Carhaix est une petite ville riche en fortes personnalités. Tout le monde connaît son maire, Christian Troadec, ancien leader des Bonnets rouges, aujourd’hui vice-président du conseil régional en charge de la langue bretonne. Mais il faut également compter avec un activiste local nommé Matthieu Guillemot. Son cheval de bataille actuel : l’hôpital.
Le 27 octobre, un protocole d’accord sur l’avenir de l’hôpital de Carhaix avait été signé ; malgré cela, les urgences demeurent complètement fermées. Effectivement, au cours de l’année 2023, plusieurs manifestations avaient eu lieu afin de demander l’arrêt de la « régulation » du service des urgences mise en place début juillet pour cause de manque de médecins. Le 14 septembre, l’une d’elles s’était déroulée à Quimper ; les manifestants avaient envahi les locaux de l’Agence régionale de santé pour demander la réouverture des urgences de Carhaix, 24h/24. Aujourd’hui, une dizaine de ces manifestants sont poursuivis pour « séquestration et violence en réunion sur une personne chargée d’une mission de service public » (sic). Mardi 15 mai a commencé l’audition de ces derniers au commissariat de Quimper. Matthieu Guillemot, porte-parole du comité de défense de l’hôpital, était le premier « invité » : « J’aborde cette audition très sereinement. Aucune violence ni dégradation n’ont été commises le 14 septembre dernier. A Carhaix, on a l’habitude de se battre. Notre force, c’est la détermination sans faille et la non-violence », commentait-il avant d’avoir droit à deux heures d’audition sous le régime de la garde à vue (Le Télégramme, Bretagne, mercredi 15 mai 2024).
Guillemot commente volontiers la situation en citant une anecdote : « Si ton père ou ta fille sont hospitalisés à Brest ou à Morlaix, tu vas les voir quand, si tu bosses ? Mais on a lutté, on n’a rien lâché, on a occupé les locaux de l’ARS, on a été des milliers à manifester et on a gagné. On a réussi à les faire plier. Mais tout ça laisse des cicatrices et même de la haine. Lorsqu’on se mobilisait contre la fermeture de la maternité, la directrice du CHU de Brest-Carhaix, qui vient tout droit de Paris, où elle occupait un poste important au sein de l’AP-HP a quand même osé déclarer : “Si les femmes de Guyane mettent trois jours de pirogue pour aller accoucher, les Centre-Bretonnes peuvent bien faire une heure de route pour en faire autant“ ! » « Ce mépris, ce regard-là de la part des élites, il est insupportable », conclut Guillemot (Le Monde diplomatique, mai 2024)
Evidemment, si, un jour, l’autonomie de la Bretagne devenait réalité, non seulement un cadre sup n’oserait pas tenir ce genre de propos, mais encore il ne serait pas question de fermer des services à l’hôpital de Carhaix. Celle ou celui qui s’aventurerait à formuler cette proposition se ferait lyncher au conseil régional… A coup sûr, la Bretagne intérieure bénéficierait d’une politique spécifique destinée à compenser ses handicaps. Le rééquilibrage entre l’axe Nantes-Rennes privilégié et l’axe Brest-Quimper défavorisé s’imposerait.
Matthieu Guillemot est souvent candidat aux élections
Voilà un raisonnement que Matthieu Guillemot ne peut faire sien car il roule pour un parti parisien. Militant très actif du NPA, il ne rate aucune occasion de prendre part au combat politique. Ainsi on le trouve candidat de la LCR dans la circonscription de Carhaix au premier tour des élections législatives de juin 2007 ; il réalise un score « minimaliste » (Ouest-France, Finistère, lundi 11 juin 2007), soit 2208 suffrages (3,71 %), mais il devance la candidate du Front national Marie-Anne Haas (1173 voix, 1,97 %). Notons que Christian Troadec (régionaliste de gauche) est candidat à ce premier tour (7393 voix, 12,41 %) ; en appelant à voter au second pour un parachuté nommé Richard Ferrand (PS), il permet l’élection de ce dernier. Cet essai ne connaîtra pas de suite puisque Guillemot ne participera pas aux élections législatives de 2012, 2017 et 2022.
