A la découverte des saints bretons. Le 15 février c’est la Saint Glaudan

Nous vous proposons dans cette rubrique de découvrir l’histoire des Saints Bretons. Les saints bretons désignent des personnalités bretonnes vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d’un point de vue chrétien. Peu d’entre elles ont été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l’Église catholique (mise en place plusieurs siècles après leur mort), mais ont été désignées par le peuple, leur existence même n’étant pas toujours historiquement attestée. La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent en effet des ixe et xe siècles ou ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques, issus de traditions orales transmises aussi bien dans le vieux fond populaire que dans le milieu savant, dans leur intérêt (légitimation de la figure épiscopale, du bien-fondé d’une réforme d’une communauté monastique). Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l’aristocratie bretonne s’approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d’un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages.

Les historiens actuels éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L’historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l’hagiographie tels qu’ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d’autres Vies de saints dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d’un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d’expression ».

En 2022, environ 170 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, à la Vallée des Saints, en Carnoët.

Le 15 février c’est la Saint Glaudan

Venu d’Angleterre au 6e siècle, époux de Gologuenn, il s’agit du père de Goulven

LA VIE DE SAINT GOULVEN

Evesque de Leon, Confesseur, le premier de Juillet.

Du Temps du Pape Vigilius & de l’Empereur Justinian I, l’an de salut 540, regnant en la Bretagne Armorique le Roy Hoël, dit le Faineant, II du nom, un certain personnage, nommé Glaudan, passa la Mer, &, quittant la grande Bretagne (qu’à present on appelle Angleterre), vint, avec sa femme Gologuenn, aborder la coste de Leon, en la Bretagne Armorique : étans sortis du vaisseau, ils prirent leur chemin le long du rivage, & arriverent en la Paroisse de Ploüider, distant de deux lieuës de la ville de Lesneven,&, voulant passer outre, la nuit les surprit en la greve qui est entre ledit Ploüider & Plou-neour-trez, de façon qu’ils furent contraints de chercher à loger, cette nuit, en un Village situé és paluds de Brengorut, mais le Païsan à qui ils s’adresserent, voyant que c’estoient des étrangers pauvres & necessiteux, les refusa, de sorte qu’ils furent contraints de loger en un lieu, nommé alors Odena, où Gologuenn accoucha dun Fils.

II. Le matin venu, Glaudan alla à la prochaine maison demander un peu d’eau, pour laver l’enfant & rafraischir la mere extrémement alterée ; mais, d’autant que la fontaine étoit éloignée de là, il en fut éconduit ; toutefois, un Païsan lui presta un vaisseau & luy monstra le sentier qui, à travers la forest, menoit à la fontaine. Estant entré un peu avant dans la forest, il s’égara, le chemin estant tout couvert de feüilles & rameaux d’arbres, & ayant perdu la pluspart de la journée pensant trouver cette fontaine ; enfin, sur le soir, il se trouva prés du lieu où estoit sa femme & son enfant. Voyant donc qu’en vain il avoit courru, d’ailleurs la necessité de sa femme, l’enfant foible & debile, il eut recours à Dieu, se jetta à genoux & luy présenta son humble priere, le supliant, la larme à l’œil, de les assister en cette extréme necessité. Sa priere finie, tout incontinent, une belle fontaine sourdit, distante seulement d’un jet de pierre du lieu où estoit gisante Gologuenn, de laquelle elle but, puis y lava son enfant ; prognostique que cét enfant, en faveur duquel cette fontaine fut miraculeusement produite, seroit une vive source de doctrine & sainteté, de laquelle les hommes puiseroient les eaux salutaires, pour rassasier la soif de leurs Ames altérées. Cette fontaine miraculeuse se voit prés l’Eglise de saint Goulven & s’apelle communément Feunteun Sant Goulven ; l’eau de laquelle, beuë avec foy & devotion, a gueri plusieurs personnes de diverses maladies, & n’oseroit-on en avoir usé pour aucun usage domestique, en reverence du Saint ; mais bien en a-t’on fait une autre auprès, pour l’usage & commodité des voisins.

