Dans le désert de la création bretonne contemporaine (qui n’inclut donc pas les productions des boutiques à touristes tournant en dérision notre identité), le lancement du collectif Eon Avel en 2021 ne pouvait passer inaperçu.
Revendiquant son inspiration du mouvement Seiz Breur, Eon Avel, dont « l’idée fondatrice fut nourrie par un amour pour la Bretagne plus que jamais jaillissant », indique sur son site vouloir rendre de la Bretagne « une image plus sincère, plus spirituelle, moins touristique, et ainsi contribuer à la survie de notre culture ».
Pour y parvenir, les deux jeunes Bretons initiateurs du collectif produisent des œuvres protéiformes, des estampes aux peintures en passant par les gravures et autres travaux calligraphiques sur divers supports (bois, lino, cuivre, pierres… ). Une partie de ces travaux sont proposés à la vente en ligne.
Eon Avel, une « sensibilité purement bretonne »
On ne peut également qu’approuver le propos lorsqu’Eon Avel, expliquant sa démarche, affirme qu’ « un peuple ne peut pas survivre uniquement sur les traces du passé, il faut inventer et continuer d’exprimer la Bretagne dans des formes nouvelles, infusées par le temps présent ».
Bien qu’étant « la source à laquelle nous revenons systématiquement chercher notre eau», le collectif d’artistes estime que « la Bretagne ancienne telle qu’elle est restée figée doit évoluer ». Aussi, il tient à ce que ses « travaux soient teintés d’une sensibilité purement bretonne et contemporaine ».
Là encore, une ambition louable à la condition d’être capable de clairement définir ce qui est bon ou néfaste pour l’identité bretonne dans cette sensibilité contemporaine.
Identité bretonne : une culture nationale tournée en dérision
Par ailleurs, au hasard des pérégrinations sur le YouTube breton, nous avons découvert une chaîne tenue par l’un des membres d’Eon Avel. Celle-ci, intitulée Breizh a yud (« Bretagne hurlante), a publié une douzaine de vidéos en l’espace d’un an.
La dernière, mise en ligne le 14 janvier dernier, mériterait d’être diffusée auprès de bon nombre de ces acteurs économiques (des commerçants aux offices de tourisme) n’hésitant pas à ridiculiser l’identité bretonne dans ses différentes composantes « pour donner au touriste ce qu’il a envie de voir », comme le note à juste titre l’auteur de la vidéo ci-dessous.
En l’espace de 30 minutes, celui-ci réalise une mise au point salutaire sur les différentes dérives marketing ayant progressivement transformé une culture nationale en une pourvoyeuse de blagues potaches pour T-shirts, mugs et paillassons…
« Il faut arrêter d’imiter le breton bête et débile ! »
Mais la vidéo pointe également du doigt un phénomène plus grave (et triste) : la reprise des codes de cette perpétuelle réduction au comique de la culture bretonne par les Bretons eux-mêmes.
« Il faut arrêter d’imiter le breton bête et débile ! » martèle la voix off. Laquelle s’en prend un peu plus tard au caractère « détestable » de ces Bretons aux repères identitaires flous qui fatiguent leur monde avec leur « bretonnité » répétée à la moindre occasion. « Bretonnité » se résumant chez ces acculturés à revendiquer une consommation excessive d’alcool et de beurre salé.
Ce même public répétant à l’envie que « le Mont-Saint-Michel est breton » et qu’un « Breton qui ne boit pas est un espion » est, comme le note également l’auteur de la vidéo, bien incapable d’expliquer ce qui sépare fondamentalement l’identité bretonne de l’identité française une fois son éventail de blagues épuisé.
Pour le reste, difficile également de ne pas valider les critiques du membre d’Eon Avel à l’encontre des « boomers Facebook » et de leurs montages photos à base de Bigoudènes peu à leur avantage qui ne sont finalement qu’une insulte à ces générations de femmes « dont on ne sait finalement que peu de choses ». Outre le fait que la coiffe du Cap Caval n’est que l’une des innombrables coiffes que comptait la Bretagne.
Voilà qui est dit !
« Pourquoi cherche-t-on autant à être différent ? »
Terminons enfin par un conseil à l’auteur de la vidéo. Ce dernier s’interroge, vers la 18e minute : « Dans le fond, pourquoi cherche-t-on autant à être différent ? » ajoutant qu’en tant que Bretons, « nous ne sommes pas des Français comme les autres ».
Un état de fait qui serait, selon lui, « peut-être inscrit dans notre mémoire intergénérationnelle », ou « peut-être pas explicable ».
Mais il pourrait toutefois aller chercher une explication du côté de l’héritabilité de cette « âme bretonne » qui se transmet avant tout par le sang, vieux trait caractéristique des nations ethniques en opposition aux nations de papier et à leur droit du sol dont la République française est l’exemple le plus accompli.
Sans ces liens du sang, point de « mémoire intergénérationnelle » qui ne puisse survivre dans une Bretagne qui, rappelons-le, continue d’exister sans être dotée d’un État depuis 500 ans. Quid de la France multiculturelle et de ses « citoyens du monde » d’ici un demi-millénaire si demain la structure étatique faisant péniblement tenir l’ensemble venait à disparaître ?
Si « nous ne sommes pas des Français comme les autres », c’est bien parce que la culture découle de la biologie et non l’inverse…
0:00 Introduction
5:31 L’image comique
8:49 La bigouden, amuseuse de galerie
13:47 La consommation d’alcool excessive comme dernière particularité avant la mort
16:30 Chercher à rester différents quand on nous a rien transmis
19:37 Creusons la Bretagne, approfondissons -là
24:45 Esthétiques datées et perte de l’esprit créatif
25:57 Les t-shirts humoristiques
30:56 Un tamm spi
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “« Il faut arrêter d’imiter le breton bête et débile » : un membre du collectif Eon Avel publie une vidéo d’utilité publique [Vidéo]”
Quelle belle prise de conscience.!
Agissons pour une contagion positive.