« Des désaccords politiques qui aboutissent à une allocation inefficiente des ressources publiques, au détriment du contribuable ». Voici une des conclusions de la Chambre régionale des Comptes, au sujet de la communauté de communes Centre Morbihan. « Le Centre Morbihan a connu une instabilité institutionnelle entre 2017 et 2021, dont il résulte une structuration tardive et encore incomplète de l’action intercommunale. Les désaccords politiques qui persistent au sein de l’actuelle Centre Morbihan Communauté aboutissent à une allocation inefficiente des ressources publiques, au détriment du contribuable » indique le rapport, dont voici la synthèse, ci-dessous
La chambre régionale des comptes Bretagne a procédé au contrôle des comptes et de la gestion de Centre Morbihan Communauté pour les années 2017 et suivantes. Le centre Morbihan se situe au nord des Landes de Lanvaux qui séparent le département du Morbihan d’est en ouest. Territoire largement rural, il comprend deux aires urbaines principales : Baud et Locminé. Il comptait une population de 44 000 habitants en 2021, en légère progression depuis 2016. Il bénéficie d’un tissu économique dense : 13 sites industriels agroalimentaires, pour la plupart répartis le long de la route nationale 24, autour desquels s’est structuré un écosystème de petites et moyennes entreprises et de 200 exploitations agricoles.
Une instabilité du périmètre intercommunal préjudiciable à l’élaboration d’un projet de territoire consensuel et à l’exercice complet des compétences
Le schéma départemental de coopération intercommunale du Morbihan de mars 2016 a retenu la fusion au 1er janvier 2017 des communautés de communes de Baud, Locminé et SaintJean-Brévelay, qui présentaient une cohérence géographique, économique et de bassin de vie. Toutefois, les élus des trois territoires ont mis en place la nouvelle collectivité, Centre Morbihan Communauté (CMC), avec réticence et sans réelle volonté de coopérer. Faute de consensus, CMC n’a arrêté aucun projet stratégique nouveau pour le territoire élargi, ni organisé la coopération sous la forme d’un pacte fiscal et financier et d’un schéma de mutualisation. De même, elle a défini en 2017 et 2018 un périmètre de compétences facultatives a minima, parfois en régression par rapport à celui des trois intercommunalités fusionnées. En pratique, elle a le plus souvent cherché à préserver des équilibres et des situations antérieures. Il en a résulté une sédimentation de pratiques historiques et d’arrangements à la carte, peu lisibles, dont l’objectif premier n’était pas d’allouer les ressources aux projets prioritaires du territoire ou de réduire les disparités entre les collectivités.
Ce contexte a perturbé la mise en œuvre des compétences de la nouvelle intercommunalité, parmi lesquelles la chambre a constaté plusieurs anomalies, notamment liées à une définition insuffisamment rigoureuse de l’intérêt communautaire. Ainsi, les zones d’activités et les pépinières d’entreprises communales n’ont pas toutes été transférées, et les communes ont continué de gérer une partie de leur voirie, en principe intégralement transférée à l’intercommunalité. La gestion partagée de l’espace culturel La Maillette est juridiquement fragile et peu efficiente. La déchetterie provisoire de Moréac continue d’être exploitée dans des conditions insatisfaisantes. Enfin, les aires d’accueil des gens du voyage restent à aménager. En 2021, les élus ont engagé une procédure de scission en deux intercommunalités, qui a pris effet au 1er janvier 2022, avec la création de Baud Communauté et Centre Morbihan Communauté. Il s’agit de l’une des deux seules intercommunalités de France dont la création en application des schéma départementaux de coopération intercommunale a constitué un échec au point d’être remise en cause
Une intercommunalité élargie, porteuse d’un effort d’investissement significatif, mais des équilibres de fonctionnement fragilisés par la scission
À défaut de projet de territoire, Centre Morbihan Communauté a mis en œuvre les programmes d’investissement des trois intercommunalités fusionnées, ce dont il a résulté un effort d’investissement soutenu, notamment avec la construction du centre aquatique de Baud et le développement économique du territoire. Pour le financer, elle a doublé son endettement, mais a également opportunément mobilisé son fonds de roulement pour préfinancer ses investissements dans les zones d’activités et l’immobilier d’entreprise et ainsi différer, voire limiter le recours à l’emprunt. Ses équilibres de fonctionnement sont restés solides. La scission au 1er janvier 2022 a engendré des surcoûts importants puisque les dépenses de fonctionnement agrégées des deux nouvelles intercommunalités sont supérieures de 20 % à celles de l’ancienne Centre Morbihan Communauté. Leurs équilibres financiers s’en trouvent fragilisés, en particuliers ceux de « Centre Morbihan Communauté 2 » dont la situation apparaissait dégradée au 31 décembre 2022. À cette date, sa dette demeurait néanmoins soutenable, de même que celle de Baud Communauté.