III . Le bruit de la production miraculeuse de cette nouvelle fontaine estant épenduë par ces quartiers, tout le monde y accourut pour la voir, &, entr’autres, un homme riche & craignant Dieu, nommé Godian, lequel, inspiré de Dieu & meu de compassion de la disette de ces pauvres étrangers, leur fit offre de biens & commoditez, les logea, assista Gologuenn en ses couches, tint l’enfant sur les sacrez Fonds de Baptesme & le fit nommer Goulven ; &, lors qu’il commença à parler, il le fit aller aux écolles & l’y entretint pendant tout le cours de ses études. Avec l’âge croissoit aussi en luy l’Amour de Dieu & le desir de la vertu & perfection Chrestienne. Dés son enfance, il se monstra amy de l’abstinence, commençant, de bonne heure à rejetter toutes les délicatesses & friandises, se contentant de pain & d’eau, & ce encore bien petitement, seulement pour la necessité & donner quelque soutien à son foible corps, jamais par sensualité ; aucune fois, il y adjoustoit quelques legumes pour tous mets, & garda ce regime de vie le reste de ses jours.Il estoit grandement tendre & devot, diligent à frequenter l’Eglise, prolixe en l’Oraison, fort doux & benin en sa conversation, humble & respectueux vers un chacun ; &, quant aux estudes des bonnes lettres, il y profita si-bien, qu’en peu de temps il devança tous ses condisciples, égala en sçavoir ses Maistres.

IV. Son bien-facteur Godian, voyant qu’il employoit si-bien son temps & prenoit si bon ply & acheminement à la vertu, s’encourageoit aussi à l’assister, ne luy laissant avoir besoin d’aucune chose, car il estoit riche & n’avoit point d’enfans. Saint Goulven, ayant achevé ses estudes, commença à frequenter plus assiduëment les Eglises, lire la Sainte Escriture & Catechiser le peuple ; Dieu aussi commença à le faire connoistre par grands miracles ; mais luy, qui se craignoit du diable & redoutoit ses astuces, voyant que tout le monde le venoit voir pour ouyr ses salutaires instructions, prit resolution de se retirer en quelque desert, pour y servir Dieu en plus grande tranquilité. Cependant, son pere & sa mere passerent paisiblement de cette vie à une meilleure, ce qui le confirma davantage en son dessein & encouragea à effectuer, au plûtost, sa resolution. Godian, son bien-facteur, en ayant sceu la nouvelle, tascha, de tout son pouvoir, à l’en dissuader, car il esperoit le faire heritier de ses grands biens ; mais il luy fut impossible de faire breche en ce cœur genereux, quelques raisons & obstacles qu’il y pûst apporter.

V . Il sortit donc de la maison de Godian, au grand regret de toute la famille, & s’en alla prés du rivage, en un petit bois taillis, qui lors y estoit, où ayant fait choix d’un endroit retiré & écarté, propre à la solitude, retraitte & contemplation, y édifia une petite Chappelle ou Oratoire quarrée, qui se void encore à present, & s’apelle Peneti Sant Goulven, c’est à dire, la maison, ou le lieu de penitence de saint Goulven, où Dieu, par les merites de son Saint, a operé & opere encore plusieurs miracles, entr’autres, on a remarqué qu’encore que la porte fust ouverte tout au grand & regardast le Septentrion, &, par consequent, fut droittement opposée aux injures des vents Septentrionaux, forts furieux & froids en ces costes maritimes, neanmoins, ny le Saint, ny ceux qui le venoient visiter n’en estoient non plus incommodez que s’ils eussent esté en quelque Manoir bien clos.

