Les Tueurs fous du Brabant. Entretien avec Michel Leurquin

Entre 1982 et 1985, des crimes d’une violence inouïe sont commis en Belgique et dans le Nord de la France. Vingt-huit personnes, hommes, femmes et enfants sont abattus dans une série de hold-up et de cambriolages. Tués par des assassins jamais identifiés : les tueurs du Brabant, du nom de cette province belge où eurent lieu leurs pires méfaits. D’innombrables pistes sont envisagées, des ressources financières et humaines sont déployées au fil des ans mais, malgré une prime de deux cent cinquante mille euros qui serait attribuée à quiconque permettrait leur identification, rien n’y fait.

L’affaire des tueries du Brabant reste un mystère qui hante notre inconscient collectif. Cette enquête parue chez la Manufacture de Livres, et écrite par Michel Leurquin et Patricia Finné, fait le point sur l’un des plus grands et énigmatiques cold case de la fin du XXème siècle.

Patricia Finné est la fille de Léon Finné, victime des Tueurs fous du Brabant, abattu le 27 septembre 1985. Partie civile, elle s’est beaucoup investie dans la recherche de la vérité en menant ses propres investigations.

Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

Michel Leurquin : Je suis instituteur de formation et j’ai beaucoup travaillé avec des élèves primo-arrivants c’est-à-dire ne maitrisant pas la langue française. Les derniers en date étaient ukrainiens. Je suis de nationalité belge et je suis passionné par beaucoup de choses dont la criminologie et plus précisément les affaires criminelles non-élucidées ou celles dont le mystère demeure. Je connais très bien l’affaire Seznec par exemple. J’ai également écrit un livre sur le meurtre jamais élucidé d’une jeune fille à Bruxelles en 1984 (le meurtre de la champignonnière) puis un livre critique sur certains prétendus mystères de l’Histoire (Pour en finir avec les Mythes de l’Histoire) et ensuite un livre sceptique sur les phénomènes paranormaux (Pour en finir avec le paranormal). Je suis également le créateur-administrateur-modérateur d’un forum sur les tueries du Brabant et d’un groupe Facebook sur le même sujet et un autre sur le meurtre de la champignonnière. Et j’adore la Bretagne !

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a initialement attiré dans l’affaire des tueurs du Brabant, et pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur ce sujet ?

Michel Leurquin : Né en 1970, je ne me rappelle absolument pas des faits de 1982-1983. Par contre en 1985, j’avais pris l’habitude d’acheter chaque jour un quotidien pour suivre notamment les résultats sportifs. Je me souviens très bien du titre de la presse du 28 septembre 1985 : huit morts dans une double attaque de supermarchés. Je pense être resté prostré dans la rue quelques minutes à lire l’article. Mais comment une telle chose pouvait se passer ? J’ai ensuite suivi avec intérêt les journaux télévisés et collectionné avec précaution les articles de presse. Depuis lors, je pense avoir tout lu (livres, commissions d’enquêtes parlementaires, presse,…) et tout vu (émissions, reportages). Les tueurs fous du Brabant wallon comme ils furent appelés au début sont devenus une fascination voire une obsession au fil des années. Les termes peuvent être choquants mais je ne sais pas quels autres employer. Qui était donc cette bande ayant assassiné 28 personnes dont des femmes et des enfants à coup de fusils à pompe ? Quelles étaient leurs motivations ? Qui étaient les commanditaires ? Quel genre d’hommes pouvait commettre de tels actes ? J’ai voulu écrire la première version de mon livre sur les tueurs fous car il existait assez peu de littérature et que le dernier livre en date écrit par un journaliste flamand mais traduit en français était très orienté et incompréhensible pour un néophyte. Je me suis lancé dans l’écriture d’un livre purement factuel : les faits, les pistes, les rebondissements sans jamais favoriser une piste. Madame Finné dont le père a été abattu sur le parking d’un supermarché d’un tir de fusil à pompe a accepté d’en faire une postface. Il m’a semblé utile de proposer à la Manufacture du Livre une nouvelle version avec les rebondissements les plus récents mais qui ne mènent à rien. Le lecteur, surtout ceux qui ne connaissent pas l’affaire, auront ainsi le loisir de connaitre ce dossier tentaculaire et très mal connu en France.

