Les tensions en Géorgie confirment le pouvoir subversif des ONG

Scènes de rixes entre parlementaires, bagarres dans les rues, répression policière, non-adoption par la Présidence d’une loi dûment votée… que se passe-t-il en Géorgie ?

La grande coupable

À avoir mis le feu aux poudres, c’est l’adoption, le 14 ami dernier, d’une loi prévoyant que les organisations non gouvernementales recevant au moins 20 % de leurs subventions de l’étranger soient inscrites dans un registre spécial en tant qu' »agents étrangers ». Elle s’inspire d’une loi russe de 2012 qui dit en somme la même chose : que des forces étrangères financent des ONG et des médias pour semer le trouble et influencer les politiques de nations stratégiques.

 

Les « révolutions colorées » qui se sont produites en 2004 en Ukraine et en 2005 au Kirghizstan, devancées en l’an 2000 par celle de Serbie, en sont autant de cas emblématiques. Sans oublier celle qui eut lieu en Géorgie en 2003, dont le souvenir déchaîne présentement les passions.

Si de par leur corruption ou leur mauvais fonctionnement, les gouvernements alors en place méritaient sûrement d’être mis à bas, l’intervention étrangère à travers des ONG pro-occidentales financées en grande partie de l’étranger fut déterminante et permit ces changements de régime. De nouveaux régimes étrangement U.S.A friendly

Vous avez dit ingérence ?

« Déni de droits de l’homme », « répression de la société civile », « censure de l’opposition », le camp occidental s’agite, s’offusque et dénonce, ce qui est un comble quand on pense que la loi induit de fait plus de transparence dans le processus démocratique et vise à protéger contre l’ingérence étrangère dans les décisions de pays souverains. Mais de chacun connaît le deux poids, deux mesures du « camp du bien », qui « oublie » au passage de rappeler qu’une loi similaire existe déjà aux États-Unis… depuis 1938 ! (1)

Même si la loi a pu servir en Russie à museler une certaine opposition, l’argument du non-respect de la pluralité est évidemment un prétexte. Il s’agit de faire passer ce pays tampon entre Europe et Russie dans la sphère occidentale.. un pays tampon traversé d’importants oléoduc et gazoduc.

Les menaces n’ont donc pas tardé. James O’Brien, secrétaire d’Etat adjoint américain, a averti que sans le retrait de cette loi Washington prendrait des « sanctions financières« , remettant en question l’aide de 390 millions de dollars allouée cette année à la Géorgie par les Etats-Unis.

Peter Stano, porte-parole de l’UE, a parlé de « grave obstacle » sur la voie de l’adhésion du pays à l’Union européenne (Tbilissi est candidate depuis fin 2023).

Farah Dakhlallah, porte-parole de l’Alliance atlantique, a commenté sur X : « La décision du gouvernement géorgien d’adopter une législation sur les soi-disant « agents étrangers » est un pas dans la mauvaise direction et éloigne la Géorgie de l’intégration européenne et euro-atlantique. Nous exhortons la Géorgie à changer de cap et à respecter le droit de manifester pacifiquement. »

Nusrat Ghani, secrétaire d’Etat chargée de l’Europe invite le gouvernement géorgien à « retirer cette législation » qui « ne correspond pas aux valeurs démocratiques d’un pays aspirant à rejoindre l’Otan.”

etc.

Clivage social géorgien

Encore une fois, le bloc occidental et la Russie s’affrontent dans un pays tiers. Un clivage que l’on retrouve au sein de la société géorgienne avec d’un côté, une population rurale et périphérique plus conservatrice (sans nécessairement être anti-européenne), de l’autre une population urbaine progressiste, gavée de réseau sociaux et de propagande d’ONG d’occidentales. C’est cette dernière,  qui manifeste devant le Parlement.

