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Tradition dans l’Eglise. Retour sur la conférence de Jean-Pierre Maugendre (Renaissance catholique) à Quimper.

Une petite centaine de personnes ont participé samedi à une conférence au château de Lanniron (Quimper) conférence de Jean Pierre Maugendre, directeur de Renaissance catholique, portant sur l’attachement des fidèles à la liturgie traditionnelle.  Conférence qui précédait la manifestation pour la défense de la tradition, ce dimanche. En voici le compte rendu ci-dessous fait par une de nos lectrices.

M. Maugendre commencera par souligner que le catéchisme est le lieu où s’illustrent quelques-unes des divergences théologiques les plus notables entre la doctrine progressiste et la tradition tridentine. Loin d’être des positions purement intellectuelles, c’est une remise en question de la foi dans sa définition la plus élémentaire, une adhésion volontaire et objective aux enseignements du Christ. Foi, qui se résume, pour les adeptes de la réforme progressiste, à un simple sentiment, pire une sensation.

Comment concevoir, qu’une telle discontinuité ne remette pas en cause l’essence même des Sacrements ?

Ce constat, habilement relevé par Jean Pierre Maugendre interroge, la dilution du principe de foi dans des considérations purement matérialistes, comme phénomène du sensible humain, ne dénaturerait-elle pas la signification (voir le devenir ?) de nos Sacrements, de notre foi, mais aussi de notre Salut ?

La question est légitime, d’autant que M. Maugendre souligne que ces divergences doctrinales vont jusqu’à remettre en cause notre accès au Salut. Salut, qui n’est pas, pour le moderne, un pieux combat quotidien, mais quasiment un droit universel.

Le constat est alarmant, à entendre l’Église réformée, respecter les Commandements deviendrait superflus, puisque tous les hommes ont déjà été sauvés par le Christ. À croire que l’Enfer est vide…!

Cette rupture dans la continuité de la doctrine frappe de plein fouet un autre aspect de la pratique : la transmission. Que reste-t-il, en effet, à transmettre d’une foi de l’ordre de la sensation, de Commandements supplétifs, de Sacrements superflus ?

Ces dissonances doivent nous interpeller, M. Maugendre en paraphrasant Guillaume Cuchet, nous invite même à nous demander s’il s’agit encore de la même religion.

Force est de constater que ces remaniements sémantiques créent une discontinuité non seulement dans la pratique, mais aussi dans l’enseignement et la transmission de la foi, le constat bien que provocateur n’en est pas moins réaliste : “sous la même apparence, nous aurait-on changé de religion ?”

L’assemblée des auditeurs en cette fin de matinée, éclairée par l’argumentaire incisif du président de Renaissance catholique, se voit rappeler que la tradition agit non seulement comme un garde-fou contre l’empire du Siècle sur les consciences, mais aussi comme une vérité doctrinale, qui a su résister là où la réforme progressiste a échoué.

Car se revendiquer tradi, ce n’est pas uniquement revendiquer son attachement à une forme liturgique, ce n’est pas une vénale vénération de la forme sur le fond. Être tradi’, c’est revendiquer son appartenance à la Tradition de l’Église, c’est honorer une généalogie de l’Église, celle-là même qui nous relie à l’Église du Christ et qui a sanctifié nos anciens !

Être tradi’, c’est suivre une messe qui, dès sa formalisation sous l’égide du Pape Pie V, a eu à cœur de fortifier cette légitimation en formalisant aussi des rites vieux de 200 ans, comme les rites dominicains, milanais, ou encore mozarabe ! N’était-ce pas d’ailleurs le pape Benoît XVI qui avait affirmé que ce qui était sacré pour les générations précédentes le restait aussi pour nous ? Oui, défendre le maintien de la messe tridentine en Bretagne, c’est “défendre l’éternelle jeunesse de la tradition”.

Assister à une messe tridentine, c’est vivre sa foi à travers les gestes d’une vérité que le tourment des Siècles n’a pas réprouvé : la présence de Dieu.

Une vérité qui est pourtant émoussée par une énième divergence doctrinale sévissant depuis la réforme progressiste et portant sur la signification de l’eucharistie. Jean Pierre Maugendre ne manquera pas de citer Yvon Tranvouez qui dans son ouvrage L’Ivresse et le vertige faisait déjà état de cette rupture théologique. Avec d’un côté une “eucharistie de gauche” se résumant à “un partage fraternel entre fidèles” et une “eucharistie de droite”, demeurant un “Saint Sacrifice”.

Notre attachement à la tradition nous enjoint donc à la prudence. Notre tradition est mûe par une sûreté doctrinale qui dès le Concil de Trente se voulait être un rempart contre les dérives interprétatives hérétiques.