Breizh-info.com : Pouvez-vous nous parler du processus de recherche et de documentation que vous avez suivi pour compiler les informations présentées dans votre livre ?

Michel Leurquin : Comme dit plus haut, j’ai récolté tous les articles parus depuis 1985 et j’ai cherché en bibliothèque ceux d’avant cette date. Le premier livre sur l’affaire écrit par les Journalistes Pol Ponsaer et Gilbert Dupont reste le livre de référence sur l’affaire. La lecture des rapports des deux commissions d’enquête est assez rude mais apporte des éléments peu connus. Rares sont ceux qui ont pris la peine ces deux rapports très volumineux. Avec le début d’internet, il y avait vraiment peu d’informations sur le sujet. J’ai donc créé un forum de discussion en 2005 qui continue à exister .Des rencontres avec divers protagonistes ont été organisées avec parfois la sensation à la fois malsaine et bizarre d’être en présence des auteurs… J’ai également lu tous les livres sur le sujet y compris les romans basés sur l’affaire. Je pense donc ne pas commettre d’erreurs factuelles dans mon livre car tous les éléments écrits proviennent de sources précises. J’ai également rencontré des suspects sans jamais savoir s’ils étaient impliqués ou pas.

En presque 40 ans maintenant, je ne crois pas pouvoir apprendre de nouvelles choses sauf le nom des auteurs…

Breizh-info.com : Selon vous, quelles sont les raisons pour lesquelles cette affaire est restée non résolue après tant d’années ?

Michel Leurquin : Les raisons sont multiples. Au début des années 80, la Belgique connait une instabilité politique importante avec pas moins de neuf gouvernements Martens (du nom de l’inamovible premier Ministre Wilfried Martens) entre 1979 et 1992. La Belgique étant une particratie dominée pour trois courants : les libéraux, les démocrates-chrétiens et les socialistes. Chacune de ses familles était composée d’un parti flamand et de son pendant francophone. Le parti le plus puissant étant les chrétiens démocrates flamands du CVP réels faiseurs de rois. C’est eux qui choisissaient les coalitions (la Belges votant à la proportionnelle) : une fois au centre droit avec les libéraux, une autre fois au centre gauche avec les socialistes. Il n’existait pas de partis d’extrême droite ou d’extrême gauche avec des élus, les écologistes étaient très minoritaires encore et le parti nationaliste flamand Volksunie était rarement appelé à la table des négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral). Le gouvernement tombait parfois pour les inévitables querelles linguistiques dont les Belges ont le secret. Mais une fois appelé aux urnes, la population lassée choisissait les mêmes. Cette instabilité politique était doublée d’une autre spécialité locale : la lasagne institutionnelle. Trop de niveaux de pouvoirs avec outre l’Etat fédéral, les Communautés, les Régions, les Provinces et les Communes. Plus personne ne sachant vraiment qui devait faire quoi et décider quoi.

Les années 80 furent marquées par les années de plomb : les tueries du Brabant, les attentats des Cellules Communistes Combattantes (alliées d’Action directe), le vol d’armes de la caserne de Vielsalm, la spectaculaire progression du grand banditisme, la violence des bandes urbaines ou encore le drame du Heysel lors de la finale de la coupe des Champions opposant la Juventus à Liverpool (39 morts). Le pouvoir politique se montra totalement impuissant à contrer ces actes de violence et deux hommes en particulier furent pointés du doigt par une presse déchainée : le ministre libéral francophone de la Justice Jean Gol et le démocrate-chrétien Charles-Ferdinand Notom titulaire du portefeuille de Ministre de l’Intérieur. Les fonctions régaliennes de toutes évidences ne fonctionnant plus. Leur démission fut souvent demandée par les partis flamands mais aucun n’aura le courage politique de le faire.

