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Christian PINEAU, le ministre qui a sauvé les arméniens des griffes de l’URSS

29 mai 1956, Christian PINEAU, ministre des affaires étrangères achève un voyage en URSS. Sa dernière étape est Erevan, capitale de l’Arménie alors soviétique. A sa descente d’avion -et bravant le service d’ordre pour l’occasion dépassé- une foule est présente, brandissant des drapeaux français, entonnant des Marseillaise, exhibant passeport ou carte d’identité  française, des appels résonnent : « nous sommes français, sauvez nous, nous voulons rentrer chez nous…. »

Les officiels soviétiques tentent bien d’attirer le ministre hors de cette agitation vraiment pas prévue mais Christian PINEAU leur tient tête, veut savoir ce qui se passe et va à la rencontre de ces personnes.

Justement. Qui sont donc ces personnes se réclamant de France et implorant ainsi de l’aide dans cette petite république soviétique du Caucase ?

Pour le savoir il faut remonter environ 10 ans en arrière. La seconde guerre mondiale vient de s’achever, la France se reconstruit progressivement et laborieusement, en 1947 il y a encore des tickets de rationnement.

A l’est, en URSS, Staline a vu sa population se réduire considérablement suite à la guerre où l’URSS a payé un lourd tribu.

Il songe à comment repeupler son pays et il lui vient l’idée de faire venir des arméniens de la diaspora qui sont dans divers pays d’Europe et d’Amérique et qui ont fui le génocide turc.

Une propagande doit se mettre en place pour susciter cette immigration ; pour la porter Staline va utiliser 2 type de relais :

D’abord l’Eglise Arménienne. En effet si les arméniens sont chrétiens, leur Eglise de tutelle n’est pas celle du pape à Rome mais celle du Catholicos à Etchmiadzine, petite ville à 20km de la capitale Erevan. Notons que cette Eglise est plus ancienne encore que l’Eglise de Rome.

L’administration ecclésiastique sera donc fortement invitée à mettre son influence au service de cette cause.

Mais surtout un autre type de relais – et autrement plus puissant – va être utilisé : celui des partis communistes.

En France, au lendemain de la guerre, le parti communiste est extrêmement puissant, il dispose de plus d’adhérents que tous les autres partis réunis ; il est auréolée d’une image de libérateur vu ses faits d’armes dans la résistance. Et il a des relais dans tous les corps de la Société, dans toutes les communautés.

Et bien entendu dans la communauté arménienne.

La JAF, par exemple : jeunesse arménienne française , une association « culturelle » n’est qu’un faux nez du parti communiste. Une intense propagande va donc s’organiser pour « vendre » ce bout de territoire soviétique et donner envie de s’y implanter. Conférences, projections, débats etc…vont s’organiser et se succéder dans différents villes de France.

On joue sur la fibre patriotique, sur le retour à la mère patrie, laquelle espère- soi disant- le retour de ses enfants avec impatience. On présente un avenir radieux, le pays offrira un lopin de terre pour y construire sa maison. Les futurs immigrants sont présentés comme les bâtisseurs d’un monde nouveau et radieux.

En France, comme dans le reste de l’Europe les déportations, famines, exécutions et autres crimes staliniens sont méconnus. A priori le communisme fait certes un peu peur mais d’un autre côté l’URSS a largement contribué à la chute du régime nazi. Ces soviétiques ne sont donc pas si mauvais qu’on se l’imaginait ? C’est ce que finit par penser une partie de la population et le parti communiste contribue largement à cette « dédiabolisation », comme on dirait maintenant.

Parallèlement à cette propagande la vie sur le territoire français n’est pas bien reluisante : comme dit plus haut il y a encore des tickets de rationnement alimentaire. En fait on manque de tout.

Mais aussi et surtout bien des hommes réfugiés arméniens de France ont été incorporés sous les drapeaux et envoyés à la guerre sans avoir été naturalisés français.

Les plus malchanceux ont été tués. Certains ont été blessés, faits prisonnier mais à leur retour ils ne seront pas naturalisés français, pour autant ; en tous cas pas dans l’immédiat. Et c’est pour eux aussi bien une vexation qu’un ensemble de formalités contraignantes pour avoir des « papiers ».

Il y a là une rancœur à l’égard de la nation France qui, rajoutée à la propagande communiste et exploitée par celle-ci, pèsera dans la « décision » de beaucoup de futurs émigrants.

Certes une bonne partie de la diaspora arménienne n’est pas dupe de la propagande communiste et au sein des familles il y a souvent des conflits entre ceux qui veulent rejoindre cet eldorado évoqué et ceux qui ne voient là que mensonges et chimères. Les jeunes, en général ne sont pas enclins au départ. Mais, encore plus à cette époque, dans les familles arméniennes on respecte les aînés et on suivra le patriarche si celui-ci a décidé de partir.

Au final ce sont 5000 personnes qui vont partir.

Deux départs de bateaux à partir de Marseille vont être organisés.

La plupart de ces émigrants, contraints par l’urgence, ont vendu, donné, voire abandonné leur maison et la plupart de leurs biens.

Un chauffeur de taxi venu de Paris espérait emmener son auto, cela ne sera pas possible, il l’abandonnera à Marseille avec les clés dessus.

Ce qui est plus transportable pourra être rangé dans des caisses.

Beaucoup d’arméniens étaient artisans tailleur ou cordonnier ; ils emporteront ainsi leurs outils et matériaux. Des petits industriels emmèneront aussi leurs machines-outils soigneusement démontées.

Certains avaient prévu de construire leur maison là bas et avaient amené tout l’équipement nécessaire, jusqu’aux poignées de porte1.

