Dernier volet de notre focus sur la Lettonie, avec cette fois-ci, un gros plan sur le sport en Lettonie. Là-bas, le sport national, c’est le Hockey sur glace. Et plus globalement, les sports liés à la neige. Ski de fond, bobsleigh, luge (avec le site dédié de Sigulda, site qui a un potentiel olympique) et même biathlon (un lieu d’entrainement spécial pour ce sport est situé à côté de Cesis, mais un autre existe aussi ici) sont les pratiques courantes des jeunes et des moins jeunes en Lettonie. Pendant que nous nous déplaçons en vélo, eux se déplacent parfois, en pleine ville, à ski.
Mais c’est du côté du hockey sur glace que la Lettonie du sport vibre énormément, bien plus que pour le football, qui séduit essentiellement les enfants russophones, et qui n’a pas un grand niveau international. Depuis 2017 la principale ligue se nomme Optibet hokeja līga à la suite d’un partenariat commercial avec Optibet. Et depuis 2022, la ligue accueille des équipes de Lituanie et d’Estonie, pour former une sorte de championnat des Pays baltes, véritable vivier pour des joueurs qui vont ensuite parfois jouer dans les deux principaux championnats renommés dans le monde : la KHL (la ligue russe de hockey sur glace, qui attire les stars européennes même si la guerre avec l’Ukraine a un peu changé la donne) et bien entendu, la NHL, la ligue professionnelle de hockey en Amérique du Nord, la compétition la plus prestigieuse dans le monde.
Et c’est d’ailleurs un de ses anciens pensionnaires, une ancienne gloire du hockey sur glace en Lettonie, et même un précurseur (il fut le premier Letton à remporter la Stanley Cup avec les Colorado Avalanche, et joua aussi pour les Sharks ou les mythiques Mighty Ducks), que nous avons eu le plaisir de rencontrer et d’interviewer pour évoquer sa carrière : Sandis Ozoliņš. À vos crosses !
Breizh-info.com : Quand avez vos découvert et vous êtes-vous passionné pour le Hockey sur glace ?
Sandis Ozoliņš : J’étais très jeune. Mes parents m’ont d’abord inscrit au patinage artistique, comme ma soeur, et mon frère. Mais j’ai rapidement compris que le hockey sur glace m’intéressait bien plus que le patinage artistique. Tout le monde y jouait. J’ai d’abord commencé goal, puis j’ai changé de poste. Cela est devenu une passion.
Breizh-info.com : C’était pendant l’occupation soviétique c’est bien ça ? (NDLR : Sandis est né en 1972, en pleine occupation soviétique de la Lettonie). Quelle était l’attitude des dirigeants soviétiques par rapport au sport en Lettonie, par rapport au Hockey sur glace en particulier ?
Sandis Ozoliņš : L’Union soviétique était une énorme machine sportive, en général. Que ce soit pour le Hockey sur glace ou pour la plupart des sports. Ils voulaient les meilleurs sportifs partout. Dans tous les domaines. À cette époque, il y avait beaucoup d’opportunités dans le domaine du sport.
Breizh-info.com : Y’avait-il autant de patinoires, d’arenas, qu’aujourd’hui ?
Sandis Ozoliņš : C’était à peu près pareil. Nous avons toujours eu des grands stades pour le sport. Y compris pour le basketball, pour le football. La grande bagarre était pour savoir quel sport allait attirer le plus d’enfants.
Breizh-info.com : Nous étions hier au match entre le Prizma Riga et Zindal. On nous expliquait qu’actuellement, les familles russophones préfèrent que leurs enfants fassent du football, et les familles lettones préfèrent que leurs enfants jouent au hockey. Est-ce le cas ?
Sandis Ozoliņš : Oui d’un côté ça doit être vrai, je ne sais pas quel est le pourcentage de ces différences communautaires. Mais je ne pense pas que l’on puisse généraliser là-dessus, comme je ne peux pas l’infirmer. Aujourd’hui, les enfants s’identifient surtout à des stars mondiales, que ce soit au hockey, au football, au basket-ball, et veulent faire pareil. Et il y a eu de l’engouement récemment en Lettonie, l’an passé, quand nous avons terminé troisième des championnats du monde de hockey sur glace. Cela a inspiré des enfants, ou leurs parents pour leur faire faire du hockey.
Breizh-info.com : Vous avez battu les USA aux championnats du monde avant de finir troisième. C’était comme une victoire, je suppose, pour la Lettonie cette compétition ? Quand vous étiez joueur, vous avez joué pour la Lettonie, mais jamais atteint ce niveau si ? Est-ce que cette troisième place va changer quelque chose pour le hockey en Lettonie selon vous ?
Sandis Ozoliņš : Sur le long terme, il faut un plan. La victoire est belle. Mais pour que quelque chose change, en général, dans notre système sportif, il faut avoir une continuité, un développement. Pour avoir les résultats que nous voulons avoir, au niveau national, international. Cette troisième place doit être le commencement de quelque chose, mais il faut une organisation, un projet.
