L’Afrique du Sud vient de vivre un séisme politique après des élections où le parti historique de la lutte anti-apartheid, l’ANC, a, certes, gagné… mais beaucoup moins que lors des scrutins précédents, l’ANC étant au pouvoir de façon hégémonique depuis 1994. Et cela a suffit pour mettre en émoi tout un pays.
Les seules élections vraiment libres du continent
Car en Afrique du Sud, les élections sont libres et, globalement peu truquées, au regard des « coutumes africaines » en la matière. Jacob Zuma et le MK ont beau crier à la « fraude électorale » et menacent de mesure de rétorsion au cas où les résultats seraient annoncés officiellement, les scrutins sud-africains sont à peu près au niveau des standards des grandes démocraties blanches. Et surtout, en Afrique du Sud, on ne vote pas selon sa tribu et les consignes de vote données par le roi tribal local. Or cette particularité mérite d’être soulignée sur un continent où les élections sont soit truquées, soit inexistantes, soit liées aux alliances d’intérêts entre tribus et sous-tribus pour le partage du pouvoir. En Afrique du Sud, « l’Homme individuel » existe et peut s’extraire de sa culture tribale et des allégeances qui vont avec. « Grâce aux années de pouvoir blanc » diront certains. Ce constat doit cependant être nuancé en pays zoulou où le roi zoulou est puissant et les partis zoulous omniprésents. On remarque d’ailleurs, avec cette élections, le retour du nationalisme zoulou avec l’émergence du MK de Jacob Zuma.
L’ANC paye sa gestion catastrophique
Dans les faits, l’ANC a perdu 71 sièges à l’assemblée nationale sud-africaine (159 sièges sur 400 contre 230 auparavant) et surtout a frôlé le passage sous les 40% avec 40,2% des voix. Le parti paye ainsi des années de prévarication, de captation de l’Etat, de promesses non-tenues et de saccage du patrimoine laissé par le pouvoir blanc. L’Afrique du Sud enregistre le plus fort taux de viols au monde, l’un des plus forts taux de criminalité et des inégalités records. Et puis, le pays est passé d’un secteur économique, sous l’Apartheid, basé sur les standards européens avec des horaires, une organisation rationnelle de la production, peu de corruption, à une organisation plus conforme à la culture de l’électorat ANC : « heure Soweto » (c’est à dire pas d’horaire du temps, chacun arrive au travail quand bon lui semble), lois raciales à l’envers (un Blanc fait le travail d’encadrement mais officiellement c’est un Noir, sans aucun diplôme ni qualification, qui est ingénieur ou cadre… et qui touche le salaire !), vols et corruption à tous les niveaux. Le symbole de ce « retour de l’Afrique du Sud en Afrique » (selon les blagues sud-africaines) avec l’Apartheid est le géant Eskom, fournisseur historique d’électricité passé entièrement sous contrôle de différentes mafias plus ou moins liées à l’ANC avec les conséquences associées (coupures d’électricité, matériel obsolète ou mal entretenu, …).
Petite victoire de la DA
A la deuxième place, l’Alliance Démocratique (DA), représentant peu ou prou les anciens partis de gouvernement de l’Afrique du Sud blanche. Classée au centre-droit, avec une forte composante libérale, le parti savoure sa victoire, même si celle-ci est moins importante que prévue. L’ANC n’a aucun autre choix que de former une coalition avec les « Blancs » (le parti est composé à 50% de Blancs et a une forte composante métisse) ou avec les extrémistes Noirs de la MK et de l’EFF. La DA avait fait campagne sur le fait de « sauver l’Afrique du Sud de l’apocalypse », c’est à dire l’effondrement économique. Malheureusement, son programme libéral s’accordera difficilement avec les lubies post-marxistes et wokes de l’ANC où moins une personne n’a les compétences et les aptitudes pour faire tel ou tel travail, plus elle a de chances d’être choisies.
ActionSA de l’ancien maire de Johannesburg Herman Mashaba et scission « xénophobe et anti-immigration » de la DA a, pour sa part, annoncé qu’elle ne participerait à aucune coalition avec l’ANC. Le parti a gagné 5 sièges pour sa première participation, 3 d’entre eux au Gauteng, le fief de son président.
L’EFF en recul
L’EFF de Julius Malema, de son côté, enregistre également un revers historique passant de 13% des voix en 2019 à 9% (39 sièges -5). Il faut dire que les marxistes et suprémacistes noirs de l’EFF font des promesses tellement irréalisables qu’ils ont fini par lasser leur électorat de déçus de l’ANC. De plus, leurs menaces de nationaliser les terres (c’est à dire de chasser les fermiers blancs) fait craindre aux Sud-Africains noirs une famine pire que celle qu’à connu le Zimbabwe sous Robert Mugabe qui chassait les fermiers blancs hautement qualifiés pour donner leurs terres à d’anciens vétérans de la Guerre d’indépendance incapables de faire marcher le moindre tracteur. Les imprécations de Malema annonçant une mise sous tutelle de la justice ont également effrayés les plus enclins à voter pour l’EFF.
