Chypre a une fois de plus insisté auprès de Bruxelles pour que la Syrie, ou du moins certaines parties du pays, soit désignée comme « sûre » afin d’accélérer les retours des migrants illégaux. Cet appel a été lancé lors d’une visite dans le pays de la commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, le mardi 9 janvier. Toutefois, la fonctionnaire européenne a refusé de s’engager à répondre à la demande de Nicosie, a écrit le Cyprus Mail.
Comme d’autres Etats membres méditerranéens, Chypre a connu dernièrement des flux migratoires « sans précédent« , a averti le ministre de l’Intérieur du pays, Constantinos Ioannou, après la réunion. En raison de sa proximité avec la Syrie, a expliqué M. Ioannou, l’île est exposée à « un nombre disproportionné de migrants illégaux arrivant de la région, ce qui exerce une pression sur notre système d’accueil ».
Par conséquent, le ministre a appelé à une révision du statut de la guerre civile syrienne et à désigner le pays, ou des parties spécifiques, comme « zones de sécurité« , ce qui permettrait aux États membres de l’UE de faciliter les retours de manière plus efficace. En fait, Nicosie fait campagne pour une telle mesure depuis des mois, mais ses appels semblent tomber dans l’oreille d’un sourd.
Ajuster le statut migratoire de la Syrie « n’est pas facile, c’est pourquoi nous en avons discuté et continuerons d’en discuter », a répondu Mme Johansson, ajoutant qu’elle pensait que seul le nouveau pacte sur les migrations pouvait résoudre le problème.
Pour sa part, M. Ioannou a remercié la commissaire d’avoir rapproché le pacte sur les migrations de son terme, même si son gouvernement n’est pas entièrement convaincu que le programme de relocalisation envisagé suffise à résoudre les problèmes de Chypre.
Par rapport à sa taille, en tant que pays insulaire comptant un peu moins d’un million d’habitants, Chypre est le pays le plus menacé par l’immigration clandestine parmi tous les États membres. Actuellement, 5,5 % de la population totale sont des demandeurs d’asile ou ont déjà bénéficié d’une protection internationale.
Néanmoins, Nicosie montre l’exemple à tous les autres États membres en matière de gestion des flux migratoires importants.
Jusqu’à présent, la politique des quatre piliers de Chypre, qui consiste à réduire le nombre d’arrivées, à moderniser les infrastructures, à accélérer les procédures de demande d’asile et à augmenter les expulsions et les retours volontaires par le biais d’incitations financières, semble porter ses fruits. L’année dernière, le nombre d’arrivées et de demandes d’asile a chuté de 50 %, mais principalement en provenance de la partie nord de Chypre occupée par les Turcs, tandis que les arrivées par la mer restent un problème important.
En outre, il a été révélé en décembre que Chypre est devenu le premier et le seul pays de l’UE à avoir réussi à faciliter plus de retours que le nombre de migrants qu’il a reçus en 2023. « Le fait qu’en 2023, nous ayons eu un taux de retour et d’arrivée de 116 % est remarquable, surtout si l’on tient compte de la situation dans le reste de l’Europe », a affirmé M. Ioannou.
Néanmoins, cela pourrait ne pas suffire aux Chypriotes fatigués des bateaux de migrants syriens qui atteignent leurs côtes. Les efforts renouvelés du gouvernement pour désigner au moins certaines parties de la Syrie comme sûres s’inscrivent dans le contexte d’une série d’événements violents dans le pays, qui témoignent d’une pression interne croissante pour faire face à la situation.
En septembre dernier, une marche contre l’immigration s’est transformée en émeute violente dans la ville portuaire de Limassol, au sud du pays, où une petite partie des manifestants a attaqué des habitants musulmans et saccagé des commerces du Moyen-Orient, ce qui a entraîné l’arrestation de 13 personnes.
Vendredi dernier, les bureaux du groupe local de soutien aux migrants Kisa ont été détruits lors d’un apparent attentat à la bombe à Nicosie. L’attentat n’a fait aucun blessé, mais les auteurs sont toujours en fuite.
Si la société chypriote condamne ces actes de violence, la majorité du pays a toujours des opinions bien arrêtées sur les migrants illégaux. Dans un sondage représentatif réalisé par le HCR l’année dernière, plus de la moitié des personnes interrogées ont estimé que tous les réfugiés devaient être renvoyés chez eux, tandis que 83 % ont déclaré que le gouvernement n’avait plus la capacité d’accepter des demandeurs d’asile et 87 % ont estimé qu’il devait mettre en place une limite supérieure pour les réfugiés.
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