Les législatives en Loire-Atlantique ont révélé – comme partout en France mais probablement plus dans le pays nantais, divisé entre le poids de la ville et la colère des campagnes, un pays fragmenté et indécis qui est néanmoins allé voter en masse – la participation atteint 70%, avec des pointes à 77% dans certains bureaux à Nantes, du jamais vu depuis 1986.
Grands gagnants du premier tour, outre la participation qui renoue avec les niveaux de la fin des années 1970, le RN qui a collecté 4.2 millions de voix au premier tour en 2022 et plus de 10.6 millions cette fois, faisant plus que doubler son score.
Toujours à Nantes, dont les résultats des cinq circonscriptions centrées sur la ville demeurent provisoires – un recomptage a été organisé ce matin par la préfecture, les électeurs de Nantes-centre (2e circonscription) pourront, dimanche prochain, aller à la plage. Le député insoumis sortant Andy Kerbrat a écrasé la macroniste et ancienne députée Valérie Oppelt, avec 51.67%. Cette dernière se félicite néanmoins de faire « à peine trois points de moins qu’en 2022 ». Nolwenn Fer pour le RN perce, porté par les problématiques de délinquance (9157 voix, 13.7%), aux dépens notamment de la droite classique (Louisa Amrouche, LR, 5.86%). Voilà qui promet pour les municipales si la droite continue à refuser de mettre les mots sur les maux, dans une vaine quête de voix à gauche.
Il y a d’ailleurs en France 76 députés élus dès le premier tour, dont 39 du RN et de ses alliés, une trentaine du Nouveau Front Populaire, un LR dans les Hauts-de-Seine, un autonomiste en Polynésie, une centriste à Mayotte, une socialiste dissidente, mais sortante, en Ariège, quelques députés macronistes à Wallis et Futuna ou dans les Hauts-de-Seine – territoires qui, clairement, ne vivent pas dans la même réalité que bien des français.
Néanmoins la Loire-Atlantique apparaît comme particulièrement divisée – les macronistes espèrent l’emporter dans les 5e, 7e et peut-être 10e circonscriptions qu’ils ont déjà, la droite classique soutenue à demi-mots par LREM espère ravir la 6e à la France Insoumise et mettre la 9e dont le sortant est LREM dans son giron, la gauche est bien partie pour garder les 3e et 4e, prendre la 8e et virer LREM de la première, le RN a de bonnes raisons d’espérer dans les 6e, 8e et 9e où il progresse nettement dans les villages et les villes moyennes.
Le Nouveau Front Populaire appelle à voter Josso dans la 7e contre l’union des droites
Dans sept des neuf circonscriptions de Loire-Atlantique qui connaîtront un second tour, ça va être serré. Une seule connaîtra un duel – la 7e, qui s’étend de la Baule à Saint-Gildas des Bois, à travers la Brière et Pontchâteau : la députée macroniste sortante, qui était sous l’étiquette Modem, Sandrine Josso, vire en tête avec 28.49% et sera opposée au second tour au candidat de l’union des droites (LR-RN) Michel Hunault, qui la talonne à 260 voix près (28.15%) ; la communiste Véronique Mahé du Nouveau Front Populaire (24.15%) s’est désistée, appellant ses électeurs à voter Josso et les abandonnant au Grand Capital. Un comble…
Historique : le RN au second tour dans quatre circonscriptions nantaises sur cinq
Ailleurs, huit triangulaires s’annoncent. Fait historique – le RN se qualifie dans quatre des circonscriptions nantaises – toutes sauf Nantes centre, en réalité : Bryan Pecqueur (18.13%, 9937 voix) dans la première, Laurie Arc (20.48%, 13311 voix) dans la 3e, Gaëlle Pineau (20.06%, 13116 voix) dans la 4e et Bruno Comby (24.79%, 22411 voix) dans la cinquième seront au second tour, portés par les voix des quartiers périphériques – et dans la cinquième, des communes plus rurales qui subissent les contre-coups de la délinquance nantaise : Bruno Comby atteint 32.5% à Casson, 34% à Ligné – où la candidate habituelle divers droite, Sandra Bureau, ne s’est pas présentée, , 36.11% à Mouzeil où il vire en tête ou encore 34.30% à Petit-Mars.
Néanmoins le RN n’est favori nulle part. Dans la 1e circonscription (Nantes nord-ouest, Orvault, Sautron), le député macroniste sortant (37.4%) est en ballottage défavorable, avec 3700 petites voix de retard – l’équivalent de quatre bureaux de vote – sur Karim Benbrahim, socialiste présenté par le Nouveau Front Populaire (43.2%).
Dans la troisième circonscription (Nantes ouest, et ouest de l’agglomération jusqu’à Cordemais) la députée sortante Insoumise (Nouveau Front Populaire) rate de peu sa réélection avec 44.5% des voix. L’herblinois Matthieu Annereau, présenté par le parti présidentiel Renaissance, est loin derrière (24.5%) ; la gauche demeure favorite pour conserver la circonscription qui fut jadis un fief socialiste inexpugnable.