MK, le retour du nationalisme zoulou
La grosse surprise de ce scrutin vient du nouveau parti de Jacob Zuma, le MK ou uMkhonto we Sizwe, du nom de l’ancienne branche armée de l’ANC. Référence aux années de lutte anti-Apartheid, référence à l’ANC canal historique mais également référence au monde zoulou car « uMkhonto we Sizwe » est une expression zouloue. Le MK est donc bien une émanation du nationalisme zoulou et pourrait, à ce titre, gouverner en coalition le Kwazulu-Natal, c’est à dire le pays Zoulou, où le MK a pris le dessus sur le vieux parti zoulou Inkhata (37 sièges et 45% pour le MK contre 15 pour l’Inkhata et 14 pour l’ANC).
Mais pourquoi cette arrivée surprise du MK ? En Afrique du Sud, il y a 11 langues officielles représentant autant de peuples. Certains ont des velléités sécessionnistes comme les Afrikaners d’Orania, d’autres ont déjà des pays indépendants comme les Sotho du sud avec le Lesotho, d’autres ont un fort particularisme ethnique et culturel comme les zoulous. Or depuis l’éviction et la condamnation de Zuma, les Zoulous ne sont plus représentés au sein des instances dirigeantes de l’ANC. Le vote MK est leur réaction. Le MK est beaucoup plus radical que l’ANC au niveau économique, mais en même temps, extrêmement plus conservateur sur bien des points : le renforcement des chefs traditionnels (zoulous notamment) fait partie intégrante de son programme sans parler de son opposition aux lubies LGBT ou à l’immigration, on est ici loin des « hommes d’affaires » proches de l’ANC mondialisée des gratte-ciels de Prétoria ! En Afrique du Sud, l’Afrique revient et le nationalisme zoulou fait ici son grand retour ! La proclamation des résultats a d’ailleurs donné des sueurs froides à tous les autres partis en pays zoulou car les partisans du MK ont défilé en cortège et ce jusque dans les fiefs ANC du Kwazulu-Natal. Or, en Afrique du Sud, chacun se rappelle que les dernières émeutes zouloues suite à la condamnation de Jacob Zuma, ont fait 350 morts ! Et Jacob Zuma, avec ses 4 épouses officielles, ses nombreuses maîtresses et ses 23 enfants, a déjà fait monter la pression en contestant aussitôt les résultats de l’élection.
La question est maintenant de savoir de quelle couleur sera la coalition imposée à l’ANC par les résultats de ces élections : ou bien un combo avec les libéraux blancs de la DA ce qui signifierait, de manière symbolique, le « retour des Blancs au pouvoir » et un coup d’arrêt aux délires woke et racialistes de l’ANC; ou bien une « coalition apocalyptique » (selon les mots du leader de la DA) avec les radicaux du MK et de l’EFF qui plongerait le pays dans un chaos financier et social.
A la marge, les Afrikaners « traditionnalistes » représentés essentiellement par le VF+ (Front de la Liberté) auront 8 représentants dans la futur assemblée.
A noter également le maintien du siège d’Al Jama, le parti musulman et pro-charia, dans la province du Cap-Occidental avec barbes et voiles. L’un des membres du parti est tout de même devenu maire de Johannesburg en 2023 grâce au soutien de l’ANC !
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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3 réponses à “Séisme politique après les élections en Afrique du Sud”
La perte de confiance envers l’ANC, le parti historique de la lutte anti-apartheid, était prevue de longue date. C’est eux qui ont chassé tous les Blancs de ce pays qui était le leader du continent africain en matière économique. A noter aussi que fricotter avec le parti pro-musulman pro-charia nommé Al-Jama, n’etait qu’un suicide annoncé de longue date. Mais la grande question qui se pose est celle-ci : Les « Blancs », initiateurs d’une economie nationale forte, reviendront-ils ?…
« en Afrique du Sud, on ne vote pas selon sa tribu et les consignes de vote données par le roi tribal local ». Vraiment ? c’est pour cela que Jacob Zuma ne remporte de succès électoraux que dans les territoires zoulous ! Il faut dire que l’article évoque pudiquement son éviction de l’A.N.C. Et pour cause : jamais la corruption n’avait été aussi institutionnalisée que quand Zuma était à sa tête. N’ayez pas de crainte, A.N.C. et M.K. vont se rabibocher pour continuer à gouverner l’Afrique du sud… et continuer à la saigner !
comme dans les autres « démocraties » l’anc s’alliera avec d’autres mini-partis