Un premier paquebot le « Rossia » partira de Marseille le 6 septembre 1947 emportant 3600 personnes. Il a précédemment fait escale aux Etats Unis où il a embarqué 157 immigrants. La propagande communiste s’étant déversée là bas aussi.

Ce bateau est magnifique, d’un blanc immaculé, ultra moderne pour l’époque. Cela donne réellement l’impression d’un monde meilleur. La presse communiste régionale s’en félicite omettant -ou l’ignorant- que ce navire n’est pas de construction soviétique mais allemande ; il a été cédé à l’URSS à titre de dommages de guerre.

Un témoin raconte :

Il y avait une liesse et un enthousiasme indescriptible lors de ce départ. De la passerelle les passagers se raillaient avec humour de leur compatriotes restés sur le quai. On avait réellement envie de se joindre à cette épopée. Et d’ailleurs un couple étant venu en simple accompagnant tellement galvanisé par l’ambiance a embarqué sans préparation aucune.

Un 2ème navire, le « Podeba » partira le 23 décembre 1947.

A bord l’ambiance est gaie, toujours enthousiaste, il n’y a pas de contacts avec les marins soviétiques, uniquement avec les émissaires communistes. On sert du pain blanc, ce qui est un luxe incroyable.

Mais l’ambiance se dégrade une fois franchi le détroit des Dardanelles : le pain blanc est remplacé par un pain noir acide et spongieux ; une appréhension commence à se nouer chez les passagers.

Ils débarquent à BATOUM, pensant trouver un port comme celui de Marseille mais plus moderne encore : ce n’est qu’une bourgade crasseuse surveillée par des femmes portant baïonnette . On leur demande de jeter à la mer les quelques provisions qui restent et des gens aux alentours se pressent pour récupérer ces restes surnageant dans une eau huileuse.

De longues formalités de débarquement s’ensuivent, les autorités, dans un langage pas toujours compréhensible, fouillent tout, confisquent chaussures, vêtements. On réclame de remettre tous papiers d’identité français : permis de conduire, passeport, etc… En échange on ne donne qu’un modeste récépissé.

Quelques émigrants prévoyants avaient dissimulé leurs ces documents mais la plupart furent pris de court.

La désillusion est maintenant consommée.

S’ensuivront des années de misère, de peur. Hormis pour ceux qui ont retrouvé de la famille, la cohabitation avec la population locale ne sera pas heureuse : trop de différences dans les modes de vie passés.

Comme bien des résidents de l’Union Soviétique des « rapatriés » arméniens vont connaître aussi la déportation en Sibérie, Une grande rafle aura lieu dans la nuit du 12 au 13 juin 1949. Paradoxalement cet épisode ne sera pas aussi traumatisant qu’on aurait pu craindre. D’abord parce-que les familles n’ont pas été séparées et HOVIV, le célèbre dessinateur de Jours de France dans les années 1970-1990 (de son vrai nom René HOVIVIAN et qui a fait partie de cette cohorte) raconte : C’était beau ! C’était Idyllique!On était soulagés,Pendant 2 ans on a tremblé à l’idée d’être déportés en Sibérie . Là on y était et ça n’avait pas l’air si terrible. On n’avait plus peur du type qui viendrait frapper à la porte, au milieu de nuit, pour nous embarquer, C’était déjà fait.

6 mars 1953. On annonce la mort de Staline qui a eu lieu la veille au soir. Un immense espoir nait de cette nouvelle, certains sont persuadés qu’ils vont très vite rentrer en France. C’est là en fait le souhait de quasiment tous ces rapatriés.

Les hiérarques du Kremlin décrètent le 27 mars une première amnistie qui libérera la moitié des détenus du goulag. En quelques semaines la chape de terreur qui régnait sur le pays. Mais finalement rien n’évolue quant aux possibilités de libre circulation et encore moins de rapatriement vers la France.

15 mai 1956 : Guy Mollet, alors Président du Conseil et Christian Pineau atterrissent à Moscou pour faire connaissance avec les maitres du Kremlin . Guy Mollet repartira le 20 mais Christian Pineau restera encore quelques jours Et le 22 mai il atterrit à la capitale Erevan.

C’est en écoutant la radio, la veille, que la communauté arménienne de France apprend ce voyage et devient toute excitée. En quelques heures on coud des drapeaux tricolores, on repasse les costumes, on sort les belles robes et on se précipite à l’aéroport pour rencontrer le ministre.

Christian Pineau n’a pas été indifférent au sort de ces personnes rencontrées à l’aéroport et malgré la pression des officiels il les a entendus et a fait ensuite tout ce qui a été en son pouvoir pour les faire revenir en France.

Ces retours ne se feront pas aisément, l’URSS rechignant à voir ceux qu’elle considérait comme ses citoyens se répandre à l’étranger. Ils se seront étalés sur près de 20 ans mais au final tous ces arméniens français – du moins ceux encore en vie- auront pu revenir.

Et pour bon nombre d’entre eux Christian Pineau est un véritable messie.

Bernard BOYADJIAN

Crédit photo : DR

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Une réponse à “Christian PINEAU, le ministre qui a sauvé les arméniens des griffes de l’URSS”

  1. patphil dit :

    pauvres arméniens, sous le joug stalinien pendant des décennies et aujourd’hui attaqués par l’azerbaidjan qui semble déterminée à finir le génocide perpétré en 1915 par les turcs. malheureusement pour eux ils ont cru en la protection des usa qui n’a rien fait ni celle de l’ue qui préfère le gaz et le pétrole azéri

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