Idem dans la quatrième circonscription (Nantes-sud et sud de l’agglomération de Brains à Saint-Sébastien sur Loire) où la députée sortante écologiste (Nouveau Front Populaire) Julie Laernoes fait 46.8% au premier tour, tandis que la macroniste Aude Amadou perd sept points en deux ans (de 29 à 22%), et la RN Gaëlle Pineau monte, portée là encore par les communes de l’agglomération de Nantes où fuient les familles quittant le centre-ville pour cause d’excès de désordres, de casse et de délinquance : 24.65% à Bouaye, 22.6% à Bouguenais, 28.2% à Brains, 28.4% à Pont-saint-Martin, 30% à Saint-Léger les Vignes – contre 16.4% à Rezé et 14.6% à Nantes-sud : partout où on subit la ville (et les difficultés pour y entrer et circuler en voiture), le vote RN augmente.
Dans la cinquième circonscription (Nantes nord est et agglomération d’Héric à Couffé), le pacte de non agression entre Renaissance et une partie de la droite permet à la députée sortante Sarah El Haïry de bétonner ses positions avec 36.33% des voix ; néanmoins le PS est en embuscade pour reprendre un de ses sièges historiques avec le soutien du Nouveau Front Populaire et Fabien Roussel, maire de la Chapelle sur Erdre, souvent mis en danger, jamais déboulonné, vire en tête du premier tour (37.5%).
La perte de la cinquième circonscription par une ministre En Marche au profit d’un cacique du PS, élu local de surcroît pourrait être un symbole éclatant du retour de « l’ancien monde », mis entre parenthèses pendant 12 ans par le macronisme. Il pourrait aussi mettre en péril les éventuelles ambitions municipales de Sarah el Haïry à Nantes.
Indécision à Saint-Nazaire et dans le Vignoble
Dans la 8e circonscription (Saint-Nazaire et agglomération jusqu’à Savenay), que les Insoumis espéraient emporter, la partie leur sera plus difficile que prévu. Si Matthias Tavel est en tête (30.99 %), le RN Gauthier Bouchet n’est pas loin derrière (28.87%), et Audrey Dufeu Schubert de Renaissance, contre toute attente, se qualifie pour le second tour avec 20.28%). Le RN vire en tête dans de petites communes (35.95% à Bouée, 33.5% à Malville, 35.1% à Prinquiau, 38.9% à Quilly), et bat des records dans les communes restées ouvrières autour de Saint-Nazaire, notamment Donges (44.7%), Montoir-de-Bretagne (41.7%), Trignac (39.6%) ou encore Saint-Malo de Guersac (36%). La Brière n’est plus rouge, mais Bleu marine…
Dans la 10e circonscription (Vignoble), avec presque 74% de participation c’est en revanche Sophie Errante, députée sortante LREM, qui est en tête (30.5%), suivie de près par Maxime Viancin pour le Nouveau Front Populaire (27.8%) et le RN de Sophie Cotrel (26.16%) – son score double par rapport à 2022 (11.2%). Les réserves de voix des uns et des autres sont plutôt faibles – pour l’essentiel, il s’agit des 9.8% du républicain Xavier Rineau, non qualifié au second tour. Là encore, le RN est porté par les petites communes, notamment la Chapelle-Basse-Mer (33.4%, en tête), La Planche (36.7%, en tête), la Regrippière (40%), la Remaudière (37%), ou encore Vieillevigne (32.9%), même si beaucoup d’entre elles ont mis le candidat du Front Populaire en tête.
Sixième circonscription : vague bleue, la gauche sortante en tête mais sans réserves
Dans l’immense sixième circonscription qui s’étend sur 72 communes d’Ancenis à Saint-Nicolas de Redon et de Soulvache à Notre-Dame des Landes, le député sortant écologiste, ex-maire de Saffré, Jean-Claude Raux, présenté par le Nouveau front populaire, bétonne avec 34.16%. Il ne dispose cependant pas de réserve, alors que le RN (Julio Pichon) est derrière à 1000 voix d’écart à 32.8% et la droite classique du maire de Châteaubriant Alain Hunault, divers droite – il a refusé le ralliement de Ciotti au RN – à 29.2%.
Là encore, le RN monte dans les grosses communes (32.15% à Blain tout de même, 25.30% à Châteaubriant où le maire est nettement en tête, à 42% des voix) et bat des records dans des petites communes qui lui sont de plus en plus favorables : 38.5% à Conquereuil, 37% à Fégréac, 39% à Fercé, 37.8% à Issé, 46.4% à Juigné les Moutiers, 39.2% à la Meillerais, 43% au Pin, 42.7% à Louisfert, 44.39% à Mouais, 39.8 % à Noyal sur Brutz, 41.4% à Pannecé, 42.2% à Pierric, 43.4 % à Pouillé les Côteaux, 41.8% à Ruffigné, 37% à Soudan, 43.2% à Saint-Julien de Vouvantes, 40% à Saint-Vincent des Landes, 41.4% dans la commune nouvelle de Saint-Mars-la-Jaille, et même 52.11% à Soulvache – record du département.