VI . Il ne fut gueres en ce lieu, menant une vie plus Angelique qu’humaine, que le bruit & la renommée de sa Sainteté s’épendit de toutes parts, en sorte que le peuple le venoit visiter à la foule, de façon que ce lieu, que les brossailles & autres difficultez du chemin rendoient auparavant inaccessible, fut si-bien battu & frayé, qu’il sembloit un grand chemin & issuë de quelque bonne Ville. Il admettoit fort benignement ceux qui le venoient visiter, soit pour étre instruits, soit pour se recommander à ses prieres, soit pour estre gueris de leurs infirmitez, ou pour autre sujet ; il permettoit aux hommes d’entrer dans le pourpris de son petit Hermitage & faire leurs prieres dans son Oratoire, mais l’entrée de l’un & de l’autre estoit interdite aux femmes. En ce lieu, il passoit les journées entieres en priere & contemplation ; il ne mangeoit qu’une fois le jour du pain & beuvoit de l’eau, & matoit son corps de penitences & austeritez ; il tenoit clôture continuelle dans son Hermitage, n’en sortant qu’une fois par jour pour faire sa procession ordinaire, laquelle il faisoit à l’entour de son Hermitage, & avoit de coustume d’y faire trois Pauses ou Stations, esquelles il s’arrestoit à prier Dieu au pied de trois Croix, qu’il avoit plantées en ces trois endroits.

VII . Cependant que saint Goulven ravissoit un chacun en admiration de sa Sainteté, les Danois & Normands qui tenoient la Mer, pillans & écumans l’Ocean, aborderent à la coste de Leon, mirent leurs vaisseaux à couvert dans les Havres & jetterent plusieurs Soldats à terre pour courir & fourager le Pays. Le Seigneur de Leon (la Chronique Latine l’apelle Even), qui lors estoit en la Ville de Lesneven, fit armer ses sujets pour resister aux Barbares ; mais, avant que les aller rencontrer, il fut en poste vers saint Goulven, lequel il trouva à genoux devant une Croix, à l’une de ses Stations ; il le salua humblement, disant : « Dieu vous garde, Serviteur de Dieu ; nous avons icy prés une Armée d’Infideles à combattre ; je vous supplie de prier Dieu pour moy & mes Soldats, afin que nous puissions garentir ce Pays de leurs ravages ». Le Saint luy répondit : « Monseigneur, allez hardiment ; &, quand vous aurez vaincu les ennemis, venz-moy trouver en ce lieu ». Le Comte crût aux paroles du Saint, &, ayant receu sa Benediction, monta à cheval & s’en retourna en sa Ville de Lesneven, où ayant fait monter son Armée, il mena, le lendemain, ses trouppes droit vers les ennemis, les suivant à la fumée des maisons brûlées, son de toczain & clameur des Paysans. Enfin, il les rencontra tous en desordre, s’en retournans par bandes, chargez de butin & pillage, pour devoir gagner leurs Navires ; mais le Comte Even, bien servy d’espions, ayant découvert la route qu’ils tenoient, leur couppa chemin & se jetta avec une moitié de son Armée, les chargeant par derriere, de sorte qu’estans attrapez & enveloppez de l’Armée, ne pouvans ny avancer ny reculler, ils furent défaits & la pluspart tuez sur le champ, peu s’en estans fuis, qui, s’estans jettez dans les Esquifs & Chalouppes qu’ils tenoient amarez au rivage, gagnerent leurs vaisseaux, &, levans les voiles & ancres, prirent la fuite, sans envie de plus prendre terre en cette coste. Tout le butin demeura à Even, & la pluspart de leurs Navires, lesquels, à faute d’hommes, ils ne purent amener.

VIII . Le Comte Even s’en retourna, le même jour, victorieux & triomphant à Lesneven (Ville qu’il avoit fortifiée d’un beau Chasteau & ceint de murailles &, de son nom, apellée Les-Even, qui signifie Cour d’Even), où, aprés avoir rendu graces à Dieu & départy le butin à ses Soldats, il convia les Chefs & principaux Officiers de son Armée à venir souper avec luy au Chasteau, on couvrit les tables, & tout estant disposé, comme il lavoit ses mains, il se souvint des paroles que saint Goulven luy avoit dites à son départ : « Quand Dieu vous aura donné victoire de vos ennemis, venez-moy trouver en ce lieu ». Il s’excusa vers la compagnie, la pria de faire bonne chere, nonobstant son absence, prit la poste, avec peu de train, & se rendit, en peu de temps, au mesme lieu où il avoit trouvé, le jour précedant, saint Goulven ; & d’aussi loin qu’il pût découvrir le Saint, qui estoit lors en Oraison au pied d’une Croix, il mist pied à terre, le chapeau au poing, courut vers luy ; puis, se jettant à genoux, luy baisa reveremment la main (car il estoit Prestre) & luy dit : « Mon Pere, levez-vous, car par la grace de Dieu & le merite de vos prieres, nous avons vaincu nos ennemis ». Alors, le Saint qui, prosterné à terre, les bras estendus en forme de Croix, n’avoit bougé de là, priant Dieu pour le bon succés des Armes Chrestiennes, se leva sur bout &, prenant le Seigneur de Leon par la main, luy dist : « Monseigneur, rendez graces à Dieu qui vous a donné cette vistoire de vos ennemis ; observez ses Commandemens, & gardez-vous d’y contrevenir ».

