La Bascule du monde : quelques données économiques à prendre en compte

En 2000, le PIB cumulé des 5 pays devenus BRICS en 2008 (2 736 milliards de $), représentait près du quart de celui des USA (10 250) plus du tiers de celui des 27 pays membres de l’UE d’aujourd’hui (7 270). Le 1er Janvier 2024, après élargissement, ce PIB cumulé aura été multiplié par plus de 11 (à 30 700 milliards de $). Il aura dépassé celui des USA en 2022 (25 040) et distancé très largement celui d’une UE sans le Royaume Uni. Tiré par des croissances indienne et chinoise, prévues à 6,3 % et 5 % en 2023, ce PIB cumulé des BRICS continue de croître 4 fois plus vite que celui de l’occident US-UE.

La création de la banque des BRICS et de l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank), l’entrée en 2016 du Yuan (RMB) dans le panier des devises de réserve du FMI, la dédollarisation progressive, mais qui s’accélère, des échanges internationaux, la mise en place fin 2016, par la Chine, d’outils nationaux pour les transferts électroniques boursiers et monétaires, la création, par les BRICS, d’une agence de notation non anglo-saxonne, vont bousculer toujours plus les règles de gouvernance économique mondiale héritées de Bretton Woods. Cette montée en puissance des BRICS et de leur projet suscitent intérêt et soutien dans de nombreux pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’ Asie, lassés de la tyrannie économique et politique imposée par le monde USAOTAN, en témoignent le nombre important de nouveaux candidats. Qu’on le veuille ou non, ces évolutions vont se faire au détriment de la «coalition occidentale».

Avec l’élargissement des BRICS au 1er janvier 2024, elles pourraient être beaucoup plus rapides qu’on ne le croit aujourd’hui et reléguer le monde USA-OTAN-AUKUS-UE-G7+ en deuxième division, à moyen terme, d’autant qu’on peut compter sur la Russie qui va prendre la Présidence des BRICS dans 8 jours pour accélérer le processus d’élargissement et de dédollarisation qui suivra. Les gouvernances de l’occident global ont toutes les raisons de s’inquiéter sur l’avenir de leurs pays, d’autant que dans la vraie vie la comparaison des PIB ne devrait pas se faire en dollar nominal, mais en dollar PPA (Parité de pouvoir d’achat) . Cette comparaison en dollar PPA montre un tableau encore plus sombre que le diagramme ci dessus

En parité de pouvoir d’achat, le PIB/PPA cumulé des pays BRICS aura été multiplié par plus de 7 entre 2000 et le 1er Janvier 2024. Le PIB des USA et de l’UE n’ont été multipliés que par 2,5. Depuis 2022, le PIB/PPA des BRICS est désormais supérieur aux PIB/PPA cumulés des USA et de l’UE. Autrement dit les pays BRICS avancent deux fois à trois fois plus vite que nous sur l’autoroute de la croissance. Que ce soit en PIB dollar nominal ou en PIB/PPA. Et surtout, la dynamique reste de leur côté et creuse l’écart à notre détriment depuis le début de l’opération spéciale russe en Ukraine, avec les Mozarts de la finance qui dirigent les économies européennes en se tirant des balles dans le pied tous les matins et en appliquant des sanctions boomerangs qui accélèrent la capacité des russes à vivre en totale autonomie dans un cercle de pays amis solides. Cela veut dire que l’économie mondiale a déjà basculé dans le camp des BRICS et que l’écart va se creuser avec l’arrivée des nouveaux candidats qui sollicitent leur accession aux BRICS. Vladimir Poutine qui présidera les BRICS au 1er janvier 2024, se fera un plaisir de favoriser cet élargissement pour bien montrer à l’occident que « les carottes sont cuites ».

