Nous vous proposons dans cette rubrique de découvrir l’histoire des Saints Bretons. Les saints bretons désignent des personnalités bretonnes vénérées pour le caractère exemplaire de leur vie d’un point de vue chrétien. Peu d’entre elles ont été reconnues saintes par la procédure de canonisation de l’Église catholique (mise en place plusieurs siècles après leur mort), mais ont été désignées par le peuple, leur existence même n’étant pas toujours historiquement attestée. La plupart des vitae de saints bretons qui nous sont parvenues datent en effet des ixe et xe siècles ou ont été réécrites dans le contexte de la réforme grégorienne qui induit parfois les clercs à remodeler les documents hagiographiques, issus de traditions orales transmises aussi bien dans le vieux fond populaire que dans le milieu savant, dans leur intérêt (légitimation de la figure épiscopale, du bien-fondé d’une réforme d’une communauté monastique). Le développement du culte de ces saints se développe au Moyen Âge tardif lorsque plusieurs familles de l’aristocratie bretonne s’approprient les légendes hagiographiques en justifiant par des arguments généalogiques, de la protection particulière d’un saint ou de son adoption comme ancêtre de substitution dans leurs lignages.
Les historiens actuels éprouvent encore beaucoup de difficultés pour distinguer entre imaginaire et réalité. L’historicité des épisodes de la vie de ces saints reste ainsi souvent douteuse car ces épisodes se retrouvent dans l’hagiographie tels qu’ils apparaissent dans les coutumes ou dans le folklore. La structure même du récit des vitae se rencontre dans d’autres Vies de saints dont les auteurs reprennent généralement des « conventions littéraires d’un modèle biblique qui façonnait leurs modes de pensée et d’expression ».
En 2022, environ 170 saints bretons sont représentés, chacun par une statue, à la Vallée des Saints, en Carnoët.
Le 29 janvier, c’est la saint Gweltaz
Saint Gildas (490? – 570?) dit « Sapiens » (« le Sage » en latin), également appelé Gweltaz en breton, était un membre important et renommé du monde celtique chrétien dans l’île de Bretagne, ou Grande-Bretagne, d’abord, puis de Bretagne armoricaine.
Ordonné prêtre, il mit sa plume au service de l’idéal monastique. D’après des fragments de ses lettres il aurait écrit une « règle » monacale moins austère que celle qu’écrivit son contemporain gallois Saint David, et il y propose des pénitences moins dures en cas d’infraction à la règle. Au delà du personnage historique existe aussi une tradition légendaire du saint.
Le personnage historique
Dans son De excidio Brittaniae, Gildas mentionne le fait que l’année de sa naissance fut la même que celle de la bataille du Mont Badonicus (où participa le roi Arthur), c’est-à-dire aux environs de 490 (à une décennie près, car la date de la bataille n’est pas connue avec précision).
D’après David N. Dunville, Gildas fut le mentor de Vennacius de Findbarr, qui devint lui-même celui de saint Colomba d’Iona. Selon Thomas Stephen, saint Gildas aurait également été le père d’Aneirin.
Une biographie de Gildas fut écrite par Caradoc de Llancarfan au XIIe siècle, et d’autres furent composées en Bretagne, notamment à Rhuys. Ces dernières allèguent que Gildas était un des fils de Caw, roi de Strathclyde ; qu’il fut éduqué par Ildut de Llantwit à Llantwit Major, près de Cardiff ; il serait devenu fondeur de cloches de profession (il en aurait envoyé une à Saint Bride vers 519) ; en 520, après un pèlerinage à Rome (usage suivi par beaucoup de saints bretons) il passa sept années à l’abbaye de Rhuys en Bretagne. Il fut un an à la tête de l’abbaye de Llancarfan au Pays de Galles, en l’absence de son abbé, saint Cadoc. Après 528 il s’établit à Street, dans le Somerset (près de Glastonbury) et construisit une lan (forme bretonne) ou llan (forme galloise), ermitage comprenant église et enclos, dont le tracé serait encore visible à Holy Trinity.
Plus tard, (vers 544) il revint en Bretagne, à Rhuys, où il demeura jusqu’à sa mort, à l’exception d’un voyage en Irlande qui aurait eu lieu vers 565, d’après les Annales Cambriae, une chronique découverte dans un manuscrit contenant une version de Historia Brittonum.
