Avant Ridley Scott, Napoléon avait inspiré Abel Gance. Son film sort en 1927, quelques mois avant l’apparition du cinéma parlant. Il est donc déclassé technologiquement à peine lancé. Le réalisateur et ses acteurs avaient pourtant déployé des trésors de compétences pour dépasser les limites du cinéma muet, mais les mimiques forcées et les poses caricaturales ne pouvaient pas combler l’absence de son. La technologie cinématographique étasunienne a surclassé le cinéma français, pourtant inventeur du genre.
Le projet est lancé en 1921, quand Gance voit Birth Of A Nation (Naissance d’une nation) de D. W. Griffith. Il convainc le financier allemand Hugo Stinnes d’avancer les fonds, mais sa mort en 1924 lui impose de revoir son projet, à l’origine en plusieurs films. En France, les premières présentations sont un grand succès, mais la concurrence du parlant bloque sa réussite à l’étranger. Dès les premières projections, Gance revient sur le montage, en faisant un film jamais achevé.
Plusieurs restaurations sont ensuite réalisées à partir des années 1950, sans aboutir à un résultat définitif, jusqu’à ce qu’en 2008 la Cinémathèque française bloque toute exploitation pour charger le réalisateur Georges Mourier de reprendre complètement le dossier. Un inventaire est lancé dans les archives cinématographiques du monde entier, mettant à jour des milliers de kilomètres de pellicule survivantes d’un négatif original aujourd’hui perdu, à inventorier, trier, classer, un puzzle titanesque.
Le 13 décembre dernier, une projection avait lieu à la Cinémathèque pour présenter le travail accompli. Il ne s’agissait encore que de trois heures trente, la totalité en 7 heures de projection est annoncée pour juillet 2024, pas à Paris à cause des JO mais en banlieue. Le film sera projeté simultanément sur trois écrans, suivant le procédé original conçu par Gance. Il reste encore à boucler le budget, sur les 4 millions d’euros de la restauration, même avec le financement de Netflix.
Nouveauté, la production a fait appel au compositeur Simon Cloquet-Lafollye et aux Chœurs, à l’Orchestre Philharmonique de Radio France et à l’Orchestre national de France pour la bande-sonore. Elle accompagne parfaitement les images, y compris dans les passages chantés comme celle de la Marseillaise où la voix correspond exactement aux paroles. Techniquement, l’effet est bien rendu. Historiquement, c’est une autre histoire. Si l’on critique le film de Ridley Scott, celui de Gance relève du mythe. Voir la Marseillaise chantée par Rouget à la tribune de la Convention et reprise par les députés et le public ne correspond à aucune réalité historique. Le passage de Bonaparte en Corse en 1793 est de la même veine avec une poursuite à cheval dans le maquis digne des films de cowboys et un drapeau avec les trois couleurs qui n’existait pas à l’époque. Manifestement la vérité historique n’a pas été la préoccupation de Gance, sa priorité a plutôt été d’utiliser tous les artifices du cinéma muet au profit de la transmission d’un souffle épique en vue d’alimenter le mythe. Révolutionnaires et bonapartistes ne pourront qu’être transportés.
Thierry DeCruzy
Pour des informations au sujet du Napoléon de Gance, c’est ici,
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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2 réponses à “Enfin le Napoléon d’Abel Gance ?”
Vu le Napoleon d AbelGance il y a une trentaine d annees
Bien que long3h et muet je ne mesuis pas ennuyee 1 minute . Passionnant et sans equivalent
un dictateur militaire ? bof aucun interet ! cette revolution et ce militaire ont couter suffisamment cher a la france pour eviter de leur faire de la pub