Afin de « remercier » Troadec pour son soutien aux législatives de 2007, Ferrand présente une liste (« Carhaix-Plouguer à gauche, pour une ville active et solidaire ») aux élections municipales à Carhaix un an plus tard contre le maire sortant qui s’appelle justement Troadec (« Carhaix, ville d’avenir, liste de la gauche moderne et ouverte »). Non seulement Matthieu Guillemot a monté une liste (« Carhaix à gauche toute »), mais encore il se désiste en faveur de Ferrand pour le second tour. Finalement, l’homme du PS se retire et n’aura donc pas besoin des 261 voix (5,82 %) de Guillemot. Dans ces conditions, le second tour devient un duel droite-gauche et Troadec l’emporte facilement (68,61 % contre 31,39 % pour la liste de droite conduite par Henri Seznec) ; Carhaix reste une ville de gauche et le fief de Troadec. Ferrand et Guillemot ne deviendront pas maire de la ville. Si le premier comprend qu’il ne faut pas insister, le second retente sa chance aux municipales de 2024 ; sa liste obtient 477 voix (13,07 %), ce qui permet à Guillemot de devenir conseiller municipal et conseiller communautaire. En mars 2020, Guillemot rend son tablier et laisse la place à une liste « Une dynamique de gauche pour Carhaix » (Laure Boussard) qui obtient 512 voix (18,46 %). On remarquera que dans le pays de Carhaix, le NPA possède un incontestable potentiel militant puisque, par exemple, aux élections départementales de mars 2015, le parti est capable de présenter le tandem Marie-Pierre Coant-Joseph Le Guélaff (1835 voix, 16,77 %). Aujourd’hui, Evelyne Le Guern, ouvrière chez Synutra et présidente du comité de défense de l’hôpital, appartient au NPA.
On a l’embarras du choix chez les trotskistes
Cela dit, on est obligé de considérer qu’il y a NPA et NPA… En effet, depuis la fin 2022, le parti s’est scindé en deux. Un clan soutient LFI et Jean-Luc Mélenchon (« plateforme B », avec Philippe Poutou et Olivier Besancenot) ; un second défend l’indépendance de l’organisation (« plateforme C », majoritaire). Et les deux branches se battaient pour la propriété de l’enseigne. Finalement, « après dix-huit mois de négociations », elles « ont trouvé un accord à l’amiable » établissant « une copropriété de la marque » (Le Canard enchaîné, 15 mai 2024). Où se situe Matthieu Guillemot dans ce mic-mac ? On remarquera que lorsque ce dernier s’est présenté au commissariat de Quimper, il était accompagné par Christian Troadec, maire de Carhaix, qui était dans son rôle ; mais aussi par Philippe Poutou, porte-parole du NPA. Conclusion : Guillemot appartient à la « plateforme B », celle de Poutou et de Besancenot. Pour les élections européennes, les militants « plateforme B » soutiennent la liste de Manon Aubry (LFI), tandis que les militants «plateforme C » présentent une liste NPA (« Pour un monde sans frontière ni patrons, urgence révolution ! » conduite par Selma Labib) ; cette dernière est créditée de 0,5 % dans les sondages portant sur les intentions de vote, tandis que la liste de Lutte ouvrière (Nathalie Arthaud) se voit gratifiée de 1 % (Elabe, La Tribune Dimanche, 19 mai 2024). On peut ajouter qu’une autre famille trotskyste présente une liste : « Pour le pain, la paix, la liberté ! » présentée par le Parti des travailleurs (anciennement Parti ouvrier indépendant démocratique, à ne pas confondre avec le Parti ouvrier indépendant qui, lui, soutient LFI).
Question : verra-t-on Guillemot sur la liste de la France insoumise aux élections régionales de 2027 ? De préférence en position éligible… Certes, il faudra tenir compte du leadership de Pierre-Yves Cadalen (LFI, Brest).
Bernard Morvan
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2 réponses à “Hôpital de Carhaix : l’Etat ne respecte pas ses engagements”
Je ne partage pas les idées des bolcheviques de toutes déviances mais fidèle à Maître Voltaire… »Je ne partage pas vos idées mais je me battrai pour que vous ayez le droit de les exprimer… ». Même si c’est la miss HALL qui a résumé la pensée du Maître! Les raclures de Paris aux ordres de l’Europe …Ras le Bol…En ce moment ils roulent les agriculteurs dans la farine de maïs de Bruxelles avec la collaboration des patrons de la FNSEA. Passez à l’action! Comme Le Balp en Pays de Carhaix !
Cerise sur le gâteau ……
Nos génies politiques inspirés par leur science infuse parlent de REQUISITIONNER les soignants de l’hôpital public afin de palier la grève desw cliniques privées à partir du 3 juin
Imposer des réquisitions à un personnel qui est déjà en burn-out chronique il faut quand même le faire
Il lui faudra combien de suicides de soignants épuisés pour que ce « gouvernement » de la macronie triomphante commence à faire fonctionner ses neurones ???????????