D’autant plus que la crise sanitaire COVID, les guerres en Ukraine et en Palestine ont affecté l’image et la cohésion de la coalition USA-UE-OTAN-AUKUS-G7 bien davantage qu’elle n’ont affecté les pays BRICS. Si les populations des BRICS ont été globalement des fourmis travailleuses, sobres et frugales et le demeurent plus que nous, les pays de l’occident US-UE, pays de cigales en déclin, vont devoir apprendre à leur tour la sobriété et la frugalité et retrouver la valeur travail. La vie à crédit et la finance virtuelle auront des limites et nous allons devoir réapprendre à vivre selon nos moyens, c’est une certitude. L’ampleur des dettes et des déficits budgétaires et commerciaux qui ne cessent de se creuser dans un contexte de quasi-stagnation voire de récession des économies occidentales éloignent la perspective et la plausibilité d’un éventuel rebond. Les difficultés ne sont pas derrière nous, mais devant nous.

J’ajoute, pour une bonne lecture du tableau ci dessus, que les prévisions pour 2028 d’un FMI, contrôlé par les occidentaux, sont probablement, comme elles le sont toujours et depuis très longtemps, beaucoup trop optimistes pour les occidentaux et largement sous évaluées pour les BRICS. La croissance de la Russie, par exemple, était prévue à 0,7 % pour 2023 par le FMI en début d’année. Elle devrait être de 3,5 % en fin d’année. A l’inverse, l’Allemagne était prévue en croissance pour 2023 en Janvier, elle sera en récession de l’ordre de 1 % en Décembre. Jamais la bascule du centre de gravité économique mondial n’aura été aussi rapide.

La dette des occidentaux.

A la fin de l’année 1990, lors de l’effondrement pour raison économique de l’ex Union soviétique, la dette US n’était que de 3 200 milliards de $, son déficit budgétaire de 220 milliards de $, son déficit commercial de 102 milliards de $, son taux d’endettement de 59% du PIB.

En fin 2023, la situation a considérablement changé. La dette US tangente aujourd’hui les 34 000 milliards de $, le déficit budgétaire US est de 1 911 milliards de $ et continue d’augmenter. Le déficit commercial US est de 1 045 milliards de $.

Le taux d’endettement US est supérieur à 135 % du PIB. 

Avec de telles données macro-économiques, la confiance dans la monnaie « dollar », jusqu’alors universelle, est clairement en voie d’effondrement sur la planète entière d’autant que la puissance militaire qui soutenait la suprématie économique US mais aussi l’image de l’hégémon US ont pris du plomb dans l’aile avec la gestion de la crise sanitaire Covid et celle des guerres en Afghanistan, en Ukraine et en Palestine. Les sanctions économiques et le gel ou le vol des avoirs de tous ceux qui refusaient de se soumettre (Iran, Syrie, Afghanistan, Russie, Libye, Venezuela …) par les banques occidentales a terni la réputation de ces dernières et a éveillé la méfiance de la Chine qui se débarrasse progressivement des créances américaines en dollar. Ce manque de confiance se matérialise clairement. En janvier 2014, la Chine était le premier créancier des USA au monde et détenait 1 275 milliards de $ de la dette états-unienne. Depuis le coup d’État de Maïdan, clairement perçue par la Chine comme visant la Russie, la Chine a commencé à réduire ses avoirs en dollars US. En juin 2019, la Chine a donc laissé sa place de premier créancier des USA au Japon. Puis, après le début de l’opération spéciale russe en Ukraine et suite aux provocations répétées des USA en mer de Chine, la Chine a accéléré la remise sur le marché des bons du trésor US. Elle détenait encore 1 013 milliards de $ en mars 2022, elle n’en détenait plus que 769 en octobre 2023 (dernier chiffre connu) et probablement beaucoup moins aujourd’hui.

L’hégémonie US, le monopole du dollar, l’extraterritorialité du droit US sont donc aujourd’hui contestés avec succès par des pays toujours plus nombreux qui s’organisent en dehors du système FMI, Banque Mondiale, Dollar, OMC, mis en place au sortir de la 2ème guerre mondiale et qui n’ont plus peur de l’OTAN et de l’arsenal de sanctions économiques généralement appliquées aux récalcitrants, par l’occident otanien. S’agissant de l’Europe, très endettée elle aussi à plus de 15 000 milliards d’euros, elle entrera en récession en 2024 et payera le prix fort de ses sanctions boomerang, d’autant que le monde entier la regarde patiner dans le bourbier ukrainien, exprimer une russophobie contreproductive et soutenir un état voyou génocidaire en Palestine et la politique d’apartheid qui y est appliquée. En conclusion, l’occident otanien semble bien s’enfoncer inexorablement sur la voie d’un déclin qui s’accélère. Le projet mondialiste patine.