IX . Even le remercia de ses bonnes instructions & luy dist qu’il demandast ce qu’il voudroit & qu’il luy octroyroit de bon cœur : « Non, (dit-il), je n’ay besoin d’aucune chose temporelle ; mais si vous voulez faire quelque aumône en action de graces & reconnoissance de cette Victoire que Dieu vous a donnée, je vous conseille de bastir un Monastere icy prés de mon Hermitage & luy donner cette forest pour y sustanter & entretenir de bons Religieux, qui, nuit & jour, y prieront Dieu pour vous & pour vos sujets ». Even le luy accorda de bon cœur, & donna autant de terres au futur Monastere,qu’il en pourroit cernoyer, un jour, en marchant, &, prenant congé du Saint, se retira à Lesneven. Au jour nommé, saint Goulven alla prendre possession de la terre qui devoit estre donnée audit Monastere, & (chose étrange) à mesure qu’il marchoit, la terre s’élevoit à ses talons comme un fossé, distinguant cette nouvelle donaison du reste des terres du Seigneur de Leon ; & ce cerne ou circuit est tenu en si grande reverence, que personne n’oseroit en avoir rien pris, Dieu ayant souvent rigoureusement puny ceux qui avoient violé ce saint pourpris, nommé communément par nos Bretons, Menehi Sant Goulven, c’est à dire, la franchise ou azile de saint Goulven, lequel terroir est encore, en ce temps, tenu pour un des plus fertiles de tout Leon.

X . Saint Goulven, pour pouvoir plus librement vaquer à Dieu, &, comme une devote Magdeleine, se tenir plus assidu aux pieds de son Sauveur, s’associa un jeune homme fort vertueux, nommé Madenus, lequel avoit le soin des choses exterieures, de recevoir les aumônes & faire les autres services, auquel aussi il donna, dans ce circuit, un lieu pour y habiter. Les Villageois des environs, voyans la grande sainteté du Serviteur de Dieu, luy faisoient plusieurs aumônes, lesquelles il distribuoit incontinent aux pauvres ; le Seigneur Even, effectuant aussi sa promesse, fit bastir le Monastere, avec toutes ses Officines, franchises & accomodemens, où saint Goulven assembla nombre de Religieux, qui y vivoient en grande Sainteté & Observance, & lesquels il visitoit souvent, &, reciproquement, estoit d’eux visité en son Hermitage, qu’il ne voulut jamais quitter, quoy que les Religieux du Monastere le voulussent, plusieurs fois, élire pour Abbé, à quoy il ne voulut jamais consentir. Sa Sainteté ravissoit tellement les Leonnois, que de son vivant mesme, ils édifierent une Chapelle en Odena, au lieu de sa naissance, en laquelle plusieurs miracles ont été faits par les mérites de saint Goulven.