La condescendance affichée de la réforme progressiste vis à vis du rite traditionnel n’a eu de cesse de déconstruire les principes jusqu’à vider de son sens notre pratique liturgique. La violence est telle que parfois, l’on ne s’embarrasse plus de combler les vides doctrinaux : l’on efface sans reconstruire. M. Maugendre prend pour exemple la disparition de la Sainte Trinité dans l’offertoire réformé.

Par souci d’inclusivité, l’on simplifie, l’on abaisse, l’on traduit, au point de changer la théologie de la messe, comme le souligne le Cardinal Roche. La messe devient l’objet des fidèles, au détriment des prêtres, voire de Dieu. Le risque, nous est déjà bien trop familier : des messes qui deviennent des lieux de prêche pour des débats d’actualité, l’apologie du tri sélectif, du climat… “La messe n’est pourtant pas un hochet.”

L’échec de cette conception réformiste n’est un secret pour personne, les chiffres et les faits parlent d’eux-même. Face à l’auditoire attentif, l’exemple de la Bretagne paraissait tout choisi. Jean Pierre Maugendre rappellera donc une vérité innommable, celle de la pénurie de prêtres ( seulement 160 incardinés dont 80 actifs, dans le diocèse de Quimper et Léon), la chute de 25% de fidèles à -2% aujourd’hui.

La défaite progressiste est accablante : la renaissance liturgique du progrès a failli, la foi rénovée semble inadaptée à la transmission, voire même à la célébration ! L’image du combat des tradi’ pour maintenir la messe durant les confinements de la crise du Covid miroite dans nos esprit, comme un phare dans ce désordre moderniste.

Soyons fiers de notre résistance, qui prend une dimension toute particulière en Bretagne. Car comme le rappelle M. Maugendre, alors que l’Avent 1970 devait être le premier jour d’une nouvelle ère, celle de la suppression du rite tridentin par l’entrée en vigueur de la réforme de 1969, le Commissaire de marine Trochu organisa le retour de la messe traditionnelle dans l’Église de Sainte Anne du Portzic (la première messe se déroulant en septembre 1974).

L’attachement au rite traditionnel en Bretagne c’est aussi le constat d’une foi qui grandit, de 40 fidèles dans les années 70 à plus de 1500 aujourd’hui.

Le rite tridentin c’est enfin l’adhésion à un système de valeur, que M. Maugendre resumera comme tel : “transcendance, exigence, cohérence”.

Transcendance, car adhérer à la tradition c’est se placer au-delà des débats doctrinaux théologiques, en affirmant, contre la modernité, que Dieu c’est Dieu. Ni une simple communion de fidèles, et encore moins une sensation.

Exigence car il en va de notre condition humaine. Face à une Église qui, pour le conférencier, tend à devenir une “Église de la facilité”, M. Maugendre rappellera que “les choses valent ce qu’elles coûtent. Ce qui ne nous coûte rien, ne vaut rien.” Cette variable, inhérente à chaque Homme, trouve sa finalité dans la pratique de la foi tridentine. Affirmer le contraire, alors que le monde athé grouille de témoignages désordonnés de cette recherche de dévotion, de dépassement de soi et d’ascèse , serait au mieux de la bêtise, au pire de la mauvaise foi. À ce titre, le marathon du dimanche matin n’est autre qu’une laïcisation de ce besoin d’exigence de la foi chrétienne.

L’heure est venue d’admettre, à l’image de Paul Vigneron, dans son ouvrage Les Crises du clergé français contemporain publié en 1976, que la réforme progressiste “s’est peut-être trompée”.

Enfin la cohérence, celle de mener toute sa vie, sous toutes ses facettes, sous le regard de Dieu. Car “rester fidèle à la pédagogie traditionnelle, n’est pas une aumône, c’est un droit”. L’abandonner, serait courir le risque qu’un matin nous nous réveillions comme Saint Jérôme, constatant que “le monde s’éveillait, tout étonné d’être arien”.

L’on fustige les fidèles du rite tridentin pour leur manque d’obéissance vis-à -vis de la hiérarchie ecclésiale. Or, l’obéissance tout en étant une grande vertu, n’est que ruine de l’âme lorsqu’elle est dénuée de justice et de prudence. Car comme le disait si bien Charles Péguy, l’obéissance n’est rien d’autre que “le noble agenouillement d’un homme libre”. En s’appuyant sur le concept grec d’epikeia, l’orateur de l’institut Renaissance catholique théorise un devoir de désobéissance, dès lors qu’obéir à une règle reviendrait à trahir l’esprit de la Loi. L’obéissance à une règle, ne devrait jamais être une finalité mais toujours servir le bien commun, comme avait pu l’analyser Hannah Arendt au moment du procès Eichmann.

C’est d’autant plus vrai lorsque l’on sait que la loi des Hommes est faillible, les consensus changent, les magistères s’égarent. N’en sommes-nous pas à notre troisième tentative de traduction du Notre Père ?

