Elections européennes : Jean-Yves Le Drian prend le risque d’être ridiculisé

Acte 1 – En février, Emmanuel Macron cherchait une tête de liste pour les élections européennes ; il avait songé « envoyer au front Jean-Yves Le Drian. Le parti Renaissance a même testé son nom à travers un sondage qui lui donnait 20 % des voix, une quasi-performance. Las, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui aura presque 77 ans au moment du scrutin, a décliné la proposition avec cet argument imparable : “Il y a un âge pour tout“ ». (Le Canard enchaîné, 14 février 2024)

Acte 2 – « Ces dernières semaines, l’ancien ministre des Affaires étrangères représentait aux yeux [d’Emmanuel Macron] la meilleure option pour mener la bataille du 9 juin. Face à des têtes de liste issues de la nouvelle génération (Jordan Bardella, Raphaël Glucksmann, François-Xavier Bellamy, Marion Maréchal), Jean-Yves Le Drian incarnait l’expérience. C’était aussi un Breton. Or la Bretagne sera l’une des clés du scrutin. Dans ce qui était jusqu’à présent une zone de force, la Macronie est menacée de pertes sur son flanc gauche. Depuis des semaines, le chef de l’Etat porte sur elle une attention particulière. Avant Noël lors d’un Conseil des ministres, il avait alerté ses troupes : « En Bretagne et dans les Hauts-de-France, on joue gros. Il y  eu de très importants sinistres dus aux intempéries ces dernières semaines. Si nous sommes nuls sur les réparations et les indemnisations, on le paiera cash aux européennes. » (La Tribune Dimanche, 25 février 2024)

François Bayrou et Richard  Ferrand ont d’abord essayé de convaincre Le Drian de s’engager. « Mais face à eux, Jean-Yves Le Drian n’a rien voulu entendre. Lundi, c’est à Emmanuel Macron qu’il a dit non. A 76 ans, il lui a expliqué être trop âgé pour un tel combat. Retiré de la vue politique depuis deux ans, il lui a également assuré craindre de ne plus être suffisamment affûté sur tous les sujets. L’ancien locataire du Quai d’Orsay a néanmoins accepté de jouer un rôle de premier plan dans la campagne. » (La Tribune Dimanche, 25 février 2024)

Acte 3 – On apprend que Le Drian préside le comité de soutien à la liste Besoin d’Europe de Valérie Hayer (Renaissance) ; il explique : « Je mets mon nom, mon histoire, mes convictions au service de Besoin d’Europe. La liste menée par Valérie Hayer pourra s’appuyer sur ce comité qui a pour vocation de rassembler des personnalités politiques, universitaires, associatives… Elles se réuniront  pour la première fois, dans une quinzaine de jours. Ce comité national donnera, ensuite, naissance à quatorze comités régionaux. » (Ouest-France, lundi 22 avril 2024)

Un ministre qui savait faire campagne

Difficile d’être et d’avoir été. On se souvient de la grande époque où Le Drian cumulait, il était à la fois à la fois ministre de la Défense nationale et président du conseil régional de Bretagne lorsque le président de la République s’appelait François Hollande ; pour lui, les élections régionales n’étaient qu’une simple formalité, il pouvait gagner tranquillement  sans faire campagne. Tout en se payant le luxe de refuser de prendre sur sa liste les écolos que ce soit au premier ou au second tour. En décembre 2015, sa liste « Pour la Bretagne avec Jean-Yves Le Drian » obtenait 34,92 % des suffrages le 6 et 51,41 % le 13. Ce qui donnait  53 sièges à la liste Le Drian (PS-PRG), 18 sièges à la liste de Marc Le Fur (LR-UDI-Modem, 29,72 % au second tour) et 12 sièges à la liste de Gilles Pennelle (Front national, 18,87 % au second tour). « Pour en arriver là, il a aussi bénéficié d’un bon report de voix des autres listes de gauche qui n’avaient pas franchi la barre des 10 % pour se qualifier au second tour : celle d’Europe -Les Verts et la liste régionaliste de Christian Troadec, le maire de Carhaix. Sans compter le renfort d’abstentionnistes du premier tour. Sa campagne impossible à mener sur le terrain breton, après les attentats de Paris, ne lui a pas porté préjudice. » (Ouest France, lundi 14 décembre 2015). Notons tout de même qu’une carte postale appelant à voter pour Le Drian était distribuée par le facteur dans les boîtes à lettres… En guise de journal électoral, c’était le minimum…

A-t-on affaire à un « comité Théodule » (expression du général de Gaulle) ?  