Durant ces terribles années, le pays devait faire face à une crise économique importante et chaque année le conclave budgétaire cherchait des milliards de francs belges à économiser dans tous les secteurs. La Justice sera toujours le parent pauvre. Les magistrats croulaient sous les dossiers, le temps d’attente pour un procès pouvait atteindre des années, les palais de Justice tombaient en ruine, la démotivation des juges et des justiciables dépassaient l’entendement. La collaboration entre les différents arrondissements judiciaires n’était pas optimale pour des raisons de langues notamment. Le terreau était fertile donc pour qu’une nouvelle forme de criminalité grave comme les tueries du Brabant s’installe.

Les forces de l’ordre aussi agissaient en ordre dispersé. La guerre des polices était un phénomène connu. Il existait la gendarmerie (et son service judiciaire la BSR), la police judiciaire, les polices communales et aussi la Sûreté de l’Etat qui aimait se mêler de certaines affaires sensibles. On a largement sous-estimé cette guerre surtout dans le dossier des tueurs du Brabant. A chaque attaque, le juge d’instruction devant traiter l’affaire choisissait pour enquêter les gendarmes de la Brigade spéciale de recherches ou les hommes et femmes de la police judiciaire. Un fameux imbroglio quand les faits furent reliés entre-eux et que les deux services gardaient pour eux des informations afin de récolter la gloire d’une arrestation. Les juges nommés en Belgique sur des critères politiques refusaient parfois de collaborer aussi. Finalement les autorités finirent par remettre tous les dossiers au parquet de Nivelles dirigé par le décrié procureur Jean Deprêtre qui voyait dans les tueurs des « prédateurs » alors que des enquêteurs penchait pour du terrorisme politique d’inspiration d’extrême-droite et de créer une cellule mixte d’enquête PJ-gendarmerie qui deviendra la Cellule Brabant wallon (CBW) encore en activité. Le Parquet de Nivelles fut dessaisi par la suite après avoir dissimulé un rapport balistique allemand favorable à des inculpés dans le tueries du Brabant. Le volumineux dossier passera au Parquet de Charleroi mais deux affaires étaient traitées par les magistrats flamands de Termonde qui firent une percée en inculpant une figure bien connue du grand banditisme. Pour montrer un des nombreux dysfonctionnements de la Justice, il me faut conter une anecdote qui vaut mille mots. Le Parquet de Charleroi demandait parfois copie de procès-verbaux en néerlandais à Termonde. Une fois reçus, les pv étaient traduits par des interprètes assermentés en français. Il s’est passé ensuite que les enquêteurs flamands ne retrouvant pas leurs originaux ont demandé en retour les copies à leurs homologues francophones qui ne mettaient plus la main dessus… Charleroi devait donc renvoyer les pv traduits en français à Termonde où ils devaient être à nouveau traduits par des traducteurs professionnels. Un vrai capharnaüm.

Deux Parquets, c’était un de trop aux yeux du Ministère de la Justice qui décida de tout centraliser à Charleroi au grand dam des Flamands… Après de déplorables épisodes de règlements de comptes entre magistrats et enquêteurs de Charleroi, il fut finalement décidé que Charleroi ardait la main mais que l’instruction sera désormais supervisée par une procureure du Parquet fédéral qui y placera ses chefs d’enquête ne connaissant rien au dossier.

Rajoutons y des faux témoignages, un manque de moyens matériels et humains, des probables manipulations, des pièces à conviction détruites par « erreur », de l’incompétence manifeste, des querelles d’égo et une peur panique d’ouvrir la boîte à Pandore et vous comprenez pourquoi cette enquête a échoué… A se demander parfois si cet échec ne fut finalement pas voulu, certains analystes estimant que la vérité pourrait faire éclater le pays si les tueries avaient été couvertes par le monde politique…

Breizh-info.com : Le livre explore-t-il des théories ou des pistes d’investigation qui n’ont pas été suffisamment examinées par les autorités ?