XI . Entre ceux qui le venoient suvent voir en son Hermitage, il y avoit un riche Paysan de la Paroisse de Plouneour-Trez, nommé le Joncour, auquel, un jour, le Saint, inspiré de Dieu, manda, par son serviteur Madenus, qu’il luy envoyast, sans faute, la premiere chose qu’il trouveroit à sa commodité ; Madenus fit son message & trouva le Joncour en son champ, gouvernant la charuë ; luy fit les recommandations du Saint & luy dist qu’il manquast pas à luy envoyer ce qu’il tenoit entre ses mains. Joncour, étonné de cela, veu qu’il n’avoit rien de digne de luy estre envoyé, jugeant d’ailleurs que le Saint ne luy faisoit pas ce commandement sans raison, fit le signe de la Croix, puis, prenant trois poignées de terre de dessou sle coutre de sa Charuë, les mist au sein de Madene, qui, avec cela, s’en retourna vers son Maistre ; mais, sentant cette terre s’apesantir extraordinairement en son sein, il ne se pût tenir de regarder ce qu’il portoit & d’où venoit cette pesanteur extraordinaire, & trouva que cette terre, que Joncour avoit jetté dans son sein, s’étoit multipliée de moitié & convertie en pur Or. Saint Goulven, ayant sceu ce qui s’estoit passé, tença Madene de sa curiosité, & de cét Or fit faire un Calice, trois Croix & trois belles Cloches quarées, qui avoient un son harmonieux, de telle pesanteur, que personne n’en pouvoit sonner qu’une d’une main ; l’une de ces Cloches a esté long-temps gardée, avec une de ces Croix qu’il portoit d’ordinaire au Col, en la Sacristie de l’Eglise Tréviale de Goulven ; mais, par le mal-heur des guerres, elle a esté perduë ; la Croix, neanmoins, y a plus long-temps esté ; au seul attouchement & baiser de laquelle, plusieurs malades ont esté guéris, & les parjures, jurans à faux sur la Croix de saint Goulven, estoient punis sur le champ. L’autre Cloche fut portée à Lesneven & mise au Tresor de l’Eglise de Nôtre Dame ; la troisième à Rennes, gardée reveremment en la Cathedrales, avec ses Reliques ; le seul son de laquelle guerissoit les malades. On garde une quatrième Cloche quarrée de Leton en l’Eglise Parochiale de Goulven en Cornoüaille, laquelle, posée sur la teste des malades, les soûlage ou guerit entiérement.

XII . L’Heureux saint Paul, Evesque & Patron de Leon, informé de la Sainteté, doctrine & bonne vie de saint Goulven, l’institua son Penitencier en ses quartiers de Leon. Ayant survescu à ses deux successeurs saint Jaoua & Tirnomallus, il reprit encore la charge Episcopale ; mais, se sentant déjà caduc, il s’en démit à Cetomerinus, en chargeant à ses Chanoines, Clergé & Peuple, arpés son decés, d’élire saint Goulven pou rleur Evesque ; lequel faisoit sa penitence aux confins de la Paroisse de Plouïder, ravissant tout le monde en admiration de sa Sainteté.

XIII . Saint Paul estant decedé l’an 594, l’Evesque Cetomerinus siégea huit ans ; lequel estant decedé, le Clergé & Peuple de Leon, assemblés en la Cathedrale, pour élire un autre Evesque, éleut unanimément saint Goulven, l’an 602 ; lequel, si-tost qu’il en eust les nouvelles, quitta sonHermitage, pensant que, pendant son abscence, on procederoit à l’élection d’un autre, son humilité luy faisant croire qu’il estoit indigne de cette Dignité. Quand il arriva à Rome, Dieu revela au Pape saint Gregoire le Grand ses merites & le sujet de son voyage. Les Leonnois, d’autre costé, voyant qu’il avoit évadé, ne s’amuserent pas à en élire un autre, (comme le Saint se l’estoit promis) mais dépescherent hastivement à Rome vers le Saint Pere, lequel, deuëment informé de sa sainteté & doctrine & de l’injonction expresse qu’avoit fait saint Paul à son Clergé de l’élire pou rleur Evêque, le fit chercher par Rome & amener à son Palias, &, nonobstant toutes les raisons qu’il pût alleguer pour se delivrer de cette Dignité, fut sacré, par le Pape mesme, Evesque de Leon.