Manifestement, à cette époque-là, Le Drian additionnait notoriété et popularité, on peut même dire qu’il incarnait la Bretagne dans les lieux de pouvoir – ce qui fut le cas autrefois de René Pleven, président du Célib et ministre permanent (par exemple de la Défense nationale au moment du désastre de Diên Biên Phu). Mais, depuis 2021, il n’est plus le patron de la Région. En 2017, Macron l’a muté aux Affaires étrangères, ce qui ne renforce pas la présence sur le terrain breton. Quand on est ministre de la Défense nationale, la Marine nationale, l’Armée de terre et la gendarmerie offrent de multiples occasions pour venir en Bretagne visiter un établissement, inaugurer un autre, remettre une décoration à un notable civil ou militaire… Avec les retombées médiatiques qui vont avec (Télé Bretagne, Radio Breizh Izel, Radio Armorique, Ouest-France, Le Télégramme…) Si bien que Le Drian continue à exister localement tout en étant basé à Paris. Et les Bretons sont contents car ils continuent à voir « Jean-Yves » à la télé et dans les quotidiens. D’où un incontestable poids politique et électoral. Mais, depuis deux ans, la retraite est totale et ce n’est pas en bricolant avec Breizh Lab que Le Drian va redevenir le grand patron qu’il a été. 

Que faut-il entendre par « la liste menée par Valérie Hayer pourra s’appuyer sur ce comité » ? Verra-t-on Le Drian prendre la parole dans les meetings pour expliquer que « jamais l’Europe n’a été aussi nécessaire » ? Verra-t-on Le Drian accompagner Hayer sur les marchés pour serrer des paluches ? Verra-t-on Le Drian caresser le cul des vaches dans des fermes ? L’objectif étant de fabriquer de « belles » images pour les médias. Le plus facile pour lui demeurant  la Bretagne où il dispose d’un solide réseau de copains qui ne demandent qu’à lui rendre service et qui l’aideront à remplir les salles (en particulier à Lorient). Pour autant, il devrait se méfier car les sondages portant sur les intentions de vote pour ces européennes ne sont pas favorables à la liste de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Horizons, Parti radical, UDI). Pascal Perrineau, ancien professeur à Sciences-Po, le souligne : « Dans le sondage Euro-Rolling Ifop réalisé du 18 au 22 avril, avec 17 %  des intentions de vote, la liste de la majorité présidentielle est à plus de quatorze  points derrière la liste du Rassemblement national (31,5 %). » Et de rappeler « qu’aux dernières élections européennes de juin 2019, la liste de la majorité avait fait presque jeu égal avec la liste du Rassemblement national : 22,4 % des suffrages exprimés contre 23,3 % soit environ 200 000 voix d’écart. » (Le Figaro, mercredi 24 avril 2024). Mais ce n’est pas tout ; pour Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’Ifop, le choix des électeurs est en train de se figer : « on est déjà sur un début de cristallisation. Surtout quand le RN est estimé entre 29 % et 32 %, et qu’il est solide dans toutes les catégories de la population. » (Le Figaro, mardi 23 avril 2024) Au soir du 9 juin, dans ces conditions, un coup de tonnerre  n’est pas à exclure : en Bretagne, chez Le Drian, la liste du RN (Jordan Bardella) pourrait devancer la liste Hayer (Macron & Co). Jean-Yves Le Drian serait alors ridiculisé. Question : qu’est-ce que Le Drian est allé faire dans cette galère ?

Jean-Yves au boulot, vite fait bien fait !

