Pologne. « Le nouveau gouvernement transforme le pays en une république bananière et tente d’éliminer toute forme d’opposition » [Interview]

Ryszard Legutko est député européen du parti conservateur polonais Droit et justice (PiS) et co-président du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) au sein du Parlement européen.

Il termine son dernier mandat et n’est pas candidat aux élections européennes de juin 2024. Il a été, en Pologne, professeur d’université, auteur de différents ouvrages, ministre de l’Éducation, vice-président du Sénat et secrétaire d’État à la Chancellerie du Président de la République.

Lionel Baland l’a rencontré et interrogé pour Breizh-info à propos de la situation actuelle en Pologne.

Breizh-info : Quelle est la situation politique en Pologne avec le nouveau gouvernement ?

Ryszard Legutko : Le gouvernement issu du Parlement de gauche libérale émanant des dernières élections est composé de gens de gauche, de néo-communistes et de libéraux. Il transforme le pays en une république bananière et tente d’éliminer toute forme d’opposition et tout genre de conservatisme. Il viole massivement les lois et la Constitution, a reçu, des institutions européennes, une sorte de « permis de tuer » et poursuit sur cette voie dans tout ce qu’il fait.

Breizh-info : La répression se limite-t-elle au seul champ politique et médiatique ou se situe-t-elle dans un espace plus large, par exemple dans le domaine scolaire et judiciaire ?

Ryszard Legutko : Ce gouvernement introduit l’agenda de gauche radicale au sein du système scolaire. Il attaque les principes d’éducation, implémente l’idéologie de gauche dans une grande partie du monde scolaire et prépare une offensive en vue d’obtenir l’expulsion de nombreux juges qui sont, pour ses membres, politiquement inacceptables. Cela se passera au cours des semaines à venir.

Breizh-info : Ils avancent très vite dans cette direction.

Ryszard Legutko : Oui, rapidement et radicalement. Il s’agit d’une attaque lourde et généralisée qui ne vise pas seulement un ou l’autre domaine de la vie publique.

Breizh-info : Comment expliquez-vous que l’Est de la Pologne vote plus pour les conservateurs de Droit et justice (PiS) et l’Ouest plus pour les libéraux de la Plateforme civique (PO) ?

Ryszard Legutko : Car la Pologne orientale a plus le sens de la continuité, alors que la partie occidentale du pays est peuplée de personnes qui y ont été déplacées après la Seconde Guerre mondiale. Ces territoires, auparavant situés en Allemagne, nous ont été donnés par Staline, qui nous a, d’autre part, privés de régions situées dans l’Est.

Vous avez d’un côté une partie du pays qui a le sens de la continuité et des traditions et de l’autre une qui est plus atomisée et qui n’est pas dans la continuité, avec des personnes dont les familles sont nouvelles en ces endroits et qui votent en conséquence pour la gauche.

Breizh-info : La proximité de l’Allemagne joue-t-elle un rôle dans ce phénomène ?

Ryszard Legutko : L’Allemagne est extrêmement influente en Pologne. L’actuel Premier ministre Donald Tusk est un proche allié de ce pays. Angela Merkel l’avait placé à la présidence du Conseil européen et les Allemands aident continuellement son parti, la Plateforme civique. En conséquence, il n’entreprendra rien à l’encontre de ce qui peut être considéré comme opposé aux intérêts allemands en Pologne.

Breizh-info : Quelle est, selon vous, la solution à la guerre en Ukraine ?

Ryszard Legutko : Je ne sais pas. Une majorité des Polonais soutient l’Ukraine parce que nous, comme les habitants des États baltes, craignons l’impérialisme russe. Mais je pense que l’Ukraine n’arrivera probablement pas à récupérer les territoires perdus.
Même si nous rencontrons des problèmes dans nos relations avec l’Ukraine, celles-ci n’étant pas très harmonieuses, l’existence d’une Ukraine indépendante est cruciale pour nos intérêts.

Breizh-info : Et les relations entre la Pologne et le Bélarus ?

Ryszard Legutko : La direction du Bélarus est le règne d’un seul homme, qui persécute la minorité polonaise. Des représentants de cette dernière ont été condamnés à de la prison de longue durée. Le président du Bélarus Alexandre Loukachenko est un homme très cruel et un tyran. Il est impossible de stabiliser nos relations avec la Russie tant que Loukachenko dirige le Bélarus. Lorsqu’il partira, de nouvelles possibilités verront le jour.

Breizh-info : La minorité polonaise du Bélarus a-t-elle la possibilité d’utiliser sa langue dans l’espace public et d’aller à l’école en polonais ?

Ryszard Legutko : Les possibilités sont de plus en plus restreintes.

Breizh-info : Le nouveau gouvernement polonais peut-il tomber à la suite d’un éventuel départ de la coalition d’un certain nombre de députés qui rejoindraient une futur coalition qui serait formée autour de Droit et justice (PiS) ?

Ryszard Legutko : Non, pas pour le moment. Nous avons pensé former une coalition avec le parti agrarien. Mais, ce dernier en a conclu une avec la Plateforme civique de Donald Tusk. Les cadres du parti agrarien ne sont pas très contents de cette coalition et vont peut-être changer d’avis à son propos. Nous verrons.