XIV . Le Saint, voyant que telle estoit la volonté de Dieu à luy revelée par le Souverain Pontife, son Vicaire en terre, prit patience & s’en retourna le plûtost qu’il pût en Bretagne. Quand les Leonnois entendirent que le Saint aporchoit, ils sortirent tous au devant de luy, en grande allegresse, le menerent dans leur Ville d’Occismor (qui déjà commençoit à estre apellée Saint-Paul), le firent seoir en son Siége Episcopal, rendans graces à Dieu du succés de cét affaire & se réjoüissans d’avoir si saintement trompé le Saint ; luy seul, parmy ces allegresses & réjoüissances publiques, restoit triste, se mettant toûjours devant les yeux combien lourd & pesant estoit ce fardeau. Se voyant neanmoins élevé à cette Dignité, connoissant y estre appellé, non pas pour se reposer, mais pour travailler, non pour estre servi, mais pour servir les autres, il mist incontinent la main à l’œuvre. Premierement, il visita tout son Diocese, reformant les abus qui s’y estoient glissez, reconciliant les Eglises que les Barbares avoient polluës, & reédifiant celles qu’ils avoient démolies, &, en toutes choses, se monstrant Pasteur soigneux & vigilant sur son troupeau.

XV . Ayant, quelques années, saintement gouverné son Eglise, il luy survint quelque affaire d’importance pour le temporel de son Evesché, pour lequel il luy fallut aller à Rennes, où estant, Dieu luy revela le jour de son decés, dont il rendit graces à sa divine Majesté, & parla à son disciple Madenus ainsi : « Mon Frere, il a plû à la divine Majesté me reveler que bien-tost je dois passer de cette vie à une meilleure, chose que j’ay toûjours soûhaittée de tout mon cœur ; je sçay aussi qu’aprés mon decés vous ne pourrez rien obtenir de mon Corps, ny de mes Reliques pour emporter au Pays ; partant, tenez cette Croix d’Or (ostant de son col sa Croix Pectorale), & la portez en mon Eglise, que le Prince Even a bastie par mon conseil, où elle demeurera avec ma Cloche que j’y ai laissée ». A ces paroles, le pauvre Madenus se prit à pleurer, lors le Saint luy dit : « Consolez-vous, & demeurez toûjours en la grace de Dieu ». Il tomba incontinent malade d’une fiévre aiguë & violente, laquelle le consomma tellement, qu’en peu de jours il fut reduit à l’extrémité ; l’Evesque de Rennes & plusieurs de ses Chanoines, l’Abbé de Saint Melaine & ses Moynes, & plusieurs grands Seigneurs le visiterent & assisterent pendant sa maladie. Voyant sa fin approcher, il receut devotement ses Sacremens, & rendit son Ame beniste entre les mains de son Createur le premier jour de Juillet, l’an de salut 616, & de son Pontificat le quatorziéme.

XVI . Son Corps fut solemnellement inhumé dans l’Abbaye de Saint Melaine lés Rennes ; & ses Reliques, ayant esté depuis levées de terre & mises en lieu plus honorable, les Leonnois, à force de prieres, obtinrent une partie des Ossemens d’une de ses mains, lesquels, richement enchassez, sont gardez reveremment dans son Eglise de Goulven, l’un des plus devots Pelerinages de Leon ; le reste, richement enchassé, fut mis, partie en la Cathedrale de Saint-Pierre de Rennes, partie audit Monastere de Saint-Melaine, et autre partie en l’Eglise Parochiale de Goulven, en Cornoüaille.

