Nous vous proposons dans cette rubrique de découvrir l’histoire des Saints Bretons. Les saints bretons désignent des personnalités bretonnes vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d’un point de vue chrétien. Peu d’entre elles ont été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l’Église catholique (mise en place plusieurs siècles après leur mort), mais ont été désignées par le peuple, leur existence même n’étant pas toujours historiquement attestée. La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent en effet des ixe et xe siècles ou ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques, issus de traditions orales transmises aussi bien dans le vieux fond populaire que dans le milieu savant, dans leur intérêt (légitimation de la figure épiscopale, du bien-fondé d’une réforme d’une communauté monastique). Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l’aristocratie bretonne s’approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d’un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages.
Les historiens actuels éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L’historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l’hagiographie tels qu’ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d’autres Vies de saints dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d’un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d’expression ».
En 2022, environ 170 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, à la Vallée des Saints, en Carnoët.
Le 1er Mars c’est la Saint Dewi
David de Ménevie (né vers 500 et mort vers 589 ou 601), ou Dewi ou Divy, ou Evy, l’un des saint David, connu en gallois sous l’appellation Dewi Sant, est le saint patron du pays de Galles. Sous le nom de saint Ivy (ou Ivi, Yvi…), plusieurs saints semi-légendaires, non reconnus officiellement par l’Église catholique, lui ont été substitués pour désigner des moines issus de l’émigration bretonne en Armorique qui ont christianisé la Bretagne entre les ve et viie siècles.
Sa fête est fête nationale galloise. Le poireau est le symbole du saint, ainsi que le narcisse : les deux ont le même nom (cenhinen) en gallois.
Premières années
L’année de sa naissance est très incertaine, les diverses hypothèses la situent entre 462 et 512. Selon Rhygyfarch, auteur de la vie du saint au XIe siècle, David était le fils de sanctus rex ceredigionis, ce qui a mené à l’interprétation qu’il s’agissait d’un nommé Sanctus, et ce qui explique que les Gallois ont honoré un Sandde, roi de Ceredigion.
L’expression latine peut également signifier qu’il s’agissait d’un « saint roi » de Ceredigion. Le roi à l’époque de la naissance de David est connu, et s’appelait Usai. D’après la légende, Sandde serait son frère, et donc ne serait roi que d’une partie du Ceredigion. Tous deux étaient fils de Ceredig, le fondateur du Ceredigion. Le saint fut conçu dans la violence, et sa malheureuse mère Non (peut-être une nonne, tout simplement), fille de Cynyr de Caer Goch (dans l’actuel Pembrokeshire), accoucha au sommet d’une falaise au beau milieu d’une violente tempête.
David fut éduqué, à Hendy- gwyn ar Daf (nom anglicisé en Whitland) dans le Carmarthenshire, pense-t-on, auprès de Saint Paulinus de Galles (probablement la même personne que le Pol Aurélien breton) qui avait été l’un des disciples de Saint Germain d’Auxerre. D’aucuns pensent qu’il s’agirait plutôt de l’Île de Wight.
Vie monacale
David s’illustra comme enseignant et prêcheur, et créa monastères et bâtissant des églises en galles, Cornouaille (britannique) et Bretagne armoricaine, à une époque où ces régions, et les régions voisines de la future Angleterre qui naîtra 300 ans plus tard, sont majoritairement payennes.
Nommé évêque de Menevia, il présida deux synodes, et fit un pèlerinage à Jérusalem où sa nomination fut consacrée. La cathédrale de St David (Ty-Ddewi, en gallois) a été construite sur le site du monastère qu’il fonda dans la vallée inhospitalière de ‘Glyn Rhosyn’ dans le Pembrokeshire.
Selon la règle monastique de David les moines devaient cultiver et tirer eux-mêmes la charrue, sans l’aide d’animaux. Il était interdit de boire autre chose que de l’eau, de manger autre chose que du pain, des légumes et du sel. La soirée se passait à prier, à lire ou écrire. La propriété privée n’existait pas, les moines ne possédaient rien. L’ascétisme était le mode de vie, la viande était bannie.
Miracles
Le miracle le plus connu qui est associé au nom de David se serait produit alors qu’il prêchait au milieu de la foule au synode de Brefi. Quand ceux qui étaient au dernier rang se plaignirent de ce qu’ils ne pouvaient ni le voir ni l’entendre, le sol se souleva, une colline se forma, pour leur permettre de profiter du spectacle. L’on vit une colombe blanche se poser sur l’épaule du saint, ce qui démontrait que Dieu était à ses côtés. Le village de ces miracles s’appelle aujourd’hui Llanddewi Brefi. Selon une autre version il recommanda simplement aux participants du synode de se déplacer vers une colline voisine. Toujours est-il que les artistes représentent souvent le saint avec une colombe sur l’épaule.
Le document qui contient la plupart des haut-faits de David a pour nom Buchedd Dewi (Vie de Dewi), et c’est une hagiographie écrite par Rhygyfarch vers la fin du XI ème siècle. L’un des buts de Rhygyfarch était de rétablir l’indépendance de l’église galloise que l’invasion normande de 1066 menaçait. Il parait significatif que l’auteur prétende que David était en train de dénoncer le pélagianisme lors de l’incident de la colline soulevée.
Guillaume de Malmesbury rapporte que David visita Glastonbury dans le but de consacrer l’abbaye et de lui offrir un autel portatif contenant un gros saphir. Alors Jesus lui apparut dans une vision et lui dit que « l’église avait été depuis longtemps consacrée par Lui-Même en l’honneur de Sa Mère, et ne devait pas l’être à nouveau de mains humaines ». David demanda donc la construction de nouveaux bâtiments, du côté est de la vieille église. Les dimensions de cette extension données par Guillaume ont pu être vérifiées en 1921 par des experts archéologues. Selon un manuscrit un autel de saphir aurait été confisqué par le roi Henri VIII lors de la dissolution de l’abbaye mille ans plus tard. La pierre ferait aujourd’hui partie des joyaux de la Couronne britannique.
Sa mort
Dewi, grâce peut-être à son régime végétarien, aurait vécu 100 ans. Il mourut un mardi premier mars, jour de sa fête. On en a conclu que cela devait être vers 590, et plus précisément 589. Ce jour-là parait-il, le monastère était ‘rempli d’anges au moment ou le Christ recueillait son âme’.
Ses derniers mots à ses disciples il les avait prononcés le dimanche précédent. D’après Rhygyfarch il leur avait dit: ‘Soyez joyeux, et gardez votre foi. Faites les petites choses que vous m’avez vu faire et dont vous avez entendu parler. Je marcherai sur le sentier que nos pères ont parcouru avant nous. La phrase galloise ‘Gwnewch y pethau bychain’ (faites les petites choses) est devenue proverbiale.
David fut enterré dans la cathédrale de St David, qui fut un lieu de pèlerinage tout au long du Moyen Âge. Il a été l’un des rares saints gallois (ou bretons ou irlandais) à être reconnu par le pape Calixte II en 1123.
La vie de David a inspiré le compositeur gallois Karl Jenkins qui a enregistré un disque intitulé Dewi Sant.
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