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Marius-Fanny-César, la trilogie de Marcel Pagnol en bande dessinée.

Toutes les œuvres de Marcel Pagnol vont sortir en bande dessinée. L’adaptation de la trilogie Marius-Fanny-César est une grande réussite.

Tout au long de sa carrière de dramaturge, de cinéaste puis d’écrivain, Marcel Pagnol (1895-1974) a célébré sa terre provençale. Il a réalisé plusieurs chefs d’œuvre du théâtre (Topaze, Marius, Fanny, César…), du cinéma (Regain, La Fille du puisatier, La femme du boulanger…) et de la littérature (La Gloire de mon père, Jean de Florette…).

Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel Pagnol, entretient sa mémoire. Après édité en DVD ses films, persuadé que son grand-père aurait lui-même aimé adapter ses œuvres en bande dessinée, il est à l’origine de cette nouvelle collection. Mais on se souvient qu’en juin dernier, le maire de Marseille avait décidé de ne pas renouveler la délégation de service public confiée à l’association culturelle de Nicolas Pagnol pour l’exploitation du château de la Buzine, ancienne propriété de Marcel Pagnol, afin d’en faire bénéficier une association ouvrière gérant des centres sociaux…

Toutes les œuvres de Marcel Pagnol vont ainsi sortir en bande dessinée, dans un projet s’étirant sur une quinzaine d’années. Chaque album est scénarisé par Serge Scotto et Eric Stoffel, lesquels restituent à merveille l’esprit des œuvres de Pagnol. Le marseillais Serge Scotto est l’un des descendants du musicien Vincent Scotto, qui avait composé les musiques des films de Marcel Pagnol. Eric Stoffel, également né à Marseille, a récemment réalisé plusieurs scenarios de bandes dessinées historiques pour les éditions Plein Vent (Justes parmi les nations, Ligne Maginot…). On retrouve la saveur de ses dialogues, la truculence de ses personnages et la richesse de la culture provençale. Au dessin, plusieurs auteurs se succèdent. La mise en couleurs, toujours lumineuse, restitue le soleil de la Provence.

Pierre angulaire de l’œuvre de Marcel Pagnol, l’adaptation de la trilogie marseillaise en bande dessinée est une réussite. Grâce à son adaptation au cinéma, l’histoire est bien connue.

En 1930, à Marseille, sur le vieux port, Marius, fils du cafetier César, patron du Bar de la marine, entretient une idylle avec la belle Fanny. Mais il n’a qu’un rêve : prendre la mer et découvrir le monde. Le vieux Panisse, veuf de trois mois, demande alors Fanny en mariage. Pour rendre Marius jaloux, Fanny se laisse courtiser par Panisse. Courroucé, le jeune homme se dispute fortement avec Panisse. Il révèle à Fanny qu’il ne pense qu’à embarquer sur un navire pour partir vers des pays lointains. Fanny, qui comprend que Marius ne pourrait être heureux sans avoir bourlingué sur les mers, lui fait croire qu’elle préférait vivre avec Panisse, en raison d’une vie bourgeoise. Face à cet « aveux », Marius n’hésite plus à prendre la mer…

César, le père de Marius, apprend la décision de son fils alors que celui-ci a déjà embarqué. Il scrute le passage du facteur avec le secret espoir de recevoir une lettre de son fils. Lorsque César reçoit enfin une lettre, Fanny est peinée que Marius ne lui adresse qu’un simple bonjour. Elle se retrouve seule, éloignée de celui qu’elle aime, et apprend alors qu’elle est enceinte. Devenir « fille-mère » n’étant pas concevable, Honorine incite sa fille à accepter d’épouser Panisse. Celui est ravi d’apprendre que Fanny est enceinte, lui demandant seulement de faire passer ce futur enfant pour son propre fils…

Les scénaristes Serge Scotto et Eric Stoffel conservent le ton provençal que maniait Pagnol. On retrouve le subtil mélange de drame et de burlesque. Dans Marius, la fameuse partie de manille, avec la réplique « Tu me fends le cœur », est le moment fort de la bande dessinée, comme du film. Dans Fanny, le moment drolatique résulte de l’attente et de l’arrivée de la lettre.