De la même obédience est la présidente de la République, Salomé Zourabichvili. Née et élevée en France, n’accédant à la nationalité géorgienne qu’à l’âge de 51 ans à la suite de la révolution des Roses de 2003, elle refuse de promulguer la loi. Et ce, alors qu’elle en a l’obligation constitutionnelle.

Audrey D’Aguanno

(1) Le Foreign Agents Registration Act (FARA) voté en 1938, instaure un registre pour les représentants de groupe de pression travaillant pour le compte d’un mandant étranger. Un loi confirmée et complétée par deux autres : Le Lobbying Disclosure Act (LDA) adopté en 1995, et le Federal Election Campaign Act (FECA) en 1971.

Illustration : Bagarre générale au Parlement géorgien. Capture Blitz.it
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13 réponses à “Les tensions en Géorgie confirment le pouvoir subversif des ONG”

  1. Maury dit :

    Merci madame. J’apprécie tous vos articles. Le simple bon sens devrait interdire les votes et les candidatures des étrangers. Et on devrait parler du cas glusckman.

  2. Pschitt dit :

    Une fois de plus, vous reprenez sans esprit critique le discours de Poutine (« l’Occident nous agresse »). Comme vous le dites, la nouvelle loi géorgienne reprend une loi russe : rien que cela la rend suspecte aux yeux des Géorgiens. En Russie, elle a servi à museler la liberté : les Géorgiens ont bien raison de ne pas en vouloir.

    Ce très vieux pays, qui a lutté héroïquement pour préserver son indépendance contre les Mongols, les Perses, les Arabes et les Turcs, a été annexé par la Russie pendant une partie du 19e s., s’est libéré en 1887, a été à nouveau annexé par les bolcheviks en 1921 et n’a cessé de ruer dans les brancards, surtout après la mort du Géorgien Staline en 1953, jusqu’à reprendre son indépendance en 1991. Depuis lors, la Russie a mené plusieurs guerres locales contre la Géorgie et occupe toujours 1/5e de son territoire (Abkhazie, Ossétie du Sud…).

    Si vous visitez la Géorgie aujourd’hui, la situation est claire : les vieux parlent russe, car ils ont grandi du temps de l’URSS, les jeunes refusent à peu près unanimement de parler la langue de l’oppresseur (ce qui les pousse vers l’anglais : effet secondaire de l’attitude agressive de Poutine). Apparemment, quand vous entendez le sigle « ONG », vous pensez mondialisme immigrationniste, mais il existe des ONG de toutes sortes. En Géorgie, elles servent en partie à acheminer l’aide des émigrés (1/5e des Géorgiens) à leur mère patrie. Les Géorgiens rêvent d’Europe. Nous savons bien qu’ils se font des illusions, et l’Europe évite de faire le moindre geste qui puisse fâcher Moscou, mais la politique absurde de Poutine produit ses effets à peu près inéluctables…

    • Audrey dit :

      Hélas, si vous avez bien raison de dire qu’il y a des ONG de toutes sortes, il faut bien admettre que les plus puissantes, celles qui brillent dans l’art de créer une pensée dominante et d’influencer la jeunesse, sont bien celles dont vous parlez : mondialistes et immigrationnistes. J’ajouterai progressistes et green. Bref, l’agenda promu de l’autre côté de l’Atlantique. Mais souligner leur pouvoir subversif, leur travaille de sape des sociétés, ne signifie pas dans ce cas précis, désirer que la Géorgie se jette dans les bras russes. Je ne suis ni russe, ni géorgienne… les Géorgiens feront ce qu’ils ont à faire. Par contre, il est de notre devoir de souligner les manipulations, les influences, les financements… toutes les informations que vous ne retrouverez pas les médias de grand chemin.
      Quant à votre affirmation « l’Europe évite de faire le moindre geste qui puisse fâcher Moscou », il suffit de lire les déclarations d’un Emmanuel Macron, de Giorgia Meloni ou de la von der Leyen pour comprendre que c’est tout le contraire. Il est aussi à parier que l’envoi d’armes, d’ingénieurs, de formateurs et de matériels est considéré à Moscou comme autant de « gestes qui fâchent ».