Il souffre du discrédit des hommes politiques qui cherchent encore, envers et contre tout, à le promouvoir en Europe et ailleurs.

L’année 2024 sera plus chaude en termes électoral et politique que les précédentes. Il y aura des bouleversements qui pourraient bien nous surprendre

D. Delawarde.

Illustrations : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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16 réponses à “La Bascule du monde : quelques données économiques à prendre en compte”

  1. Brasseur Nicolas dit :

    Bonjour
    Il n est malheureusement pas possible de signer la pétition
    Il y a un but et on ne peut pas valider.
    Dommage
    Nicolas Brasseur

  2. louis dit :

    notre pib avec une monnaie archi dévaluée comme le dollar d’ailleurs vaut- il encore quelque chose , n’oublions pas que la monnaie des brics n’est pas dévaluée et est indéxée a l’or ce qui n’est aps la meme chose !

  3. Pschitt dit :

    Il faut comparer ce qui est comparable, pas des choux et des carottes. Surtout quand vos choux cumulent en fait choux verts, choux-fleurs et choux de Bruxelles. Vous semblez considérer le monde comme un espace partagé entre deux géants. Mais l’OTAN et les BRICS n’ont pas pour vocation de gouverner le monde. Ce ne sont même pas des alliances de même nature : l’une gère une alliance militaire, l’autre une concertation économique. Chercher à les comparer est du temps perdu, tout autant que de comparer le PIB de la Ligue 1 et celui de la fédération des joueurs d’échecs. Sans doute, les BRICS visent en partie à un affichage pour dire « on est les plus riches » (et vous leur servez très bien la soupe), mais considérer ce bric à brac comme un ensemble est conceptuellement absurde. Entre les blancs russes, les jaunes chinois et les noirs sud-africains, par exemple, il y a un monde culturel. La Chine et l’Inde se détestent, de même que l’Iran et l’Arabie saoudite, nouveaux adhérents. L’essor du PIB de cet agrégat artificiel depuis vingt ans est avant tout celui de la Chine. Et vous semblez considérer l’appartenance de la Russie aux BRICS comme une force pour elle, mais c’est surtout le constat d’un terrible déclin : la voilà à la remorque de la Chine alors que l’URSS était l’une des superpuissances mondiales voici un demi-siècle.

    • JMAD dit :

      L’URSS n’a jamais été l’une des superpuissances mondiales. Ce fut en 1917 une création des US visant à neutraliser le développement d’un pays qui aurait pu les concurrencer ; le don de l’Europe de l’Est à Staline lors de la conférence de Téhéran en novembre 1943 a amplifié ce stratagème destructeur. Une stratégie similaire est utilisée actuellement avec succès pour neutraliser l’Europe.

      • Pschitt dit :

        L’URSS n’a pas été créée en 1917 mais en 1922. Détail qui donne une impression mitigée de votre analyse géopolitique.

    • Maury dit :

      Vous avez raison : on a tous noté le fort taux de croissance des pays occidentaux, leur élévation du pouvoir d’achat, leur supériorité militaire, leur cohésion sociale et la satisfaction des populations !
      Il est temps de vous réveiller.

  4. Asinus dit :

    Très clair article, comme d’habitude, du Général Delawarde, dont on se rappelle les synthèses mensuelles remarquables au moment du Covid. Pourquoi n’avons-nous que des minables au pouvoir?