Pour Marius, le superbe dessin semi-caricatural du vannetais Sébastien Morice, déjà auteur du remarqué Facteur pour femmes, restitue avec justesse l’ambiance provençale. Sa mise en couleur est lumineuse.

Pour Fanny, le dessin d’Amélie Causse est tout aussi agréable. Agée seulement de 24 ans, elle réalise ainsi sa troisième bande dessinée, après Kleos et La commode aux tiroirs de couleurs. Comme dans ses albums antérieurs, on retrouve son trait fin, doux, sous des couleurs chaudes qui révèlent la lumière de la Méditerranée.

Il reste à attendre le dernier volet consacré à César, dessiné par Victor Lepointe et annoncé pour mai.

On apprécie pareillement l’adaptation des Souvenirs d’enfance, série de quatre romans autobiographiques de Pagnol : La Gloire de mon Père (1957), Le Château de ma mère (1957), Le Temps des secrets (1960) et Le Temps des amours (1977). Il y décrit son admiration pour son père, instituteur anticlérical, surtout lorsque celui-ci s’improvise chasseur de bartavelles au pied du massif de Garlaban. On redécouvre les thèmes du roman : l’amour pour un père, le combat entre la laïcité et la religion catholique, l’apprentissage de la vie par un jeune provençal… Le dessin semi-réaliste de Morgann Tanco, en rendant les personnages vivants et attachants, renforce l’humour du récit.

Dans Jean de Florette (1963), Pagnol s’éloigne de l’esprit nostalgique des Souvenirs d’enfance. Il révèle, non sans humour, la mesquinerie de l’âme humaine. Dans un petit village de Haute Provence, César Soubeyran, dit le Papet, et son neveu et filleul Ugolin, célibataire endurci, convoitent un terrain, où coule une source, pour y cultiver des œillets. Ils provoquent la mort de son propriétaire, Pique-Bouffigue, et décident de boucher discrètement la source. Ils espèrent ainsi racheter à un prix modique cette propriété. Mais l’héritier, Jean de Florette, un bossu de la ville, idéaliste et naïf, vient s’y installer avec sa femme et sa fille. Hypocritement, Ugolin va nouer une relation amicale avec lui pour mieux faire main-basse sur sa ferme… Le dessin semi-réaliste d’Alexandre Tefenkgi et de Christelle Galland, pour la suite Manon des Sources, convient bien à ce récit dramatique.

Les pièces de théâtre comiques peuvent aisément être adaptées en bande dessinée. Prenons l’exemple de Topaze (1928). Instituteur un peu naïf, Topaze est d’une très grande honnêteté. Mais pour avoir refusé de truquer les notes du fils d’une baronne, sa moralité le conduit à se faire licencier. Désormais sans emploi, Topaze donne des cours particuliers au neveu de la maîtresse d’un conseiller municipal véreux qui détourne des fonds publics. Progressivement, grisé par l’argent et le pouvoir, Topaze va transgresser ses principes moraux… Tout en dénonçant l’affairisme, ce scenario révèle qu’il est parfois bien difficile de conserver sa droiture morale. Le dessin semi-réaliste et caricatural d’Eric Hübsch accentue les personnalités des protagonistes. Également réalisé par ce dessinateur, Cigalon bénéficie des mêmes qualités. Mais pour Le Schpountz, le dessin semi-réaliste d’Efix, trop caricatural, tranche avec les autres tomes de la série. D’autres œuvres moins connues, Merlusse et Jazz, méritent d’être découvertes en bande dessinée.

