Le 19 mai 2015, à l’âge précoce de 48 ans, le grand asturien Xaviel Vilareyo y Villaamil est décédé. Contre l’oubli et la calomnie, j’écris à nouveau quelques lignes sur lui.
Je ne l’ai rencontré en personne qu’à une seule occasion : lors de la présentation de mon livre “La Nación Asturiana -« La Nation Asturienne ». Cet événement a eu lieu le 2 janvier 2008, à la bibliothèque Campo San Francisco, dans la capitale de la Principauté (Oviedo, Asturies), à la Xunta d’Escritores Asturianos. Après mon discours et ses aimables paroles, nous avons visité plusieurs bars à cidre d’Oviedo dans la soirée, en compagnie d’autres asturianistes. Je me souviens qu’il m’a offert un de ses tableaux, un tableau qui reflétait « Les Asturies » telles qu’il les concevait, arguments à l’appui.
Ainsi dit, au pluriel, les Asturies englobent beaucoup plus de terres et de personnes, plus que l’actuelle communauté autonome de la Principauté des Asturies, bien entendu. Les frontières actuelles correspondent, en réalité, à la « Province d’Oviedo » que les libéraux du XIXe siècle ont inventée au fil des aberrations et des coupes historiques. Franco n’a fait que consacrer le modèle territorial centraliste et provincial du libéralisme, une idéologie néfaste pour notre identité d’Espagnols et d’Asturiens. Les Asturies de Santillana, par opposition à l’invention de la « Province de Santander » (aujourd’hui « Cantabrie »), ainsi que certains conseils de León et de Galice, étaient, pour Vilareyo, des territoires de réincorporation administrative urgente et inaliénable. Outre les Asturies au sens nucléaire du terme, le grand Xaviel fait également référence à un second cercle d’Asturies : le « País Astur » qui, en raison de la présence linguistique de l’asturien dans ses différentes variantes et de certains traits culturels asturiens, s’étend à León, Zamora, une partie de Salamanque et plus au sud. À l’est, selon lui, d’autres « Asturies » sont largement oubliées (outre celles d’Oviedo, il y avait celles de Santillana, Trasmiera et Laredo : voir ici. Dans les Encartaciones, aujourd’hui « euskaldunisés » de force, il reste des vestiges de la langue de notre ancien royaume, créée après la rébellion de Pelayo.
Toutes ces revendications de Vilareyo sont aujourd’hui largement oubliées et décriées. Il ne faut pas oublier que la réouverture des coffres d’essences rend nerveux tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, bénéficient d’une prébende dans le statu quo actuel. L’écrivain, ethnologue et philologue Vilareyo « n’a pas mâché ses mots » face à d’autres auteurs et politiciens de village qui, malgré leur rhétorique, ridiculement calquée sur l’abertzalisme basque ou le celtisme à la petite étoile rouge, ont accepté le « provincialisme » inscrit dans la Constitution de 78 comme une réalité immuable. Une Constitution héritée du système franquiste et de toutes les autres erreurs passées depuis l’arrivée des Bourbons en Espagne.
Vilareyo et moi avons rapidement découvert le secret de l' »asturianisme souverainiste ». Les petits groupes et chapelles qui ont survécu – politiquement et culturellement – deux décennies après le démantèlement, en 1980, de la soi-disant « ETA asturienne » (dont le braquage raté du Banco Herrero, le 9 juillet 1979, fut l’un des faits marquants), les mini-partis de la « gauche souverainiste » sont passés d’un celtisme pseudo-scientifique à une vision obsédée par le « caractère officiel » de la langue asturienne et ont toujours été financés et subventionnés par le régime PSOE-IU (socialistes et comunistas, plus tard « Podemos »). Faisant fi des contributions judicieuses du député régional Sánchez-Vicente, qui a obtenu une « loi pour l’utilisation et la protection » du bable-asturien, les « souverainistes de gauche » ont tenté de concilier leur peur cervicale d’être identifiés avec les « chiots asturiens de l’ETA », après une collaboration présumée avec l’ETA. Les membres del “souveranisme de gauche” ont également été confrontés à des problèmes de conciliation entre leur prétendue collaboration avec l’ETA en 1979 et leur prétendue lutte culturelle pour une langue dans laquelle ils ont joué le rôle de bras « activiste » du PSOE-IU. Une langue minoritaire maltraitée quotidiennement par ses propres « défenseurs » et utilisée non pas pour unir mais pour séparer n’a pas un avenir radieux. Vilareyo et d’autres locuteurs patrimoniaux de l’asturien, comme moi, n’ont pu échapper à notre étonnement face aux attaques de ces furieux « défenseurs » de la llingua, que, curieusement, ils n’avaient pas apprise chez eux mais dans des cours de bable –asturien en conserve destinés aux enfants et petits-enfants des Castillans et des Andalous, aspirants héros de la « dixebra » (indépendance) dont personne n’a voulu de manière sensée.
Vilareyo n’a pas fait de politique et ne s’est pas plié à l’”abertzalismo” asturien « tambour et gaita” (cornemuse), comme on dit chez nous. On l’a accusé de tout, mais il a poursuivi avec fougue son travail de poète, d’essayiste, de philologue, de cinéphile, d’ethnologue. Il s’intéressait à tout ce qui était essentiellement asturien. C’est pourquoi il n’a jamais gravité dans le micro-monde des fêlés qui s’appellent la « gauche souverainiste ». Un monde peuplé en grande partie de débiles mentaux, dont beaucoup ont fini par avoir une carte du PSOE après avoir essayé pendant des années de nous donner des leçons de « patriotisme ». Le temps remet tout le monde à sa place.
Celui de Vilareyo était un nationalisme pur, ni suprémaciste, ni forcément séparatiste. C’était une défense de l’identité, de l’identité asturienne, sans s’opposer à qui que ce soit. L’identité d’un peuple qui a possédé l’un des royaumes les plus importants du haut Moyen Âge, restaurateur de l’ancienne Hispanie. Ce fait en offusque plus d’un dans une Espagne où les peuples ont perdu leur identité et en acceptent une fausse, créée dans des laboratoires idéologiques où l’on complote avec de très mauvaises intentions. Eh bien, qu’ils s’offusquent. Une telle Espagne, offensée par la vérité, est une Espagne sans avenir.
Je me souviens de Don Xaviel.
Carlos X. Blanco
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