L’époque où la Nupes a permis au Parti socialiste de sauver les meubles aux élections législatives de juin 2022 est terminée – on s’aimait, on ne s’aime plus. En Bretagne, le PS parvenait, grâce à cet accord électoral, à obtenir trois députés : Mélanie Thomin (Carhaix), Claudia Rouaux (Rennes-Montfort-sur-Meu) et Mickaël Bouloux (Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande). Et, très important, à posséder un groupe à l’Assemblée nationale (31 membres) qui lui permettait de continuer à exister au plan national. Bien sûr, le PS n’est plus un grand parti et, humiliation suprême, ne possède plus aucun député en Loire-Atlantique. Alors qu’aux législatives de 2012, il avait emporté huit circonscriptions sur dix : Châteaubriant (Yves Daniel), Vertou-Vignoble (Sophie Errante), Pornic-Pays de Retz (Monique Rabin), Nantes-centre (Marie-Françoise Clergeau), Nantes-Carquefou (Michel Ménard). Jean-Marc Ayrault (Nantes-Saint-Herblain), Dominique Raimbourg (Nantes-Rezé) et Marie-Odile Bouillé (Saint-Nazaire) étaient même élus dès le premier tour. François de Rugy (EELV) l’emportait à Nantes-Orvault et la droite devait se contenter de Guérande (Christophe Priou, UMP). Cette hégémonie du PS ne fut plus qu’un souvenir aux législatives de 2017 à cause de la vague macroniste.
Aux législatives de 2022, on assiste à une redistribution des cartes à gauche dans ce département. Les insoumis s’emparent de deux circonscriptions à Nantes : Nantes centre (Andy Kerbrat) et Nantes-Saint-Herblain (Ségolène Amiot). A Saint-Nazaire, Matthias Tavel (LFI), un parachuté, trouve même le moyen de battre le candidat soutenu par le maire (David Samzun, PS) ; en effet, au premier tour, le candidat de la municipalité, Xavier Perrin, adjoint au maire (divers gauche, ex-PS), n’arrive qu’en quatrième position (12,34 %) – les électeurs de gauche préfèrent le candidat de la Nupes (32,04 %) au candidat anti-Nupes. Obligé de se retirer, ce dernier se contente d’annoncer : « Je voterai à gauche dimanche prochain » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 13 juin 2022)
On parle de la présidentielle mais on pense aux élections municipales
Voilà qui donne à réfléchir aux deux maires, Johanna Rolland (PS, Nantes) et David Samzun (PS, Saint-Nazaire). Car les prochaines élections municipales auront lieu en 2026 et, à coup sûr, les insoumis présenteront une liste dans leur ville. S’épauler, former une alliance, donner une impression de force, rassembler la gauche anti-Mélenchon, montrer la complémentarité entre les deux villes, pourrait s’avérer utile pour contrer LFI. Pour l’instant, on parle de la présidentielle de 2027, c’est plus facile que d’évoquer les municipales pour lesquelles arrangements et dosages auront lieu le moment venu – il faut d’abord faire frotti-frotta ! Se souvenant qu’elle est la numéro deux du PS, Mme Rolland a trouvé la formule magique pour la gauche : « proposer un candidat unique sera notre responsabilité », mais elle écarte radicalement l’hypothèse d’un rassemblement derrière Jean-Luc Mélenchon. Elle fait même le distinguo entre « François Ruffin, Clémentine Autain, Raquel Garrido ou Alexis Corbière, avec lesquels on peut travailler », et Jean-Luc Mélenchon (Public Sénat, mercredi 14 février 2024). Riposte de Matthias Tavel : il souligne la contradiction qu’il y aurait à « prétendre vouloir l’unité après avoir refusé une liste Nupes aux élections sénatoriales puis aux élections européennes et excluant de la discussion Jean-Luc Mélenchon, qui a fait treize fois plus de voix qu’Anne Hidalgo en 2022 ». Situation « lunaire et irresponsable », conclut-il (Ouest-France, Loire-Atlantique, vendredi 16 février 2024). Effectivement Tavel a le droit de rappeler les résultats du premier tour de l’élection présidentielle (10 avril 2022) à Nantes : en tête Jean-Luc Mélenchon (48 161 voix, 33,03 %), Anne Hidalgo n’arrivant qu’en septième position (3 727 voix, 2,56 %). Pourtant Johanna Rolland est la directrice de campagne de la maire de Paris…
Toutes ces données font réfléchir les deux maires qui en oublient leur fâcherie. « On a eu, on a des désaccords, il faut l’assumer clairement. Un désaccord sur la stratégie de politique nationale. Cela ne nous a pas empêchés de bosser ensemble, en bonne intelligence, dans l’intérêt des territoires », souligne Johanna Rolland. Réponse de David Samzun : « Il y a eu une période où on s’est moins vu. Il y a effectivement une divergence sur la stratégie politique. Moi, je n’ai jamais été favorable à la Nupes. C’est une alliance de circonstance qui n’amène pas la gauche au pouvoir. » Puisque l’objet officiel de la rencontre est de parler de l’élection présidentielle, Mme Rolland rappelle sa formule magique : « Pour que la gauche soit présente au second tour, il faut un candidat unique sans exclure la France insoumise, notamment Clémentine Autain ou François Ruffin. Et effectivement Jean-Luc Mélenchon ne peut pas être le candidat de la gauche. » (Presse Océan, samedi 17 février 2024). On peut transposer ce discours à l’échelon communal et parier qu’en 2026 une liste LFI s’opposera à celle de la gauche « propret » aussi bien à Nantes qu’à Saint-Nazaire…
Certes le couple Rolland-Samzun peut se rassurer en examinant les sondages portant sur les intentions de vote pour les prochaines élections européennes. Les résultats ne sont pas enthousiasmants pour LFI : 9,5 % pour la liste des Ecologistes menée par Marie Toussaint ; 9 % pour la liste du Parti socialiste menée par Raphaël Gluksmann ; 9 % pour la liste de la France insoumise menée par Manon Aubry ; 2,5 % pour la liste du Parti communiste français menée par Léon Deffontaines (Elabe, La Tribune Dimanche, 11 février 2024). Si ce rapport de force était confirmé le 9 juin, le leadership à gauche de Jean-Luc Mélenchon – et par conséquent de LFI – disparaîtrait. C’est certainement sur cette nouvelle donne que comptent Johanna Rolland et David Samzun.
On notera pour terminer que les grandes villes bretonnes sont « tenues » par le Parti socialiste : Brest (François Cuillandre), Rennes (Nathalie Appéré), Saint-Nazaire et Nantes. « Comme tout au long de son histoire, en période de déclin ou de crise (les années 1920, 1950 ou 1960), le PS s’est rétracté sur ses bastions locaux et municipaux », écrit Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université de Lille (Faut-il désespérer de la gauche, Textuel, mars 2022). Même observation pour trois conseils départementaux : Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine et Côtes-d’Armor.
Bernard Morvan
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2 réponses à “Nantes : Johanna Rolland (PS) ne veut plus entendre parler de Mélenchon”
Quand j’entends le mot PS je sors mon éclat de rire !
comment faire alors pour se faire réélire? dilemme! la gamelle y est bien grasse