Michel Leurquin : Mon ouvrage n’a pas vocation à privilégier une piste plutôt qu’une autre, je ne veux pas influencer le lecteur. J’ai réalisé un tour d’horizon des différentes pistes (grand banditisme, ballets roses, racket, exécutions commanditées, Gladio, coup d’Etat par l’extrême-droite, renforcement du pouvoir de la gendarmerie, musculation et refinancement des forces de l’ordre,…). Aucune ne semble, seule, donner la solution et bizarrement aucune ne peut être refermée avec une absolue certitude. L’explication est peut-être à chercher dans une addition des différentes pistes avec divers objectifs et peut-être commis par des auteurs ne se connaissant pas mais ayant accès à un pot d’armes fourni par un cerveau diabolique. A titre personnel, je pense que deux pistes n’ont pas été investiguées suffisamment : le racket sur le groupe Delhaize comme l’a reconnu peu avant sa mort un agent des services de renseignements belges (même si la bande des tueurs fous a visé d’autres objectifs) et la piste française des frères Sliman des malfrats-proxénètes souvent vu en Belgique et originaires de Charleville-Mézières. Leur profil psychologique colle parfaitement et des éléments matériels mènent à eux comme l’a démontré un ancien gendarme dans un livre. Mais la CBW ne trouve pas cette piste intéressante et a même refusé des comparaisons d’ADN. Comprenne qui pourra. Cette dernière piste aboutira-t-elle ? C’est peu probable. Les deux hommes sont décédés ainsi que leur éventuel complice principal.

Breizh-info.com : Comment la prime de deux cent cinquante mille euros a-t-elle influencé les recherches et les tentatives de résolution de cette affaire ?

Michel Leurquin : En 1983, après l’assassinat d’un gérant de supermarché, les directions des entreprises et de rands magasins de Belgique promet une prime de 10 millions de francs belges (250 000 euros) à quiconque donnera une information permettant l’identification des auteurs. Une prime versée seulement en cas de condamnation. Finalement, c’est le groupe Delhaize qui prit en charge cette prime qui depuis 1983 n’a jamais été indexée ou augmentée. 10 millions de francs belges dans les années 80, c’était une belle somme. Avec 250 000 euros, il est même difficile actuellement d’acheter une maison correcte. Quelqu’un va risquer sa vie pour ce prix ? Peu probable. Mais au fil des années, des témoins se sont manifestés accusant à tort les uns ou les autres en espérant mettre la main sur cet arent. Ce genre d’affaires attire toujours menteurs, farfelus et mythomanes. Cette prime n’a jamais permis de faire avancer les choses mais il ne faut pas exclure qu’une personne vivant dans la précarité ou un des auteurs sur son lit de mort disent la vérité pour par exemple protéger financièrement sa famille. Il y a quelques années, un des inculpés de 1983 mais acquitté et qui était très malade reçu la visite de s enquêteurs qui lui firent cette proposition : la vérité et l’arrêt des poursuites car on vous sait mourant contre 250 000 euros pouvant bénéficier à vos ayant-droit. L’homme ferma sèchement la porte au nez de ses visiteurs après quelques secondes d’hésitations. Confronté ces dernières années à de grosses difficultés sociales dans un milieu très concurrentiel, il semble exclu que cette prime soit augmentée et c’est bien dommage. Mais cela reste un petit espoir tout comme les nouvelles techniques de recherches ADN.

Quel a été votre lien avec les familles des victimes ? Comment leurs témoignages ont-ils influencé votre perspective sur l’affaire ?