XVII . Aprés le decéz de saint Goulven, Dieu fit connoistre sa Sainteté par grands miracles.
Primo – Une jeune Fille, de la Paroisse de Ploüescat, Diocese de Leon, estoit percluse & paralytique ; son pere la voüa à saint Goulven & alla faire son Oraison au Sepulchre du Saint, &, incontinent elle fut guerie.
Secundo – Une femme, de la Paroisse de Trevlés, au mesme Diocese, estant, un jour, allée en la grève ramener son bestail, comme elle sortait de la grève, apperceut le feu qui brûloit sa maison ; ce que voyant, elle se jetta à genoux, voüa & recommanda à saint Goulven son enfant qu’elle avoit laissé couché dans le berceau ; l’embrazement éteint, on trouva l’enfant sain & gaillard, son berceau & ses langes reduits en cendre.
Tertio – Quelques méchans garnemens, estans entrez de force chez un riche Marchand, mirent tous les papiers, cedulles & contrats qu’ils trouverent en son étude, en un grand bassin sur le feu, les remuans avec un baston pour les gaster, & les laisserent long-temps ainsi, puis s’en allerent ; la femme du logis, ayant prié saint Goulven & accomply son vœu, retira ses papiers &parcehmins, qui se trouverent sans lezion, ny alteration aucune, les sceaux mesme imprimez en cire ne furent aucunement gastez.
Quarto – Le jour du Pardon de saint Goulven, une jeune Demoiselle se mit, du matin, à se parer & orner pour paroistre en cette Assemblée & se faire cherir de ses amoureux ; Dieu ne permit que la solemnité de son serviteur saint Goulven fust prophanée d’une si sinistre intention & punit exemplairement cette miserable Courtizane, car comme elle mettoit le peigne sur sa teste, sa main s’attacha au peigne, & le peigne à ses cheveux, si fermément, qu’il luy fut impossible de l’en retirer, alors, connoissant sa faute, elle alla à l’Eglise en cét estat & confessa publiquement sa faute, & ayant demandé pardon au Saint, fut guerie. En memoire de ce miracle, le peigne a esté long-temps gardé en l’Eglise de saint Goulven.
Quinto – Dans le pourpris de la terre ou azyle de saint Goulven, un certain villageois ayant dérobé le Bellier du trouppeau de son voisin, pour pallier son larcin, se hasta de le tuer & écorcher, mais il ne resta pas impuny, car le coûteau dont il se servoit pour écorcher la beste luy demeura attaché à la main droite ; & la gauche dont il tenoit la toison s’y attacha si fermément, avec une chiragre & contraction de nerfs, si sensible & violente, qu’enfin, reconnoissant sa faute, il alla en l’Eglise de saint Goulven, où s’estant confessé & ayant demandé pardon à Dieu & au Saint, & promis de restituer le Bellier, le coûteau & la toison luy tomberent des mains & resta entierément guery.
6 – Au mesme terroir, un autre Paysan, ayant dérobé un Mouton de son voisin, le tua & le mist par pieces boüillir en un Chaudron, faisant beau feu dessous ; mais ces chairs ne pûrent jamais cuire, pas seulement s’échauffer, quoy qu’il ne cessât de souffler dessous ; ce que voyant, il rentra en soy-mesme, connût sa faute, restitua & rendit grace à Dieu & à saint Goulven.
7 – Dans ce mesme pourpris du Saint, il y avoit un grand Patis, qui estoit commun aux Villageois & au Recteur de Goulven, où ils mettoient leur bestail paistre ; un certain Soldat, habitué auprés, nommé Hervé Morvan, se voulut emparer de ce patis ; le Recteur & les Villageois s’y opposerent ; mais la force l’emporta. Un jour, ce Soldat voulant charruer ce lieu pour y semer son bled, le Recteur & les Paysans eurent recours à Dieu & à leur Patron saint Goulven, luy recommandant le merite de leur cause, sitôt que le Soldat eut commandé de traîner la charruë, un violent tourbillon s’éleva & emporta la charruë & le bestail, & ayant le tout enlevé en l’air, l’homme qui conduisoit l’œuvre se laissa cheoir à terre de telle roideur, que s’estant enferré du couttre de la charruë, il mourut sur le champ, & les chevaux effarez, ayans rompu leurs resnes & attaches, s’enfuïrent si loin, que, de huit jours aprés, on ne pût les retrouver, & cét inique usurpateur fut soudainement frappé de lepre, laquelle, en peu de temps, le défigura tellement, que ses propres domestiques & amis ne le pouvoient souffrir.