Une répartition inefficiente des ressources entre Centre Morbihan Communauté et ses communes, compensée par le recours accru à la fiscalité
Centre Morbihan Communauté s’est constituée à l’origine en 2017 à partir de trois intercommunalités dotées d’approches divergentes de la coopération intercommunale : la communauté de Baud privilégiait le soutien financier à ses communes membres, celle de Locminé avait développé une mutualisation avancée des services, et Saint-Jean Communauté reposait sur des équilibres à la carte avec les communes. Depuis 2022, les équilibres entre les deux nouvelles intercommunalités et leurs communes membres divergent de nouveau. Le territoire de Baud Communauté présente une répartition relativement homogène de la richesse, qui se traduit par des disparités réduites dans la situation financière des communes et par une distribution équilibrée des ressources entre les communes et l’intercommunalité. Dans ces conditions, l’intercommunalité a mis en place une solidarité financière à destination de ses communes membres, accordée de façon relativement équitable. En revanche, le territoire de Centre Morbihan Communauté 2, plus riche notamment du fait d’une plus grande concentration d’industries agroalimentaires, est plus divers. Il se caractérise surtout par la grande aisance financière de la plupart de ses communes, dont trois présentent les équilibres parmi les plus favorables de Bretagne. Cette situation contraste avec la dégradation financière enregistrée par l’intercommunalité en 2022
En dépit de ce constat, la fragilité des équilibres politiques et la conception minimaliste de la coopération intercommunale portée par certaines communes empêchent l’élaboration d’une stratégie financière cohérente et efficiente pour le territoire. Centre Morbihan Communauté a ainsi augmenté le taux des taxes foncières à trois reprises entre 2018 et 2023, alors qu’elle déploie au bénéfice des communes des dispositifs de solidarité dont la plupart d’entre-elles n’ont pas besoin. Alors qu’il s’est fixé pour objectif « une réduction de l’impact fiscal sur le territoire », le pacte financier et fiscal adopté par CMC 2 le 15 décembre 2022 élude le principal gisement de ressources dont dispose l’intercommunalité pour éviter le recours au levier fiscal : l’inversion de la solidarité communautaire par une mobilisation des ressources inemployées par les communes membres. Il en résulte une allocation non optimale des ressources communales sur le territoire, dont CMC 2 a répercuté les conséquences sur les contribuables. La chambre demande donc à CMC 2 et à ses communes membres de faire remonter vers l’intercommunalité une partie des ressources prélevées mais inemployées par les communes afin de se conformer au principe constitutionnel de nécessité de l’impôt, c’est-à-dire de proportionnalité aux besoins de l’effort demandé au contribuable. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que CMC 2, dont la population est vulnérable à la conjoncture économique, risque de devoir parallèlement relever les tarifs de services publics, dont les coûts et les besoins augmentent, notamment la gestion des déchets et l’assainissement collectif.
Le rapport dans sa version intégrale
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