La politique est une activité ingrate. Au second tour des élections législatives de 2017, bénéficiant de la vague macroniste, Valérie Oppelt de Keréver (La République en marche) est élue député de la circonscription de Nantes-centre ; cette femme, jusque-là inconnue, qui se présente comme « entrepreneuse » (cadre dans une PME), succède à Marie-Françoise Clergeau (PS), une habituée de la politique locale qui ne se représentait pas. Persuadée qu’une grande carrière politique s’ouvre devant elle, elle se bat pour conduire la liste macroniste aux élections municipales de 2020 – une liste « d’union des centres, des écologistes et des progressistes, dans la filiation du président de la République » (Dimanche Ouest-France, Loire-Atlantique, 17 mars 2019). « Le système actuel est un peu verrouillé, ancien. Le PS tient la ville depuis plus de trente ans. Il faut donner de l’air. Le bilan de Johanna Rolland est plutôt celui de Jean-Marc Ayrault (PS). Elle n’a pas réussi à proposer une vision, une ambition pour l’avenir. Les Nantais adorent leur ville mais pointent les problèmes de sécurité, de propreté », affirme Valérie Oppelt qui se présente comme une « députée de terrain » ayant « acquis une certaine légitimité » (Presse Océan, jeudi 19 septembre 2019)
Mais la dynamique macroniste de 2017 a disparu et le député de Nantes-centre en fait les frais lors des élections municipales de 2020. Au premier tour (15 mars 2020), la liste « Nantes en confiance» (gauche, Johanna Rolland) arrive en tête (22 713 voix, 31,36 %), suivie par la liste « Mieux vivre à Nantes » (droite, Laurence Garnier) avec 14 437 voix (19,94 %). Arrive ensuite la liste « Nantes ensemble » (écolo, Julie Laernoes) avec 14 181 voix (19,58 %). Et en quatrième position, on trouve la « députée de terrain » : sa liste « Nantes avec vous » n’obtient que 9 418 voix (13 %). Le second tour (28 juin 2020) ne fait que confirmer le résultat du premier tour. La liste « Ensemble Nantes en confiance » (Johanna Rolland et Julie Laernoes) gagne ces élections municipales (34 107 voix, 59,67 %). La liste « Mieux vivre à Nantes » (Laurence Garnier) occupe la seconde place (15 781 voix, 27,61 %). Avec « Nantes avec vous », Valérie Oppelt ferme la marche (7 267 voix, 12,71 %) et obtient quatre élus (Valérie Oppelt, Mounir Belhamiti, Sarah El Haïry, Erwan Huchet) ; on remarquera que d’un tour à l’autre, la « députée de terrain », devenue conseillère municipale d’opposition, a perdu 2 000 voix (9 418 voix/7 267 voix) ; son score, bien que faible, lui apparaît « une bonne nouvelle. Cela prouve que notre jeune mouvement, qui a tout juste trois ans, a su se faire une place. On a gardé les électeurs qui nous ont fait confiance au premier tour alors qu’habituellement, dans une triangulaire, la personne en troisième position s’écroule » (Presse Océan, lundi 29 juin 2020). Faute de bonnes lunettes, Mme Oppelt ne voit pas que deux mille électeurs du premier tour l’ont abandonnée au second.
Valérie Oppelt va se battre contre « le diable »
L’ingratitude des électeurs se poursuit lors des élections législatives de 2022. La « députée de terrain » est battue par un Insoumis (Andy Kerbrat, salarié d’un centre d’appels) – sans doute n’avait-elle pas fait assez de « terrain » ! Au premier tour, par rapport à 2017, elle perd 4 800 suffrages (19 160 en 2017/14 350 en 2022). Au second, par rapporte à 2017, elle perd 1 700 suffrages (21 542 en 2017/19 809 en 2022). Le commentaire de la sortante qui vient d’être sortie : « C’est la cata […] Clairement, on va dans le mur… Comme quoi le travail ne paye pas. » Valérie Oppelt considère qu’il s’agit d’un « vote de rejet, dans un contexte de ras-le-bol des crises à répétition ». Pour autant, ce n’est pas fini : « Je me battrai, notamment contre Johanna Rolland qui a signé avec le diable. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 20 juin 2022)
C’est dans ces conditions que la conseillère d’opposition (indemnité mensuelle de 302 euros brut) essaie de se faire remarquer au conseil municipal de Nantes. Ainsi, lors de la séance du vendredi 8 décembre, elle s’en prend à l’usage du breton dans l’enceinte. Pierre-Emmanuel Marais (UDB), adjoint en charge des transports et déplacements, des relations internationales et de l’accueil des nouveaux Nantais, se félicite que la Ville de Nantes s’engage dans le niveau 2 de la charte Oui au breton ; il le fait en breton. « En entendant du breton dans l’enceinte du conseil municipal, l’élue En marche (aujourd’hui Renaissance) s’est crispée et a réclamé à plusieurs reprises, sans allumer son micro, que le discours soit en français. Johanna Rolland, la maire, a été obligée d’interrompre l’intervention de Pierre-Emmanuel Marais-Jégat pour rappeler à l’ordre Mme Oppelt et lui signifier que les prises de parole de chacun doivent être respectées.» (Le Peuple breton, janvier 2024)
Se croyant malin, son équipier Mounir Belhamiti (Renaissance), député de Nantes-Orvault et conseiller municipal d’opposition, prend tout de suite la parole pour rappeler l’article 2 de la Constitution de la Ve République : « La langue de la République est le français. » (Le Peuple breton, janvier 2024). Il est facile de lui répondre avec l’article 75-1 : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Une école Diwan dans la circonscription de Belhamiti
Le lendemain, Pierre-Emmanuel Marais-Jégat s’est fendu d’une lettre ouverte pour dire à Mme Oppelt qu’en presque dix ans de mandat, il n’avait jamais été interrompu. « Aujourd’hui, je pense aux ouvriers et ouvrières de Chantenay, mon quartier, qui pour certains sont venus travailler avec la seule langue bretonne comme bagage et cette honte d’être méprisés pour ce qu’on est. » (Le Peuple breton, janvier 2024)
On imagine facilement le désespoir de Valérie Oppelt et de son associé Mounir Belhamiti en apprenant l’ouverture d’une école primaire Diwan à Orvault… « Les langues régionales doivent rester vivantes. Pour cela, il faut que ces langues bénéficient d’une visibilité dans l’espace public et surtout donner la possibilité aux enfants de les parler », explique Jean-Sébastien Guitton (écolo), maire d’Orvault (Presse Océan, mardi 12 décembre 2023).
Bernard Morvan
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