Aujourd’hui maire du Mans, Stéphane Le Foll (PS) a été ministre de l’agriculture de 2012 à 2017 et vice-président de la commission agricole au Parlement européen de 2004 à 2012 ; il connaît donc bien la question. Il voit plusieurs causes à la crise actuelle. Ainsi, pour lui, cette situation est « le fruit d’un choix politique qui avait été fait par le syndicat majoritaire, la FNSEA, lors de son congrès au Mans en 2006. Ce choix transformait l’agriculteur chef d’exploitation en chef d’entreprise. En individualisant la relation entre le capital et le travail comme dans une entreprise, on a oublié un point essentiel : l’agriculture a dans son capital le vivant, la terre, qui ne se traite pas comme une machine, un outil comme les autres, qu’on achète et qu’on rentabilise.
En individualisant totalement le rapport entre le capital et le chef d’entreprise, l’emprunt pour s’installer est devenu le seul recours pour l’acquisition du foncier et des moyens de production. » (Marianne, 1er février 2014). Autre constatation effectuée par Le Foll : « La loi Egalim devait permettre à la grande distribution d’intégrer l’augmentation des coûts de production des agriculteurs. Or de quels coûts parle-t-on ? Ils ne sont pas les mêmes pour tous. De fait si le gouvernement veut être logique et considère que la grande distribution fait trop de marge, il faut une loi sur les marges. Ce serait plus cohérent même si je n’y suis pas favorable. » (Ouest-France, Pays de la Loire, mercredi 31 janvier 2024). On peut faire simple : un socialiste authentique pourrait proposer que les revenus des PDG des centres Leclerc, Intermarché et Système U soient publiés puisque ces entités effectuent un véritable service public, bénéficiant même d’un incontestable monopole après avoir laminé le petit commerce. Par revenus, il faut comprendre salaires, dividendes et avantages en nature ; les clients seraient étonnés…
L’Union européenne coûte plus cher qu’elle ne rapporte
Tout cela n’empêche pas Le Foll de prôner le maintien de la PAC : « Sortir de la PAC comme le souhaitent Jordan Bardella et le Rassemblement national, sous prétexte que nous sommes contributeurs nets et donc que nous versons plus à l’Europe que ce qu’elle nous retourne serait catastrophique. Car les contributeurs nets sont les premiers exportateurs sur le marché européen. Et donc les premiers bénéficiaires. Contribuer au budget de l’Europe, cela bénéficie à la France plus que cela ne lui coûte, contrairement à ce qu’affirme le RN. » (Ouest-France, Pays de la Loire, mercredi 31 janvier 2024). Il est bon de donner quelques chiffres, ce que ne fait pas Le Foll. Pendant la période 2023-2027, au titre de la Politique agricole commune, la France a perçu chaque année 9,29 milliards d’euros (Ouest-France, 27-28 janvier 2024). Mais, en même temps, elle versait au budget de l’Union européenne 24,230 milliards d’euros en 2022, et 26,234 milliards d’euros en 2021 (d’après la loi de règlement du budget pour l’année 2022) ; notons qu’il s’agit d’un prélèvement sur recettes au Profit de l’Union européenne et que ces versements ne figurent pas dans la loi de finances (budget général).
On peut également indiquer que l’excédent commercial de l’agroalimentaire français atteignait un niveau record en 2011 : 11,6 milliards d’euros ; mais seulement 8 milliards en 2010 (Les Echos, vendredi 24-samedi 25 février 2012). L’argument de l’exportation semble donc faible. D’autant plus qu’exporter des céréales vers les pays tiers (Algérie, Egypte, etc.), c’est se mettre en concurrence directe avec celles en provenance de Russie et d’Ukraine. A coup sûr, sans la PAC, la République française possède les moyens financiers de soutenir son agriculture et de privilégier le bio et l’installation de jeunes dans des fermes à dimension « familiale ». Surtout si le gouvernement oblige le Crédit agricole à se rappeler qu’il est d’abord « agricole » et à agir en conséquence…
Où est passée l’agroécologie ?