Michel Leurquin : Officiellement, la bande des tueurs fous du Brabant a tué 28 personnes dont des femmes et des enfants. Les victimes et leurs familles sont toujours les éternelles oubliées dans les procédures judiciaires. Aux fêtes de fin d’année ou lors des réunions de famille, il restera pour toujours une ou plusieurs chaises de libre. Il faut s’imaginer des gens qui se lèvent tranquillement le matin, vaquent à leurs occupations et puis ne rentrent pas le soir chez eux. Madame Finné dont le père a été assassiné en 1985 dans un supermarché a très bien raconté ce que les familles ont ressenti et ont dû subir durant des années. Ce n’est qu’après l’affaire Dutroux en 1996et la terrible émotion qui s’en est suivie que les familles ont commencé à être pris en charge. Un fonds d’aide aux victimes a été mis en place, les victimes ont été écoutées et prises en charge par des psychologues,… Mais durant les tueries, rien de tout cela. Apprendre le décès d’un proche dans une attaque brutale ou dans un acte de terrorisme est déjà très perturbant. Que dire de ceux qui ont vu leurs proches tués devant leurs yeux. Lors de la dernière attaque de la bande au Delhaize d’Alost le 9 novembre 1985, une femme dans sa voiture a vu son mari et sa petite fille de 9 ans fauchés par des décharges de riot-gun alors qu’elle aura le réflexe de se coucher dans le véhicule. Elle en restera traumatisée à vie. Que dire du jeune David Vandesteen, neuf ans, qui sortait du magasin avec ses parents et sa sœur Rebecca âgée de 14 ans. Devant eux se dressèrent les trois membres de la bande qui ouvrirent le feu en tuant les parents et la jeune fille. David aura le temps de courir et de rentrer dans le Delhaize se croyant à l’abri. Mais quand celui qui était le chef de la bande le vit tétanisé sur le sol intérieur, il tenta de l’achever. David fut sauvé in extremis et devra subir de nombreuses opérations et de longs mois d’hospitalisation pour aller vivre chez ses grands-parents. Un livre et un film très intéressants (ne tirez pas, c’est mon papa) ont été consacrés à sa vie. Malgré ses blessures qui le font encore souffrir et suite à une capacité unique de résilience, il est parvenu à mener une vie presque normale. Depuis toujours avec son grand-père et un avocat, il a fait le maximum pour trouver la vérité et mettre la pression sur la Justice. D’autres l’ont fait également avant d’abandonner tout espoir de vérité… A une période, le Parquet de Charleroi organisait une réunion annuelle avec les familles des victimes qui s’entendirent dire : « on travaille dur mais on ne sait rien ». De quoi susciter une grande frustration chez eux surtout que le ton des magistrats n’était pas toujours très respectueux. Il n’y a pas eu de réunions depuis des années. Les familles depuis une loi peuvent avoir accès au dossier et peuvent même avoir une copie sur DVD. Les familles modestes peuvent en avoir une gratuitement. Aux autres, on réclame 1500 euros ! Ces derniers peuvent alors tout au plus aller consulter le dossier papier d’un million de pages ( !!) au Parquet de Charleroi sans être autorisés à faire des photocopies ou de prendre des photos.

Au fil des années, j’ai rencontré ou communiqué avec des familles de victimes. Cela peut paraitre bizarre mais je n’ai jamais ressenti de la haine chez eux mais un besoin de vérité et de Justice et un agacement envers la Justice. C’est une leçon de vie. C’est pour eux aussi que je me suis très investi dans le dossier avec mes moyens : ils ont droit à la vérité à défaut de Justice.

Breizh-info.com : Dans votre livre, vous mentionnez l’utilisation de forums de discussion pour suivre l’affaire. Pouvez-vous expliquer comment ces forums ont contribué à votre recherche ?

Michel Leurquin : J’ai créé un forum de discussion sur cette affaire en qui depuis a attiré pas moins de 1760 membres et compte plus de 120 000 messages de nos jours. Cet outil un peu démodé a attiré des curieux, des passionnés de l’affaire mais aussi des familles de victimes, d’anciens enquêteurs et des suspects. Tout a été vraiment passé en revue (pistes, éléments matériels,…) et chacun ou presque a une opinion tranchées sur les auteurs. Mais ne dit-on pas que du coc des idées peut jaillir la vérité ? Certains éléments intéressants ont parfois été dévoilés par des inconnus cachés sous pseudonyme. Je ne peux l’affirmer avec certitude mais il est presque certain que les auteurs ont suivi les débats parfois enflammés. La cellule d’enquête a toujours suivi ce qui se disait. La modération d’un tel outil est parfois extrêmement compliqué car des gens viennent y semer le chaos et qu’il faut une certaine patience pour calmer les esprits… Le forum est devenu une source d’informations importante car on y trouve des documents, des liens, des photos, des interviews ou encore des rapports ou des procès-verbaux qui ont fuité… Il existe également un forum flamand www.bendevannijvel.com (la traduction est facile en utilisant Google chrome par exemple).