Fuyant les envahisseurs normands, les moines de l’abbaye, emportant les reliques du saint, trouvèrent refuge auprès du seigneur de Déols (à côté de l’actuel Châteauroux), Ebbes le Noble, et une nouvelle abbaye de Saint-Gildas fut érigée en ce lieu. Celle-ci devint au début du XVIIe siècle une des plus riches du Berry, mais, après la sécularisation du monastère en 1622, les moines furent dispersés et l’abbaye détruite. Quelques vestiges de l’ancien cloître sont encore visibles aujourd’hui.
Il existe de nombreux mythes sur Saint Gildas, parfois difficiles à discerner de la réalité : Caradoc, dans sa biographie, le fait intervenir auprès du roi Arthur lorsque la reine Guenièvre se fit enlever par Meleagan. Il aurait convaincu les deux rois de faire la paix bien que le frère de Gildas ait été tué par Arthur. Il est difficile de savoir si cette anecdote est vraie, étant donné qu’elle date d’un manuscrit du XIIe siècle, et que l’existence même du roi Arthur et la nature de son pouvoir est incertaine.
On impute à Gildas la composition d’un cantique appelé la Lorica, ou encore le Plastron. Il s’agit d’une prière pour être délivré du mal, qui contient d’intéressants spécimens de latin hispérique (variante du latin crée par des moines irlandais au VIe siècle, utilisé jusqu’au XIIe siècle).
Les Annales Cambriae fixent la mort de Saint Gildas en 570 et les Annales de Tigernach en 569.
Le De Excidio Britanniae
Le De Excidio Britanniae (de la ruine de la Grande-Bretagne) est un sermon en trois parties écrit par saint Gildas dans laquelle il condamne les actions des rois contemporains, aussi bien laïcs que religieux.
La première partie est une introduction dans laquelle Gildas donne l’explication de son travail ainsi qu’un bref résumé de la Grande-Bretagne romaine, de la conquête des Romains jusqu’à son époque.
La seconde partie s’ouvre sur « La Grande-Bretagne a des rois, et pourtant ce sont des tyrans. Elle a des juges, et pourtant peu vertueux ». Gildas s’adresse alors à cinq de ses contemporains où il rappelle leurs vies et leurs actions : Constantine de Dumnonie, Aurelius Caninus, Vortipor des Demetae (aujourd’hui appelé Dyfed), Cuneglasus de la « forteresse de l’ours » (il s’agit probablement de Dinearth, près de Llandudno), et enfin Maglocunus (Maelgwn). Il les déclare tous cruels, cupides et pécheurs.
La troisième partie commence par : « La Grande-Bretagne a des prêtres, mais ce sont des imbéciles, de nombreux dévots, mais sans vergogne, des clercs, mais ce ne sont que des pilleurs ». Il continue le reste de son œuvre en fustigeant tout le clergé, mais sans nommer personne, ce qui rend difficile de bien comprendre l’influence de l’Église sur cette époque en Grande-Bretagne.
Le De Excidio Britanniae a longtemps représenté la Grande-Bretagne de l’époque comme une terre dévastée par les pilleurs et au système administratif corrompu. Cette vision soutenait en effet la thèse d’une civilisation romaine détruite par des barbares et expliquait pourquoi la Grande-Bretagne est l’une des rares régions de l’Empire romain qui n’ait pas adopté le latin (comme le fit la France, l’Espagne ou encore la Roumanie). Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il s’agissait avant tout d’une sorte de sermon que Gildas adressait à ses contemporains et non pas d’une chronique pour la postérité. Bien que Gildas nous offre une des premières descriptions du Mur d’Hadrien, il omet de nombreux détails quand ceux-ci ne sont pas pertinents quant au message qu’il veut faire passer. Son travail reste pourtant extrêmement important au point de vue des historiens et des linguistes, car il s’agit de l’un des rares documents du VIe siècle à avoir franchi les siècles.
L’héritage de Gildas
Dans les années qui suivirent le De Excidio, le travail de Gildas fut un modèle pour les écrivains Anglo-saxons, que ce soit en latin ou d’autres langues. Par exemple, l’Historia ecclesiastica de Bède le Vénérable se repose énormément sur Gildas pour sa version des invasions anglo-saxonnes, et en tire l’implication que la faveur divine perdue des Bretons fut retrouvée par les Anglo-saxons après leur christianisation. À une époque ultérieure, les écrits de Gildas devinrent le modèle d’Alcuin dans son travail sur les invasions vikings, en particulier ses lettres sur le pillage de Lindisfarne de 793.
En fait, certains ont vu dans les travaux de Gildas l’idée que l’évangélisation et la réforme morale pouvaient constituer un rempart contre la barbarie et les invasions. C’est la thèse que reprend Wulfstan de York sur Gildas, dans ses sermons.