Ces villages qui peinent à rénover leurs églises – Fercé notamment, Freigné dans la commune nouvelle de Saint-Mars-la-Jaille, touchés de plein fouet par la désertification commerciale, médicale, la fragilisation des services publics, ces communes qui font partie de la France (et de la Bretagne) périphérique ont donné, une fois de plus, des scores magistraux au RN – « des scores qu’on avait jadis au second tour, et là on les a au premier », commente un militant RN. Il sera difficile à la gauche sortante, si elle souhaite remonter la pente, de se contenter de culpabiliser les électeurs…
Dans le Pays de Retz, 111 voix séparent la droite et le RN
Dans la 9e circonscription (pays de Retz), la droite de Jean-Michel Brard, maire de Pornic qui a bénéficié de l’absence de candidature En Marche, atteint 32.63% au premier tour et 29.952 voix, contre 32.51% et 29.841 voix pour Bastian Maldiney du RN. La gauche avec Hélène Macon du Nouveau Front Populaire est distancée, à 26.36% des voix – un peu moins qu’en 2022 (28.6%). Cette dernière, qui a dénoncé la « présence de petits papiers verts à chaque fois à côté des bulletins du candidat Jean-Michel Brard » à Saint-Viaud, Frossay, Corsept, Sainte-Pazanne et aux Moutiers, dans sept bureaux différents, a finalement déclaré se maintenir, puisque la droite est en tête.
Le RN vire en tête dans de nombreuses petites communes : 35 .3% à Cheix, 36% à Corsept et Saint-Hilaire de Chaléons, 37% à la Plaine sur Mer, Chaumes-en-Retz Frossay, Paulx et Saint-Colomban, 38% à Saint-Lumine de Coutais et la Limouzinière, 40% à Saint-Viaud et Villeneuve-en-Retz, 42% à Légé, Chauvé et Touvois, 45.1% à Saint-Etienne de Mer-Morte, et même 47.14 % à la Marne. Il progresse aussi de façon plus étonnante à Sainte-Pazanne (32%), Saint-Philbert de Grandlieu (34%), Machecoul (35%) et Paimboeuf (34.3%) où il est en tête.
Néanmoins le maire de Pornic cartonne à la Bernerie (40%), aux Moutiers (38.3%), à Saint-Michel-Chef-Chef (38.7%), mais aussi chez lui à Pornic (47.8%), et à Préfailles (50%), riche fief de la République en Marche ; à Saint-Brévin les Pins l’héritage de la contestation autour du centre d’accueil de migrants tourne au bénéfice du candidat de droite soutenu par En Marche (35%, 3009 voix), mais le RN n’est pas si loin (28.92%, avec 500 voix de retard). Sans surprise Hélène Macon fait de bons scores dans les ex-bastions rouges de la Montagne (48.94%), Saint-Jean de Boiseau (43.4%) et encore 41.3% au Pellerin – et c’est tout, elle est distancée partout ailleurs par le RN et l’alliance de la droite et En Marche.
Louis Moulin
Photo d’illustration : Mathieu Kappler/Wikimedia (cc)
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7 réponses à “Législatives en Loire-Atlantique : forte poussée du RN, des triangulaires indécises dans 8 circonscriptions”
Comme d’habitude avant que les bretons comprennent l’enjeu, Maron sera partis! pauvre Bretagne !
Les chiffres le montrent, et il fallait s’y attendre : Un vent nouveau souffle sur la Bretagne, et croyez-moi, cela me fait du bien par où ça passe !…
C’est bien les triangulaires, c’est bien de se maintenir au second tour mais, ce faisant, le R.N. (18,13 %) risque fort d’offrir la 1ère circonscription au candidat Fronpopu (43,20%) face au député sortant macroniste (37,4 %). Et dans la 6e, le divers-droite le plus bête du monde (avec 29,2 %) offre sur un plateau une réélection au fragile député sortant Fronpopu (34,16 %) alors que le parachuté R.N. fait 32,8 %. L’union des droites est un long combat !!!
LA 9ème circonscription, le Pays de Retz est la seule où le candidat d’union des droites-RN Bastian Maldiney, qui mène une campagne active, est en mesure de l’emporter. Le maintien de la candidate du Nouveau Front Populaire, militante trotskyste lambertiste accroit ses chances. La candidate de Dupont Aignan s’est désistée en sa faveur, celui de Reconquête devrait le faire aussi. La Loire Atlantique enverra-t-elle au Palais Bourbon le plus jeune député de l’assemblée nationale ?
Comme d’habitude, c’est tous contre le RN….qui dans ce cas aura du mal à dépasser les 30% de députés et prétendre au poste de 1er Ministre.
In fine, ce sera comme avant…en pire ! .jusqu’à ce que le FMI vienne siffler la fin de la récréation. Plus de créance, plus de pognon…Fini la rigolade.
Le FLI sera le patron, comme en Grèce, Chypre, Argentine…et là, les réformes ou économies tant différées par les « quoi qu’il en coûte » seront prises dare-dare.
3 duels et 6 triangulaires
Le pire c’est que les Yankees distributeurs de fric inexistant sont en déroute financière.