  5. Remi Lassiaille dit :

    Quand vous traitez Israël d’état voyou génocidaire en Palestine et la politique d’apartheid qui y est appliquée, vous décrédibilisez le reste de votre article. Israël est le seul pays démocratique dans cette région du monde et si vous allez en Israël, il n’y a pas de ségrégation. Par ailleurs c’est un pays qui en temps de “paix” se reçoit tous les jours des roquettes (donc des bombes). Ils ont été très lintelpa patients avec leur voisins qui ne cherche depuis toujours que le genocide de leur voisin juif

    • jmad dit :

      Je confirme ! Les musulmans ne veulent pas de la solution à deux états mais tout le territoire entre Jourdain et Mer, cf la charte du Hamas. Les Israéliens sont donc confrontés régulièrement au Hamas ou à l’OLP. Sont-ils voyous pour avoir décolonisé un pays qui fut le leur avant d’être colonisé par de multiples envahisseurs, les derniers étant les Britanniques qui avaient pris le pouvoir sur les Ottomans à la chute de l’empire Turc après la guerre de 14-18.

    • Maury dit :

      Est ce que tout le monde a le droit de vote dans votre démocratie idéalisée ?
      Gaza = génocide, fin du débat.

      • kaélig dit :

        Je ne connais pas les subtilités de la démocratie Israélienne, en tout cas, parmi les 13 pays arabes du Yémen au Maroc qui ont inscrit dans leurs Constitutions comme l’Iran d’ailleurs: »L’Islam est la religion de l’Etat », aucun n’est reconnu comme une démocratie malgré les tentatives avortées du « printemps arabe ».

      • zedoby_56 dit :

        Gaza = génocide ? Vous voulez dire que les Gazaouis veulent éradiquer les juifs ? Le Hamas, oui, certainement, mais il ne représente pas toute la population de Gaza.

  6. Le Celte dit :

    Est ce que c’est vrai que la Chine vit une des plus grosse crise de l’immobilier ?
    Le plus gros acteur de ce secteur serait en faillite . Les politiciens et les dirigeants peuvent faire dire n’importe quoi aux chiffres .

    • mouchet dit :

      Exactement comme celle des « subprimes » des USA qui fit perdre à l’Europe 6’000 milliards et qui n’est pas encore terminée car le trou financier de 16’000 milliards est toujours là.

  7. mouchet dit :

    Excellente analyse économique agrémentée de guerres pour soit soumettre soit affaiblir depuis l’aube de l’humanité donc rien de nouveau. Les USA veulent diminuer la Russie mais se sont plantés royalement même avec leur génocide de guerre virologique et bactériologique de virus SARS COV 2 infectant la Russie, puis pour faire perdre à l’Europe 8’000 milliards en économie. L’Europe assimile très mal ses dettes et doit laisser le dollars s’éditer avant l’euro. Bref c’est exactement le contraire qui se passe et même au delà puisque les BRICS ont 9 nouveaux membres et 20 autres pays attendent et l’OTAN 2 pays forcés par la peur engendrée par les USA .Donc en conclusion c’est l’armement et la force armée des USA qui impose la dictature du dollars Dettes des BRICS environ 8’000 milliards, l’ occident en comptant tout plus de 310’000 milliards dont et avec les hors bilans bancaires des USA le tout irremboursable. Juste la France à 4’000 milliards de dettes les USA non pas 34’000 officiels maquillés mais plus de 48’000 milliards réalistes. Bref la chute de l’Empire Romain fait place à l’effondrement de l’occident. Une monnaie physique que l’on ne pas imprimer l’OR prouve incontestablement le refuge au grand effondrement. Les commentaires rêveurs comme Pschitt font doucement rigoler mais il en faut pour plumer les naïfs . L’occident donc se défend bec et ongles contre tous les pays des BRICS refusant le dollars guerres épidémies au programme. Ceux qui tenter de s’associer contre le dollars comme l’IRAK LYBIE SYRIE ont tous été anéantis avec 2,2 millions de morts. L’Empire romain faisait la même chose.

  8. Henri dit :

    « et nous allons devoir réapprendre à vivre selon nos moyens, c’est une certitude. […] Les difficultés ne sont pas derrière nous, mais devant nous. » Belle clairvoyance. Et quel dommage que Delors ne voie jamais la dégradation économique de sa chère UE en 2024, ça lui aurait donné un urticaire du plus bel effet ! ☺

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