La légende de Saint Gildas
En l’an 536 vivait au large du Morbihan, dans l’îlot d’Houat, alors inculte et désert, un saint ermite du nom de Gildas, qu’on disait fils d’un roi d’Angleterre. Gildas (en breton Gweltaz) était né à Arecluda (Dumbarton) à la fin du IVe siècle, dans une famille chrétienne. Tout jeune, il avait été confié à l’abbaye du célèbre abbé Iltud, où il avait reçu une formation très complète. Il était venu là de son pays pour prier Dieu dans la retraite. Les prières de ce saint étaient puissantes au ciel, et ses conseils venaient à bien sur la terre : aussi chacun accourait demander ses prières et ses conseils. Plusieurs même apportaient de riches présents pour le rendre à eux plus favorable mais il leur disait: «Remportez cela.» Et comme eux ne voulaient pas, il jetait les précieux objets à la mer : car il n’y avait pas de pauvres dans l’île, à qui il pût les donner.
Il y vivait tout seul, dans une caverne, et n’avait pour se coucher qu’un lit d’herbes marines; et pour sa nourriture, il mangeait le poisson qu’il allait pêcher ; il n’avait qu’un mauvais bateau à demi défoncé ; mais bien qu’en ces lieux la mer soit orageuse, il ne lui était jamais arrivé mal;: car la main de Dieu était sur lui. Il faisait cuire le poisson sur des feuilles sèches, et une petite source lui fournissait de l’eau; il vivait ainsi, sans pain, ni vin, ni viande, et depuis, quoique grand et renommé parmi le monde, il vécut toujours aussi sobrement.
Comme l’île d’Houat est loin de la grande terre, plusieurs faillirent se noyer en allant visiter le saint homme, et lui, voyant cela, leur dit;: « Ne venez plus. » Mais eux répondirent : « Homme de Dieu, nous périrons plutôt que de ne plus vous entendre et vous voir.» Gildas alors pensa dans son cœur que mieux valait quitter sa retraite que d’exposer à mal les âmes et les corps de tant de gens. Il dit donc aux premiers qui vinrent le trouver: «Y a-t-il une place dans votre bateau?» Ceux-ci répondirent qu’il y en avait une. Alors le saint leur dit : « Je partirai avec vous. » Très réjouis de cette nouvelle, ils bénirent Dieu de ce que le saint homme avait pris la résolution de vivre parmi eux.
Gildas s’embarqua aussitôt, n’emportant rien avec lui que la croix de bois qu’il avait plantée devant la porte de sa caverne. Il traversa la mer heureusement, et vint aborder au lieu qui s’appelle aujourd’hui de son nom Saint-Gildas-de-Rhuys. Cependant ceux qui l’avaient amené commencèrent à rassembler tous les gens du pays environnant, criant à tous que le saint venait habiter parmi eux. Ils en eurent beaucoup de joie : car ils espéraient que Dieu bénirait leur pêche et leurs poissons à cause de son serviteur Gildas.
Ils préparèrent une grande fête à l’ermite ; mais lui, sans s’arrêter à boire ni manger avec eux, leur dit : « Je dois aller parler au comte de Vannes : qui de vous me veut conduire ? » Et plus de dix alors s’offrirent à le mener : il en choisit deux, et, ayant marché la nuit entière, il arriva à Vannes au lendemain, comme le soleil s’allait lever. Or le comte de Vannes s’appelait Guérech ; c’était un homme juste et craignant Dieu, qui révérait aussi ses ministres, quand ils étaient fidèles à leurs promesses, c’est-à-dire s’ils se montraient pieux, humbles, détachés, consolateurs des malheureux et défenseurs des petites gens, comme était Gildas. Quand le comte apprit l’arrivée du saint, il allait partir pour chasser tout le jour dans la forêt de Rhuys ; mais il dit : « Je n’irai point : car je veux voir l’homme de Dieu. »
Il fit donc entrer Gildas, et lui dit : « Que me voulez-vous, bon Père ? » Gildas lui répondit : « Monseigneur, vous êtes le maître du pays : donnez-moi une hutte et quelques pieds de terre au bord de la mer, pour y vivre en priant Dieu. » Guérech lui répondit : « J’ai ce qu’il vous faut. Reposez-vous aujourd’hui ; demain nous irons au lieu où je vous veux mettre. » Et toute la journée ils s’entretinrent ensemble avec un grand plaisir. Le lendemain, le comte ayant mené Gildas au lieu même où il avait débarqué, lui dit : « Vous voyez ce château près de la mer, et les champs qui sont autour : je veux que tout cela soit vôtre. »
Mais Gildas ne voulait pas accepter, et il disait : « Comte, c’est trop pour moi ; si les serviteurs de Dieu devenaient si riches, ils répandraient sur le peuple moins de grâces que de scandale. » Le comte insista, lui disant : « Ceci est pour vous, mais non pour vous seul : s’il y a dans ce pays des hommes pieux qui veuillent y vivre selon une règle, avec vous, et travailler au salut de nos âmes, vous les recevrez. Car il y a déjà des monastères aux pays de France et d’Italie, et je veux qu’il y en ait également en ma comté ; s’il n’y avait gens savants et pieux pour contenir les hommes armés et leur imposer le respect, nous autres, comtes et ducs, aurions trop beau jeu pour pressurer et vexer le pauvre peuple. » Alors Gildas accepta, et ainsi fut fondé le monastère qui fleurit encore à l’ombre de son nom et de ses vertus. Il en fut le premier abbé, et y vécut jusqu’à la fin de son âge ; il fit beaucoup d’actions saintes et miraculeuses, tant après sa mort que durant sa vie, desquelles je rapporterai une seule, qui est la plus grande et la plus célèbre.