Breizh-info : Votre parti, Droit et justice (PiS), a gagné les élections locales d’avril 2024 – portant sur l’élections des assemblées municipales, de régions et de districts !

Ryszard Legutko : Oui, Droit et justice a gagné des élections par rapport aux pourcentages obtenus. Nous disposons du pouvoir au sein d’exécutifs et de législatifs locaux.

Breizh-info : Votre parti est mieux implanté dans les campagnes que dans les villes.

Ryszard Legutko : Dans les grandes villes, les libéraux et la gauche sont dominants partout, comme à Paris et à New-York. Ils représentent les idées des gens de la culture, des entreprises et des médias qui y habitent.

Breizh-info : Le nouveau gouvernement modifiera-t-il la politique migratoire ?

Ryszard Legutko : Ces gens ont signé le pacte migratoire. Ils ont voté en sa faveur au Parlement européen. Comme je l’ai dit, ils ne feront rien contre les intérêts de l’Union européenne, en particulier contre ceux de l’Allemagne.

Breizh-info : Le gouvernement continue de bloquer l’arrivée de migrants passant par le Bélarus comme le faisait le précédent exécutif ?

Ryszard Legutko : Le gouvernement actuel n’a pas osé remettre en cause le blocage des migrants envoyés depuis le Bélarus par Alexandre Loukachenko.

Breizh-info : Et au sein de la coalition, les représentants de la gauche radicale acceptent-ils cela ?

Ryszard Legutko : Ils n’ont pas adopté une décision claire à ce propos.

Breizh-info : Pensez-vous que dans le prochain Parlement européen votre parti siégera toujours au sein du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) .

Ryszard Legutko : Oui, il n’y a pas d’autres possibilités. Droit et justice n’aura pas autant d’élus qu’aujourd’hui. Nous [Droit et justice et ses alliés] en possédons 27, soit un nombre assez élevé. Il n’y en aura pas autant dans le prochain Parlement européen, mais il y en aura.

Breizh-info : Considérez-vous que le parti nationaliste Konfederacja (Confédération) soit un problème pour vous car cette formation politique ne désire pas s’allier à la votre ?

Ryszard Legutko : Le fait que Konfederacja ne veuille pas s’allier à nous ne constitue pas un problème pour nous, car ce parti est petit et il est improbable qu’il devienne plus grand. Cette formation politique est désintégrée, composée de personnes étranges, certaines d’entre-elles étant excentriques. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’avenir pour Konfederacja.

Propos recueillis par Lionel Baland

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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5 réponses à “Pologne. « Le nouveau gouvernement transforme le pays en une république bananière et tente d’éliminer toute forme d’opposition » [Interview]”

  1. Georges Slowik dit :

    Le probleme des Polonais (et je suis d’origine Polonaise moi-meme a 100% {pere et mere}) est de continuer de voir la Russie comme etant l’URSS ennemi. En 1980 j’etais en Pologne, j’ai rencontre Walesa et dans une petite mesure je les ai aide. Mais aujourd’hui je vois la Russie comme etant le porte drapeau de la Liberte et les Polonais ont tord de tourner le dos a Vladimir Poutine. C’est un homme qui a un enorme respect de la vie. S’il avait ete le maniaque mortifere comme le clame la gauche, l’Ukraine serait aujourd’hui de l’histoire ancienne.
    Si les polonais veulent retrouver la liberte qu’ils ont perdu aux dernieres elections, ils doivent au contraire se rapprocher de la Russie.

  2. Gaï de Ropraz dit :

    L’évidence c’est que tant que les socialistes allemands seront présents aux manettes et donc aux portes de la Pologne, ce pays en souffrira. Je l’ai toujours dit, et je le répète, l’Allemagne est le Grand danger pour l’Europe et son édification. Nous (Européens, mais les Français en particulier) souffrons toujours et encore, de cette promiscuité qu’entretiennent certains Chefs d’Etat Europeens -Macron en tête- avec l’Allemagne. Et cela ira de pire en pire…

    Ainsi, attendez-vous à un débordement majeur d’Islamistes en provenance de l’Allemagne vers la France en général, et les régions limitrophes dont l’Est de la France, en particiculier.

  3. VORONINE dit :

    Le père de TUSK était Feldwebel dans la wehrmacht , avant de changer fort opportunément son Mauser d’épaule avant la fin de la guerre , et de rejoindre la résistance polonaise . Il appartient à la minorité germanophone de l’ouest du pays , importée pour commbler le grand vide qui suivit les guerres de religion et les massacres pepétrés par les suédois de CH.XII….Ces minorités , ( ce qu’il en reste , beaucoup ayant suivi les allemands en 44, et rejoint le Vaterland ) n’ont jamais été vraiment intégrées, d’un tempéramment différent de celui des slaves, ils ont conservé leur langue . Il suffit de voir une photo de TUSK pour constater qu’il n’a pas le type polonais !

  4. patphil dit :

    les peuples ont les zélus qu’ils méritent

  5. Merlin dit :

    La Pologne d’aujourd’hui (et celle d’hier était du même tonneau) semble complètement inféodée aux USA.
    Elle n’achète que du matériel américain et poursuit la même politique de provocations anti russes.
    Si les polonais forment un grand peuple, leurs élites sont à vomir.

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