  3. PL44 dit :

    S’il est normal d’inscrire dans un registre spécial certaines ONG (pro-occidentales ou pas), il est peut être normal d’interdire RT et Sputnik. Sauf peut être en temps de guerre, les limites à la liberté d’expression doivent être l’exception (je sais, je vais passer pour un complotiste ringard !).

  4. Ubersender dit :

    « La politique absurde de Poutine » sans doute du point de vue américano-occidental (Glucksman ne dirait pas autre chose) mais pas du point de vue russe. Poutine n’a pas envie de voir les anciennes républiques soviétiques basculer, les unes après les autres, dans le camp de l’Otan car, à chaque fois, cela signifie l’implantation de nouvelles bases missiles à la frontière russe. Que ces républiques aspirent à l’indépendance, cela est compréhensible ; mais si par « indépendance » on entend bascule dans le camp otanesque et participation active à sa politique d’encerclement militaire de la Russie, cela devient très problématique : indépendance signifie alors « changement de camp ». Les promoteurs du « regime change » ont échoué en Géorgie avec la « révolution des roses » en 2003 ; ils échouent actuellement en Ukraine après l’euro-Maïdan de 2014 … Ils vont donc revenir à la charge à Tbilissi ; ça tombe bien, Glucksman sera au chômage après le 09 juin : il pourra reprendre du service … mais pas auprès de Saakachvili, lequel, selon les dernières nouvelles, est toujours emprisonné en Géorgie où il purge une peine pour « abus de pouvoir »

  5. Eschyle 49 dit :

    Vous oubliez l’essentiel: la loi analogue russe, dont s’inspire la récente loi géorgienne, est elle-même une version très édulcorée d’une loi américaine sur les influences étrangères. Le plus simple aurait été de reprendre l’original, de recourir à un traducteur assermenté anglais-géorgien, de le faire certifier par l’ambassade locale des USA, et de promulguer le tout, en version bilingue avec certificat annexé.

  6. Hadrien Lemur dit :

    Mais putain de merde Pshitt, qu’avez vous contre les Russes ? J’ai bossé presque toute ma vie avec les USA et je peux vous dire avec certitude et expérience que ce sont eux et seulement eux (depuis l’effondrement, certes du bloc soviétique et la montée en puissance de l’islam) qui foutent la merde dans le monde entier. Les Russes ne font que réagir à une agression permanente des USA. Nous Français n’avons rien à gagner ni avec la Géorgie ni avec l’Ukraine qui sont de tout petits pays corrompus jusqu’à la moelle, sans présent ni avenir, par contre nous avons tout à perdre en nous fâchant avec le plus grand pays au monde, doté de formidables ressources qu’est la Russie. Au bout d’un moment, il faut laisser de coté ses convictions et son idéologie, fut-elle louable pour les échanger contre du pragmatisme.

  7. kaélig dit :

    Les braves Géorgiens « progressistes » risquent de déchanter quand ils verront dans quel état d’anarchie se trouve l’Europe de l’Ouest: immigration, islamisme, insécurité.

  8. NEVEU dit :

    Bref comme aurait dit un certain Pépin ce sont encore les Yankees peuplade d’ordures formée par les pires lies des populaces européennes qui partout par où ils passent sèment leurs merdes, la mort et la désolation. Aucun honneur, aucune culture, aucun Dieu…ils ne sacrifient qu’à l’idole Fric, tout passe par la carte bleue…vous passez par les Urgences chez eux…on vous demande d’abord votre carte bleue avant de vous soigner et bientôt en France sous le pontificat de l’idolâtre Mitronmégas ce sera de même! Boutez-le et ses séides hors du monde des vivants!