Le comte avait une fille, nommée Trifine (ou Tréphine). Sa beauté était merveilleuse, et plusieurs qui dans leurs songes avaient vu la Vierge Mère, affirmaient qu’elle n’était presque pas plus belle que Trifine ; et celle-ci était aussi très bonne aux pauvres et très vertueuse. Elle avait dans le saint ermite une entière confiance, et ne prenait conseil, après son père, que de lui.
Or il arriva que Conomor, comte de Plusigner, vit Trifine à l’église de Saint-Gildas, où l’avait attiré le bruit des miracles du saint homme, et il fut si fort épris de sa beauté qu’il alla tout aussitôt la demander en mariage à son père. Guérech fut alors en très grand embarras : car Conomor était un homme féroce et violent, connu pour ses cruautés et ses débauches ; il avait eu déjà plusieurs femmes, et, s’en étant dégoûté, les avait fait périr : il disait alors qu’elles étaient mortes par accident, et si quelqu’un osait le contredire, il le tuait.
Guérech craignait cependant, s’il refusait Trifine à Conomor, d’attirer sur elle et sur lui la vengeance de ce méchant homme. Il demanda conseil à Trifine ; laquelle, ayant beaucoup pleuré, dit enfin : « Répondez-lui que nous ferons ce que le saint nous dira de faire. »
Conomor, ayant reçu cette réponse, alla trouver Gildas et lui dit : « Homme de Dieu, si vous dites à Trifine de m’épouser, j’agrandirai votre monastère et vos champs. » Mais Gildas lui dit : « Je ne conseillerai point à Trifine de t’épouser : car je sais que tu es un méchant homme, que tu as tué déjà trois femmes que tu avais épousées. » Alors Conomor eut bien envie de se jeter sur le saint pour le tuer ; mais comme il était hypocrite encore plus que cruel, il se contint et dit d’une voix soumise : « Il est bien vrai que j’ai péché, mon Père ; mais Dieu m’a converti a lui. – Comment puis-je croire à ce que vous dites ? lui répondit Gildas. – Imposez-moi quelque épreuve. – Eh bien, vous resterez ici comme un frère novice, priant Dieu, pleurant vos fautes, et vivant d’herbes sauvages. »
Conomor intérieurement se dit : c’est bien dur : mais je ferais plus encore pour avoir la belle Trifine, et je n’ose l’enlever de force. Et durant un an tout entier, il resta dans le monastère, et fut si doux, si pieux et si obéissant, que chacun fut émerveillé. Gildas lui-même, ayant cru qu’il était vraiment converti, rendit grâces à Dieu et vint dire à Trifine : « Il faut avoir pitié du pécheur qui revient à bien : épousez Conomor, ma fille, si le veut ainsi votre père, et achevez de le convertir. » Trifine aurait bien voulu résister, mais elle n’osa penser autrement que le saint homme. Elle épousa Conomor, et ils vécurent trois mois en parfaite union ; tant que Trifine elle-même espérait qu’elle serait aimée toujours. Mais sur ce temps, il advint que Conomor, ayant vu au pays de Quimper une autre femme, qui était aussi fille du comte du pays, il la trouva plus belle que Trifine et commença à désirer de l’épouser.