Cette série offre également plusieurs curiosités, dont certaines sont tirées du Temps des amours, quatrième volet des Souvenirs d’enfance. Dans la première, intitulée La partie de boules, le père de Marcel Pagnol va défendre les couleurs de son village lors d’un mémorable tournoi de pétanque. Ce récit restitue l’intensité émotionnelle et le suspense du roman. Le dessin d’Eric Hübsch est particulièrement plaisant avec son trait semi-réaliste très expressif. La seconde offre une fin au roman posthume inachevé de Marcel Pagnol : Les Pestiférés. En 1720, à Marseille, trois cadavres sont retrouvés aux portes de la ville. Pour échapper à l’épidémie de peste, Maître Pancrace, médecin, va fermer son quartier bourgeois, sur les hauteurs de Marseille, loin du Vieux Port. Jonglant humour et drame, c’est Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’écrivain, qui révèle cette conclusion. Par un dessin spontané très gras, Samuel Wambre parvient à reconstituer Marseille au début du XVIIIème siècle.

Autre curiosité : La prière aux étoiles. En 1941, les allemands pressent Pagnol de tourner des films de propagande. Refusant, celui-ci vend ses studios et détruit les bobines du film. La prière aux étoiles ne verra donc jamais le jour au cinéma. Mais ce récit sort aujourd’hui en bande dessinée. Florence, une charmante actrice de cinéma libre et désinvolte, fréquente Dominique, le fils d’un riche industriel. Ce dernier souhaite qu’elle mette un terme à sa carrière cinématographique avant qu’ils se marient. Florence s’obstine à vouloir jouer la comédie et décide de quitter Dominique. Chaque soir, Florence adresse une prière aux étoiles, caressant l’espoir de faire une rencontre amoureuse. Elle fait alors la rencontre de Pierre, un musicien désenchanté. Ensemble, les amants fuient la capitale pour vivre leurs amours sur le petit port de pêche de Cassis. Le dessin réaliste d’Iñaki Holgado est dans la droite ligne de cette prestigieuse collection.

Marius, 104 pages, 19,90 euros. Fanny, 96 pages, 19,90 euros. César, 96 pages, 19,90 euros. Collection Marcel Pagnol. Editions Bamboo, Grand Angle.

Kristol Séhec.

Crédit photo : DR
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5 réponses à “Marius-Fanny-César, la trilogie de Marcel Pagnol en bande dessinée.”

  1. Michèle dit :

    Très bien pour la BD qui fera découvrir Pagnol mais rien ne vaut la lecture de ses romans à notre époque où les jeunes passent leur temps devant les écrans.

  2. Hadrien Lemur dit :

    Quelle bonne idée cette trilogie en BD. Un excellent choix de cadeau.

  3. Gaï de ROPRAZ dit :

    B R A V O !!!

    Et au moins, on est entre-nous : C’est bien Francais, sans le moindre basané ou enrubanné aux alentours pour nous emmerder !…

  4. Cépasbien dit :

    C’est une BD raciste car la biodiversité n’est pas représentée.

  5. Marc-François de RANCON dit :

    Quelle terrible déception ! D’habitude les critiques de « Kristol Séhec » sont pertinentes, érudites, documentées. Et basées sur le bon goût, tant des scénarions que des graphismes. Au point que souvent ses papiers ont déclenché chez moi un achat, et pas seulement par curiosité. Patatras… Dans le cas du massacre de Pagnol par ces minables BD commerciales et racoleuses, KS est passé complètement à côté de la plaque. Comme il ne peut pas avoir soudainement perdu sa vista, sans doute il y a d’autres raisons. L’esprit de Marcel Pagnol, tout en rondeur, en finesse et en réalisme, est ravagé dans ces BD. Qui ne sont que des caricatures pour coller aux images convenues du Sud colportées par les Parisiens et autres gens de la moitié Nord de la France. Traits des visages anguleux, expressiosn exagérées, poncifs, etc. Une misère. J’espère que ces croquis grotesques, ainsi que le choix souvent consternant des scènes représentées, ne dissuaderont pas les lecteurs, en particulier les jeunes, de se saisir des chefs-d’oeuvre de Pagnol dans leur version originale, sans illustrations : la merveilleuse prose de Pagnol est évocatrice de visages, d’expressions et d’humanité de façon beaucoup plus visuelle que ces BD tartes à la crème infantilisantes et réductionnistes.

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