Un autre intérêt est que l’on ne peut se départir du sentiment que les auteurs n’ont pas raté une virgule de ce qui s’y disait…

Breizh-info.com : Quel impact pensez-vous que votre livre pourrait avoir sur la perception publique de cette affaire et sur les efforts continus pour résoudre le mystère ?

Michel Leurquin : Le but est avant tout de faire connaitre cette affaire à ceux qui la connaissent mal ou pas du tout. En Belgique, les moins de cinquante ans n’y connaissent rien à cet épisode tragique de leur histoire. Ce serait déjà une belle victoire surtout si les jeunes générations se poseront ces questions : que ferions-nous si de tels événements devaient se produire ? Quelle serait la réaction du monde politique ? Quelle serait la façon de se prémunir ? Que vaut l’institution judiciaire ? Quelle place et quels budgets pour la Justice ? Que faire contre les dysfonctionnements ? Où sont nos priorités ? Mais j’espère surtout que ce livre outre le fait d’ouvrir les yeux et les consciences permettra d’obtenir de nouveaux témoignages. Des gens quelque part savent. Ils doivent parler maintenant. C’est avec plaisir que je réponds à une publication française car l’enquête s’est pafois dirigée vers la France. La première attaque attribuée à la bande a eu lieu à Maubeuge en 1982. Des suspects importants ont appartenus au Service d’Action Civique (SAC) et la dernière piste mène vers Charleville. Vos lecteurs peuvent donc peut-être apporter du neuf.

Breizh-info.com : Enfin, pensez-vous qu’il existe encore une possibilité de résoudre les tueries du Brabant, et quel rôle la publication de nouveaux travaux comme le vôtre peut jouer dans ce processus ?

Michel Leurquin : Le problème dans ce dossier est la prescription. La loi sur la prescription a déjà été modifiée rien que pour ce dossier. La prescription était de vingt ans, elle est passée à quarante depuis 2005. Ce qui signifie que les auteurs doivent être condamnés avant le 9 novembre 2025 alors qu’il n’y a toujours pas d’inculpés… En 2020, le Parquet fédéral déclara avoir la certitude absolue de connaitre les auteurs et leurs objectifs et promettait un procès dans les trois ans. Mais le Covid est venu jouer les troubles fêtes et il est évidemment impossible d’espérer un procès et une condamnation d’ici 2025. Des discussions ont encore lieu au niveau politique. Certains plaident pour la disparition totale de la prescription comme la Suède l’a décidé après l’assassinat d’Olof Palme. Mais c’est loin de faire l’unanimité vu que certains pensent que la prescription est un moyen de ne pas surcharger la Justice et qu’il est inutile dans le dossier tueries d’encore juger des hommes qui sont devenus peut-être des gentils papas et de généreux papys gâteaux. Si le rallongement de la prescription en 2005 était une priorité pour les parties civiles, celles-ci sont lassées dorénavant et ne sont plus demandeurs. On leur a expliqué qu’avec la prescription les auteurs viendront se dénoncer sachant qu’ils ne risquent plus rien. Il n’existe pourtant aucun cas où des capables se dénonçaient une fois les faits prescrits. D’autres demandent que le dossier soit confié à des historiens mais feront-ils mieux qu’une dizaine de juges d’instruction et des centaines d’enquêteurs en 40 ans ? Le Parquet fédéral a dans une ultime tentative de faire changer la loi : si un suspects est inculpé, la prescription tombe automatiquement et laisse le temps d’organiser un procès. Ne dit-on pas que les cants désespérés sont les beaux?

Comme dit plus haut, j’espère que la lecture de ce livre poussera certaines personnes à témoigner soit via les réseaux sociaux https://tueriesdubrabant.1fr1.net/ ou https://www.facebook.com/groups/441233605295 ou via la cellule d’enquête www.killersbrabant.be

Je reste également à disposition via mon courriel privé : michel1511 (arobase)gmail.com

Propos recueillis par YV

 Crédit photo : DR

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