Pour se débarrasser de Trifine, il employa une ruse infâme : il feignit de croire qu’elle lui avait été infidèle ; et comme elle disait simplement : « Montrez-moi que je suis coupable, » il répondit : « Vous allez mourir. » Il l’enferma dans un cachot très noir, qui avait une porte de fer et une petite fenêtre étroite. Et l’ayant laissée là sans rien lui donner à boire ou à manger, il se réjouissait en pensant qu’elle mourrait bientôt de faim.
Mais Trifine, ayant par miracle réussi à briser les barreaux de la fenêtre, s’enfuit par là comme la nuit venait, et courut bien fort vers la ville de Vannes, qui était à vingt-cinq milles du château de Plusigner. Mais Conomor, s’étant aperçu de sa fuite, fit seller son meilleur cheval et se mit à la poursuivre. Il pensait bien qu’elle était allée chercher secours auprès de son père ; et ayant tourné vers la ville, il l’atteignit comme elle était déjà en vue des murailles. Elle, aussitôt qu’elle l’aperçut, tombant à genoux, s’écria : « Merci, Monseigneur. » Mais Conomor, sans même lui laisser un moment pour prier Dieu, lui plongea son épée dans le cœur, et, la laissant à terre, il retourna vers son château.
Qui pourrait dire la douleur et les gémissements de Guérech, alors qu’on lui apporta le corps sanglant de sa fille. Il pleura deux jours et deux nuits, sans parler ni manger ; et, le troisième jour, comme sa douleur était un peu apaisée, il pensa que c’était Gildas qui lui avait conseillé de marier Trifine à Conomor, et il conçut contre lui une terrible colère. Il le fit venir à Vannes, et, dès qu’il l’aperçut, il l’accabla d’injures, et lui dit : « N’es-tu pas le complice de Conomor, et n’est-ce pas toi qui m’a conseillé de lui donner Trifine ? Je te chasserai de mes terres ; je défendrai à quiconque tient à la vie de te donner à manger ; et si tu es vraiment l’homme du ciel, Dieu te nourrira. » Et il pleurait amèrement, en disant : « Je me vengerai, oui, je me vengerai, mais cela ne ressuscitera pas mon enfant. » Alors le saint lui dit : « Ayez foi en Dieu ; j’ai failli dans mon conseil, mais Dieu exaucera les prières de son serviteur. »
Et s’étant mis à genoux devant le cadavre, il pria durant tout le jour ; et le soir, ayant touché la blessure que Trïfine avait au cœur, il la guérit ; ayant touché ses yeux, il les rouvrit ; et l’ayant prise par la main, elle commença à marcher, et à saluer son père et tous ceux qui étaient là. Alors ils se prosternèrent aux pieds du saint, criant « Miracle ; il a ressuscité celle qui était morte ». Mais lui s’arracha du milieu d’eux ; et, étant sorti son bâton à la main, il commença à faire le tour de la Bretagne. Et par toutes les villes où il y avait des évêques, il leur disait : « Dans un mois soyez à Vannes. » Et au jour dit, ils y furent ; car ils obéissaient tous au saint homme, encore qu’il n’eût aucun pouvoir sur eux.
Le saint leur raconta les crimes de Conomor et sa fausse conversion, et il dit : « Il a péché et il a feint le retour, et il a péché derechef : ne mérite-t-il pas d’être anathème ? » Et tous les évêques s’écrièrent : « Qu’il soit anathème. » Depuis ce jour la force de Conomor sembla tombée ; et tous ceux qui le craignaient, s’enhardirent ; et les voisins puissants qu’il avait outragés s’unirent contre lui, Guérech à leur tête, et le chassèrent du château de Plusigner ; nul ne voulut le recevoir, et il mourut misérablement. Trifine, pour se dérober à la curiosité d’une multitude de gens qui venaient du monde entier voir en elle le miracle du saint, se retira en l’évêché de Tréguier, au village qui porte aujourd’hui le nom de Sainte-Tréphine. Elle y vécut dans la piété et les saintes œuvres, et mourut longtemps après dans un âge fort avancé. Ses vertus et les grâces particulières dont elle avait été l’objet la firent déclarer sainte après sa mort.
Cette histoire authentique de la vie et des miracles de saint Gildas a été composée sur les lieux mêmes, et, d’après les traditions du pays, par deux écoliers de l’université de Paris ; laquelle Dieu et saint Gildas aient toujours en leur garde et protection.
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2 réponses à “A la découverte des Saints Bretons. Le 29 janvier, c’est la saint Gweltaz”
http://karrikell.over-blog.com/article-saint-gildas-en-pays-de-retz-59827028.html
Voici l’article que j’avais composé sur st gildas
Merci pour ce bel article illustré sur St Gildas, un saint d’exception.