de l’Europe.
Encore faudrait-il que les français puissent lire ce genre d’articles, veuillent le lire et le comprendre. Vu les événements en cours j’en doute fort.
Madamae Sorrel tient les propos qu’il convient le moment opportun. Ne sollicitait-elle pas un « emploi » gouvernemental tout récemment? Ce sont les Français, le peuple de France, qui règleront le problème actuel fut-ce par la force, ce qui vient, non plus le baratin. Il est effectivement beaucoup trop tard pour les atermoiements et le bisounours p’tits noirs croissants beurs hollandiens à scooter.