Il faut que Le Drian retrousse ses manches de toute urgence ; l’Elysée compte sur lui. En effet les courbes pourraient se croiser prochainement, la liste de Glucksmann rattrapant, voire dépassant, celle de Valérie Hayer. « D’autant que Raphaël Glucksmann a trois sources électorales : il puise chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, chez les électeurs de Yannick Jadot, qui ne se retrouvent pas dans la candidature de Marie Toussaint, et chez les électeurs d’Emmanuel Macron », souligne Frédéric Dabi, directeur général opinion de l’Ifop (Le Figaro, samedi 27-dimanche 28 avril 2024). Les intentions de vote se passent de tout commentaire : 31,5 % pour la liste RN (Jordan Bardella), 16,5 % pour celle de la majorité présidentielle (Valérie Hayer), 14 % pour celle du Parti socialiste (Raphaël Glucksmann), 8 % pour celle des Républicains (François-Xavier Bellamy), 8 % pour celle des Ecologistes (Marie Toussaint), 7,5 % pour celle de la France insoumise (Manon Aubry), 5,5 % pour celle de Reconquête ! (Marion Maréchal), 2 % pour celle du PCF (Léon Deffontaines), 1,5 % pour celle du Parti animaliste, 1 % pour celle de l’Ecologie au centre, et 5,5 % pour les autres listes (Ifop-Fiducial, Le Figaro, samedi 27 avril-dimanche 28 avril 2024). Une mission historique pour Le Drian : sauver la macronie !

Bernard Morvan

Crédit photo : Wikimedia (cc)
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8 réponses à “Elections européennes : Jean-Yves Le Drian prend le risque d’être ridiculisé”

  1. gautier dit :

    Faut il rappeler les vieux soixante-huitards? la France serait elle à court d’idées? d’ une manière ou d’une autre, on est toujours vendu et à la ramasse de l’Amérique en premier, puis revendu à Davos par nos dirigeants!!! à qui faire confiance, Macron à la Sorbonne dit certaines choses intéressantes pour nos oreilles, et derrière fait tout le contraire !! ras le bol de tous ces traites à la patrie !! Maron prépare 2000 soldats de la légion pour Odessa, Ukraine, avec l’accord de qui ! que fait l’armée ?!?! et nous tous que fait t’on !! on reste comme des cons !!

  2. Pschitt dit :

    La formule de M. Le Drian, « Je mets mon nom, mon histoire, mes convictions au service de Besoin d’Europe » dénote un engagement moral plutôt qu’une présence matérielle sur le terrain. A 77 ans, habitué à des campagnes tranquilles, il n’a peut-être pas envie d’assurer l’effort physique d’une campagne électorale nationale. De toute façon, il reste bien peu de temps !

  3. gaudete dit :

    Gluksman Hayer et LFI même combat réduire la France en cendres. Alors les bretons réveillez-vous plus de ces charlots en France

  4. Coulouma Henri dit :

    Une seule conclusion s’impose : le 09 juin, les Français doivent voter massivement pour Reconquête afin d’éradiquer tous les parasites accrochés à leur fauteuil comme des tiques, éradiquer tous ces parasites qui s’empiffrent à la bonne gamelle et nous mentent tous les jours comme des arracheurs de dents.

  5. voronine dit :

    le DRIAN a déjà fait assez de mal comme ça …Il doit arreter et se préparer au Départ

  6. Bran ruz dit :

    Mettons le godillot centro-gauchiasse Le Drian à l’ehpad politique , le 9 juin nous avons la possibilité de mettre une énorme claque a cet europeiste , et à ces copains macronistes . Il est lui aussi un collabo de la commission européenne dont le projet est une immigration de masse , au profit de notre effacement civilisationnel.

  7. NEVEU RAYMOND dit :

    Ancien élève du lycée La Tour d’Auvergne de QUIMPER comme Kerguelen, Saint Alouarn et autres il pourrait faire une liste avec un autre Frère Trois Points…Pétriat…En ce qui concerne Reconquête du jour où la liaison de Zemmour a été connue…il a fait naufrage!!! C’est tout!

  8. Henri dit :

    Le Drian ? C’est qui ?

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