  9. Cht'imi59 dit :

    Vous voulez détruire un pays ? Voici comment y arriver. Vous prenez des dollars, papier monnaie qui n’a plus aucune valeur mais miroite encore aux yeux de quelques écervelés. Vous les mettez dans un grand récipient, vous ajoutez de l’eau et vous laissez tremper . Ensuite vous pulvérisez cette eau partout où vous le pouvez et aussi vous la mélangez dans l’eau de boisson. Voilà, le tour est joué et vous avez mis une révolution en route pour détruire une démocratie et une nation .

  10. patphil dit :

    chaque peuple doit être maitre chez lui.
    quand à l’adhésion de la géorgie à l’ue, pourquoi pas l’afghanistan ou la chine aussi ?

  11. Pschitt dit :

    Audrey, n’avez-vous pas l’impression de faire le jeu d’une propagande quelconque en affirmant que puisque les ONG sont pourries pour la plupart (essentialisation…), la Géorgie doit l’être aussi ? Soulignez « les manipulations, les influences, les financements… » mais veillez à ne pas y prêter la main — par inadvertance j’en suis sûr. Poutine aimerait bien nuire à l’image de la Géorgie. Mais si celle-ci est anti-russe aujourd’hui, il l’a bien cherché en lui faisant la guerre !

    Quant à votre affirmation concernant « l’envoi d’armes, d’ingénieurs, de formateurs et de matériels », ce serait bien de lui donner de la substance avec des chiffres, des noms, des lieux… La Géorgie a acheté des armes défensive à l’Occident après 2008, c’est-à-dire après avoir été attaquée et en partie envahie. Mais dans les années récentes ???

    Je dis que l’Europe évite de « faire le moindre geste ». Vous me répondes par des « déclarations » de Macron, Meloni ou von der Leyen. N’êtes-vous pas convaincue qu’il y a loin des déclarations aux gestes ? La présidente géorgienne, française de naissance, vient d’inviter Macron une fois de plus à
    visiter son pays. Elle affirme qu’il lui a promis de venir depuis 2018 ! Il vote avec ses pieds, en somme. Les dirigeants européens reconnaissent l’aspiration européenne de la Géorgie. C’est un constat objectif. Il n’est pas impossible que cela déplaise Poutine, qui a pourtant fait de son mieux pour faire détester son pays par les Géorgiens. Mais ça ne nous oblige pas, vous, moi, à dire qu’il a raison.

  12. Pschitt dit :

    Hadrien Lemur, avez-vous besoin de jurons ? Je n’ai RIEN contre les Russes, j’ai quelque chose contre Poutine. Poutine est russe ? Non, il est avant tout soviétique. Il applique toujours les méthodes vicieuses qu’il a apprises et pratiquées comme officier du KGB, il ne croit qu’à la force, et pourtant il la maîtrise mal — cf. le désastre militaire de l’offensive de février 2022 dans le nord de l’Ukraine. Par ses menaces et ses manipulations permanentes, il a réussi à se mettre à dos la plupart des anciens pays du bloc soviétique. Même la Biélorussie et le Kazakhstan sont manifestement mus par la peur quand ils s’alignent sur la Russie. La Russie avait tous les atouts pour cultiver amitié et respect mutuels avec ces pays, en mettant le passé sur le compte du communisme. Poutine a complètement gâché cette possibilité avec son attitude paranoïaque.

    A propos, vous arguez de votre connaissance des Etats-Unis. Il se trouve que, moi aussi, je connais bien ce pays pour des raisons professionnelles. Mais en plus, je connais assez bien la Russie pour des raisons personnelles. La plupart des Russes que je connais sont des gens merveilleux. Je déplore seulement que certains soient troublés par vingt ans de propagande assidue sur le thème paranoïaque de la menace éternelle de l’OTAN (car bien sûr, l’URSS était une construction si merveilleuse qu’elle n’a pas pu s’effondrer toute seule, revoyez les déclarations de Poutine sur « le plus grand désastre géopolitique du 20e s. »).

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