8 – Ce miserable, persistant toûjours en sa malice, commanda, un jour, qu’on luy allast querir du beurre frais chez une bonne femme en la Paroisse de saint Goulven, le serviteur y alla & emporta, par violence, tout le beurre qu’il y trouva, ce que voyant la femme, de dépit, cassa son pot vuide à la muraille, se plaignant de saint Goulven, qui ne l’avoit défenduë de la violence de ce garnement ; le même jour, qui estoit jeusne commandé de l’Eglise, ce compagnon, avec un sien amy, s’alla promener, l’aprés-disnée, chez un Païsan qui disnoit encore, & s’assit à table, contre l’avis de son compagnon, qui l’avisoit de ne rompre son jeusne, il ne tint compte de cét avertissement, prit un œuf & le pensoit avaller ; mais le morceau, luy demeurant arrété au gozier, l’étrangla & mourut sur le champ, quelque effort qu’on luy pût faire pour avaller ou rejetter ce morceau, ce qui luy arriva pour avoir usé de temerité & violence au Territoir de saint Goulven.
9 – Un jeune Religeiux Breton, nommé Frere Hervé, étudiant en Theologie en la Faculté de Paris, au Monastere de son Ordre, fut saisi d’une vehemente fiévre qui le contraignit d’interrompre le cours de ses études & s’en retourner au Pays ; il se fit conduire à la fontaine de saint Goulven, où estant avec nombre d’autres malades, sur la minuit précedant le jour du Dimanche, comme il dormoit, il entendit un grand bruit, comme de quelque grosse pierre qui fust tombée dans l’eau ; lequel bruit l’ayant éveillé, il se souvint des paroles de l’Evangile, quand il parle de cét Ange qui descendoit en la Piscine probatique en Jerusalem & y troubloit l’eau, &, sur cette pensée, il se recommanda à Dieu & à saint Goulven, &, en grande devotion, foy & reverence, beut de cette eau, &, tout à l’heure méme, receut sa parfaite santé.
10 – Le feu se prit en une maison, en la Paroisse de Ploüeskat, l’homme & la femme étans dehors & ayans enfermé trois de leurs enfans dans ladite maison ; le pere, voyant cét incendie, recommanda ses enfans à Dieu & à saint Goulven, & s’en retourna au logis qu’il trouva reduit en cendre, ses enfans sains & gaillards, seulement estoient leurs habits brûlez jusqu’à la ceinture.
11 – Un enfant noyé en une fontaine, en la Paroisse de Trevlès, porté par ses parens à saint Goulven & voüé au Saint, ressuscita sur le champ.
12 – Le feu s’étant épris au toict d’une maison, saint Goulven invoqué, s’étaignit incontinent.
13 – Une femme de la Paroisse de Plou-Neour-Trez, Diocese de Leon, portant un fardeau de toilles par la gréve, se rompit la cuisse, &, ne se pouvant retirer de là, elle fut surprise de la Mer, laquelle l’environna & investit de tous costez, s’éleva par sur elle sans la suffoquer, ny couvrir, d’autant qu’elle s’estoit recommandée à saint Goulven.
14 – Un Marchand de la méme Paroisse, estant allé en Cornoüaille à une foire, y acheta un jeune cheval, lequel s’échapa de luy vers Kerahes ; le Marchand, aprés l’avoir long-temps suivy en vain, se recommanda à S. Goulven, & se mist sur le rtour, &, si-tost qu’il arriva au logis, il trouva son cheval prés sa porte.
15 – L’an 1186, Guyhomar & Hervé, Vicomtes de Leon, ayans pris d’assaut la Ville & Chasteau de Morlaix, l’an suivant 1187, Henry, Roy d’Angleterre, descendit, avec une grosse Armée, à Saint-Paul, en dessein de prendre ladite Ville pour son fils Geffroy, Comte de Nantes, designé Duc de Bretagne, brûlant & pillant le plat païs. Comme les Anglois mettoient le feu és maisons & villages du Menehy de Saint-Paul, un bon homme voüa sa maison & tout son bien à saint Goulven, laquelle, nonobstant la rage des Anglois, fut seule épargnée, toutes les autres ayans esté reduites en cendre.

Vies des saints de la Bretagne Armorique par Albert Le Grand (1636) – Vè édition de 1901 – Quimper

Crédit photo : DR

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