Il est bon de rappeler que « les subventions de la PAC accordées jusqu’à présent aux agriculteurs l’ont été en proportion de la surface disponible ou de la taille de leurs troupeaux et les ont donc incités à agrandir toujours davantage leurs exploitations et à spécialiser exagérément leurs systèmes de production agricole, de façon à rentabiliser au plus vite les lourds investissements pour lesquels ils sont grandement endettés. Avec malheureusement pour effet d’occasionner de très graves dommages à notre environnement : émission de gaz à effets de serre, algues vertes sur le littoral, pesticides résiduels dans les nappes phréatiques, surmortalité des abeilles et d’autres insectes pollinisateurs, perte considérable de biodiversité, érosion des sols, prolifération d’espèces invasives, etc. ». Voilà ce qu’explique Marc Dufumier, professeur honoraire à AgroParisTech (Le Monde, dimanche 23-lundi 24 février 2020). Stéphane Le Foll, lorsqu’il était arrivé au ministère de l’Agriculture, avait lancé un projet agroécologique … On ne peut pas dire que les actes ont suivi…
Réduire la taille pour augmenter le revenu : c’est la méthode que propose Guilhem Roux, ingénieur diplômé de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique et docteur en sciences économiques ; il s’est installé en Lozère, en 2018, en élevage ovin. « Les agriculteurs évoluent dans un milieu qui exige d’eux de produire toujours plus. Or, en tant qu’entrepreneurs, ce n’est pas forcément leur intérêt. Du point de vue de la science économique, le but d’un producteur n’est pas, en effet, de maximiser sa production, mais de maximiser son profit. Et ce n’est pas du tout la même chose (…) Du point de vue strictement économique, il n’est pas toujours de l’intérêt du producteur lui-même de produire plus. Pour une raison simple : passé une certaine taille, les coûts entraînés par une augmentation de la production dépassent les bénéfices que l’on peut attendre de cette croissance (…) Ceux qui, aujourd’hui, dans le monde agricole, semblent s’en sortir le mieux économiquement sur le terrain sont ceux qui ont changé de modèle et ont cessé de poursuivre cette course à l’agrandissement, en comprenant que l’important pour un entrepreneur n’est pas le chiffre d’affaires, mais la marge. Ils ont fait le choix de réduire leur production pour diminuer sensiblement leurs coûts ; ils ont investi dans la transformation et la commercialisation directe de leur production pour la valoriser. Ce faisant, ils sont redevenus maîtres de leurs marges et contrôlent leurs coûts. » (Le Monde, dimanche 4-lundi 5 février 2024). Voilà un discours qui nous rappelle celui d’André Pochon (Du champ à la source : retrouver l’eau pure, Coop Breizh, 1988. Les champs du possible. Plaidoyer pour une agriculture durable, Editions Syros, 1999. Etc.) et de Camille Guillou(Les saigneurs de la terre, Albin Michel, juillet 1997).
Bernard Morvan
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4 réponses à “Stéphane Le Foll (PS) est un grand défenseur de la PAC”
Encore un vendu au capitalisme,il est du coté de la fnsea qui a à la tête un milliardaire ! l’agriculture n’est pas une société en bourse,une production dans une entreprise est prévisible, l’agriculture est au jour le jour, M. le Foll continu d’êtres dans le parti socialiste avec ses certitudes, et sa non remise en cause ! tous comme Fabius, Flamby et tous les autres !! « DES RINGARDS » QUI POLLUENT LA POLITIQUE §
Bien d’accord avec Gautier. Il faut sortir de l’eurss et vite, elle a ruiné la France et Macronor continue à plus grande échelle.L’euro une vaste fumoisterie qui a fait multiplier les prix par 5,6, voire 10 Et plus de guerre , ah bon, sans blague?
on a constaté le justesse de décisions quand ce gars (et les autres socialistes) était au pouvoir
Stéphane Le Foll a eu raison de promouvoir l’agroécologie, mais c’est bien le seul point positif du quinquennat de François Hollande, un président grotesque et incompétent. Son successeur étant bien pire à tous points de vue, seul l’effet de contraste permet de ne pas maudire Hollande.