Il s’agirait même dans le cadre de l’interdiction du rite tridentin, d’un abus de pouvoir. “Le Pape (et encore moins l’évêque) ne peut interdire des rites immémoriaux”.

Dans la même idée, l’unité de la communauté ne peut être recherchée comme une fin en soi. L’unité, fer de lance de la prêtrise moderne, nous pousserait à tolérer l’intolérable. “Quelle vertue y-a-t-il à préserver l’unité d’un groupe de gangsters ?”.

Une seule réponse : non possumus.

Face aux vicissitudes du magistère des Hommes, gardons-nous bien de ne pas confondre la Parole de Dieu avec celle de ceux, qui Lui demeurent (peut-être à leur grande frustration) ses serviteurs. Car comme le disait le Père Calmel dans Sur nos routes d’exil, les béatitudes, “bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice et cherchent le royaume de Dieu”.

Adèle Legouffe

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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7 réponses à “Tradition dans l’Eglise. Retour sur la conférence de Jean-Pierre Maugendre (Renaissance catholique) à Quimper.”

  1. Delucenay dit :

    Lyonnais, je ne suis paroissien de St Mathieu que pendant les vacances, mais participe à votre résistance.
    A Lyon, en effet, il me semble que nous sommes moins entravés qu’en Bretagne; peut être aussi que les fidèles à la tradition y sont plus nombreux.

  2. Raymond NEVEU dit :

    Ah ! A l’Orangerie de Lanniron, gamin je jouais dans le secteur de la ferme y attenante avec ses écuries et le long de l’Odet en face du Corniguel domaine de l’importateur de vinasse d’Algérie Nader. Mon père connaissait bien le vieux sire de Massol, ancien officier de la Coloniale, très grand avec un grand nez qui arrivait systématiquement en retard à la messe de 11 h et s’échappait en avance…

  3. Mie-Od dit :

    Merci à Me Legouffe, qui nous permet d’avoir accès à la teneur de la conférence de Mr JP Maugendre. Il semble que cela soit vraiment le reflet de ce qui a dû être dit. Très riche et didactique, cet enseignement m’a apporté bien des arguments et des précisions, et je ne manquerai pas de le diffuser autour de moi. Merci aussi à bzh-info de l’avoir publié.

  4. KELMISEB dit :

    Jean Pierre MAUGENDRE pointe avec raison les faiblesses très graves du système diocésain

    1.Jésus est un nom de l’histoire humaine, banalisé par l’exégèse, la sociologie religieuse,
    et les désordres de la Célébration Eucharistique, après 1969.
    Jésus n’est plus (pour beaucoup) le Fils incarné, envoyé par le Père
    mais l’incarnation des Valeurs, qui peuvent exister sans lui….

    2.La Vierge Marie, Mère de Dieu, Éphèse (431) un truc mythologique, laissé à disposition des pieuses…
    Le concile de Chalcédoine (451) est « en roue libre », sans lien avec le concile de Nicée (325)

    3. Vrai Dieu et vrai Homme!
    Ouais!
    Quand on a perdu le sens de Dieu (lettre pastorale de Mgr Suhard 1948)
    le « sens de l’homme » vacille de droite à gauche, ou de gauche à droite, (au choix)
    sans lien à une quelconque transcendance, ou si peu.

    4.Cette transcendance est pourtant inscrite au cœur des hommes (Vatican I, 1870)
    La Tradition, quand elle transmet… consolide ce qui est déjà inscrit… dans la NATURE
    sauf si la NATURE est tellement déformée, (perte des dix commandements) qu’il faut longtemps
    pour la remettre d’aplomb.

    Keep calm and pray Jesus, our Lord and Saviour.
    and pray for me, his catholic priest from 1968
    Born at 22 of June 1943

  5. KELMISEB dit :

    J’attends de voir mon commentaire. Je peux l’adapter

  6. Michel Calvez dit :

    La grande crise de la foi en 2024 c’est l’arianisme.
    J’ai travaillé Saint Athanase dans le texte.
    Le traité traduit par Charles Kannegiesser (SC n° 199) parle certes de l’incarnation du Verbe,
    mais d’abord du Salut par la Croix du Verbe.
    Il a inversé les deux lignes, dans les années 1970
    J’ai déposé un mémoire de maitrise sur le sujet, qui a été validé par l’ICP en 2009.
    Je ne pouvais pas attaquer Kannengiesser (dcd en 2018) bille en tête,
    j’ai du biaiser, pour que mon mémoire de thèse soit reçu.
    Mais je peux expliciter tout cela aujourd’hui.

  7. Michel Calvez dit :

    Défense très courageuse de la Tradition catholique.
    On en a besoin, en ce moment

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