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A la découverte des Saints Bretons. Le 2 Mars c’est la Saint Jaoua

Nous vous proposons dans cette rubrique de découvrir l’histoire des Saints Bretons. Les saints bretons désignent des personnalités bretonnes vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d’un point de vue chrétien. Peu d’entre elles ont été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l’Église catholique (mise en place plusieurs siècles après leur mort), mais ont été désignées par le peuple, leur existence même n’étant pas toujours historiquement attestée. La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent en effet des ixe et xe siècles ou ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques, issus de traditions orales transmises aussi bien dans le vieux fond populaire que dans le milieu savant, dans leur intérêt (légitimation de la figure épiscopale, du bien-fondé d’une réforme d’une communauté monastique). Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l’aristocratie bretonne s’approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d’un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages.

Les historiens actuels éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L’historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l’hagiographie tels qu’ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d’autres Vies de saints dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d’un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d’expression ».

En 2022, environ 170 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, à la Vallée des Saints, en Carnoët.

Le 2 Mars c’est la Saint Jaoua

La vie de Saint Jaoua est surtout connue grâce à l’ouvrage d’Albert le Grand La vie des saints de la Bretagne Armorique dont l’un des chapitres est consacré au récit de sa vie.

Jaoua serait né dans les Îles Britanniques vers l’an 500 et serait venu en Armorique vers 520 en compagnie de Paul Aurélien et de treize autres compagnons, débarquant d’abord probablement à Ouessant, puis, sur le continent, à Kerber (dans l’actuelle commune de Lampaul-Ploudalmézeau ; il aurait ensuite fondé deux monastères, l’un minihy bihan (« petit monastère »), connu au Moyen Âge sous le nom de « monastère d’Ac’h » ou Ack) peut-être à Plouguerneau, l’autre minihy bras (« grand monastère ») serait devenu le centre paroissial de Plouyen Koz (« vieux Plouvien ») à l’emplacement de l’actuelle chapelle Saint-Jaoua.

« Selon les anciennes légendes, saint Jaoua était irlandais, oncle du prince Tinidore, père de saint Ténénan et serait, par sa mère, un neveu de Paul Aurélien. On l’envoya jeune encore en Angleterre où il fit d’excellentes études. Revenu chez son père, on le produisit dans le monde pour lui procurer un mariage avantageux ; mais, dominé par son penchant pour la vie religieuse, il s’enfuit de la maison paternelle et s’embarqua pour aller rejoindre son oncle saint Pol au monastère qu’il avait fondé depuis peu dans l’île d’Ouessant. Une tempête l’empêcha d’y aborder et le poussa dans la baie de Brest. Là, il mit pied à terre avec sa suite et fut accueilli par saint Judulus, abbé de Landévennec, auquel, après quelques mois de séjour, il demanda l’habit de novice dans son abbaye. »

Vers la fin de son noviciat, il se rendit en Léon près de son oncle Paul Aurélien, alors évêque de Léon, reçut la prêtrise et aurait été nommé curé de Brasparts dans les Monts d’Arrée où il aurait trouvé une population presque totalement idolâtre. Malgré son zèle, il eut beaucoup de mal à convertir les habitants. Dom Lobineau nous dit que Jaoua trouva à Brasparts « beaucoup de difficultez, à raison que les paroissiens, mal-instruits et peu catéchisez, se rendoient difficiles à gouverner: Jaoua, patient avec les uns, violent parfois avec les autres, les prêchait, les enseignait, les catéchisait, soucieux de les évangéliser, de leur montrer la voie du Seigneur ».

Le seigneur du Faou, un païen farouche, un jour que les supérieurs des monastères de Cornouaille étaient réunis dans l’église de Daoulas fit disperser les fidèles par ses troupes, enfonça la porte de l’église et tua de sa main saint Tadec qui était en train de célébrer la messe, massacrant aussi la plupart des autres moines présents. Saint Judulus, abbé de Landévennec fut rattrapé alors qu’il cherchait à regagner son monastère et le seigneur du Faou lui coupa la tête. Saint Jaoua eût le bonheur d’échapper à la tuerie.

« Dieu, dit la vieille chronique, ne tarda pas à punir ce chef sacrilège qui fut bientôt après possédé du démon, au point que ses serviteurs furent obligés de le lier. De plus un horrible dragon sortit de la mer et vint ravager ses domaines, dévorant hommes et bestiaux. Les principaux habitants reconnurent dans ces évènements l’effet de la vengeance divine et députèrent vers saint Pol pour le prier de faire cesser ces fléaux. Le saint prélat, touché du sort de ces païens, se rendit au Faou, où son neveu Jaoua vint le trouver. Là, il ordonna au dragon de comparaître devant lui sans faire de mal à personne. Le monstre obéit : saint Pol lui passa une étole autour du col et l’attache après son bourdon qu’il avait planté en terre. Le dragon demeura dans cette situation aussi paisiblement que si c’eût été un animal domestique. Frappés de ce miracle, tous les habitants du pays demandèrent le baptême et se convertirent à la foi chrétienne. Le seigneur du Faou(..), en expiation des meurtres de saint Judulus et saint Tadec fonda l’abbaye de Daoulas […]. Saint Jaoua fut nommé premier abbé de ce monastère. »

Saint Jaoua quitta alors sa cure de Brasparts, qu’il laissa à Tusrenaus (ou Tusveanus, connu désormais sous le nom de saint Tujan), petit-fils du seigneur du Faou. Il aurait été un temps à la tête du monastère de l’Île-de-Batz et aussi à la tête du monastère d’Ac’h (ou Ack) à Plouguerneau qui fut à l’origine de l’archidiaconé d’Ac’h au Haut Moyen Âge à Plouguerneau. Ayant ensuite rejoint Paul Aurélien, celui-ci lui abandonne sa charge d’Évêque de Léon. Il se serait rendu à Dol pour être consacré évêque par saint Samson12, mais cela est contesté par divers historiens, par exemple par Alexandre-Marie Thomas dans son annotation de l’ouvrage d’Albert Le Grand13.

« Peu après, la famine désola le canton de Brasparts. On pria saint Jaoua de s’y rendre pour faire cesser cette calamité par son intercession. Il y fut et le ciel, par sa prière, y ramena l’abondance, mais il y tomba malade et y mourut le . Avant d’expier, il ordonna que son corps fut mis sur un chariot attelé, et qu’on l’enterrât au lieu même où les chevaux qui le traînaient s’arrêteraient. Cette volonté fut exécutée. Les chevaux s’acheminèrent d’eux-mêmes vers le Léonais. Arrivés dans la paroisse de Plouvien, le chariot se brisa au lieu-dit Porz-ar-Chraz ; le corps du saint y fut inhumé, et l’église de Plouvien érigée sur la place même. »

Saint Jaoua est pour cette raison considéré comme le fondateur (peut-être post mortem ?) du noyau primitif de la paroisse de Guicuyon ou Guicyen, devenu au xviiie siècle Plouyen avant d’être écrit Plouvien à partir de 1790.

Crédit photo : DR

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