Breizh-info.com : Pour revenir à vous. Vous avez commencé à jouer dans des équipes locales en Lettonie. Puis vous êtes arrivé aux USA, en NHL, juste après l’indépendance de votre pays. Comment est-ce que cela a été possible ?
Sandis Ozoliņš : Sous l’Union soviétique, on ne pouvait même pas rêver de jouer aux USA. On ne savait pas ce que c’était. Nous étions enfermés. Nous ne pouvions même pas imaginer ces rêves. Nos rêves étaient d’être dans une bonne équipe de l’URSS, et de jouer pour l’Union soviétique (c’était déjà un gros rêve puisqu’à l’époque, seul un joueur letton avait joué dedans). Nous ne rêvions pas plus loin que ça. Nous ne connaissions même pas la NHL, hormis certains joueurs lors des championnats du monde où on nous présentait les rencontres face aux USA comme celles face à l’ogre capitaliste. Mais nous n’avions pas d’information, nous ne connaissions pas les exploits de Wayne Gretski par exemple.
Quand j’ai été drafté en NHL, en 1992, aux San José Sharks, après l’indépendance, je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire, de comment ça se passait. Je ne savais même pas où était San José.
Breizh-info.com : Votre premier club aux USA a donc été San José Sharks… (il a joué ensuite pour Colorado, Carolina, Florida, Anaheim, Nex York Rangers)..
J’avais 19 ans. Le club avait une grande culture, une grande attraction autour de lui. J’arrivais dans un monde totalement différent de chez moi, spécialement pour le hockey sur glace. Nos stades faisaient 3000 places, aux USA c’était déjà 15-17 000 places. Il y avait des reportages sur les matchs. Je n’avais jamais donné une interview. Je ne savais pas quoi dire (rires). Nous avions une structure énorme. Sous l’Union soviétique, votre coach était le tout puissant. Aux USA, vous pouviez lui parler, échanger avec lui. C’était étrange. J’avais tellement de respect pour l’autorité que ça m’a paru incroyable.
La deuxième saison, je crois, j’ai été sélectionné pour le All star game (entre les meilleurs joueurs américains de la NHL et les meilleurs étrangers). Je n’avais aucune idée de ce que c’était ni de ce que ça représentait. Les journalistes me demandaient ce que j’attendais de ce match : je ne savais pas quoi dire. J’avais 20 ans. Il y a eu beaucoup de situations parfois comiques, parfois un peu plus mauvaises.
Breizh-info.com : Vous étiez le premier joueur letton à jouer en NHL ?
Sandis Ozoliņš : Non, il y avait eu un autre joueur à être arrivé avant.
Breizh-info.com : Quand vous êtes arrivé, d’autres Européens ont aidé à votre intégration ?
Sandis Ozoliņš : Oui. Car le premier problème était la langue. Je ne parlais pas anglais. Je ne comprenais pas les consignes du coach, les stratégies, ce qu’on attendait de moi. J’ai du me former, et très rapidement, et j’ai été aidé.
Breizh-info.com : Avez-vous eu peur finalement, dans un monde que vous ne connaissiez pas du tout, dans un système totalement différent de celui dans lequel vous aviez été éduqué ? Beaucoup d’argent, beaucoup de matchs aussi chaque saison, il y a de quoi faire tourner la tête à un gamin non ?
Sandis Ozoliņš : Non. J’étais justement trop jeune, trop inexpérimenté, trop stupide pour prendre conscience de tout ça. Je n’ai jamais eu cette peur que quelque chose pouvait mal se passer. Mon innocence m’a protégé de ça. Je n’avais pas peur. J’ai profité. Plus tard, ça m’a peut être fait peur, mais j’ai fais mes erreurs, j’ai forgé ma propre expérience. Je me suis dis que tout était possible.
Breizh-info.com : Vous aviez la réputation, notamment en remportant la Stanley Cup, d’être un des meilleurs finisseurs de la ligue. Quand vous avez remporté cette coupe, avec les Colorado, qu’avez-vous pensé, avez-vous réalisé ?
Sandis Ozoliņš : Oui, je savais que c’était une consécration, une compétition majeure. Non dans le sens où une saison de NHL est un éternel recommencement. Il faut retourner au combat, l’année d’après, et encore, et encore… et travailler dur, toute l’année. Je n’ai réalisé finalement que bien plus tard. C’est un trophée très dur à gagner
Breizh-info.com : Pourquoi êtes-vous allé dans d’autres franchises après ? Le système américain semble particulier ?
Sandis Ozoliņš : Oui j’ai été drafté. On ne décide pas là où nous allons en NHL. Il y a une question économique derrière. Pour mon premier transfert entre San José et les Colorado, j’étais à une réunion quand on m’a appelé en me disant « Demain, tu joues pour les Colorado, on t’envoie tes tickets ». Mais c’était marrant.
Breizh-info.com : Mais du coup, il n y a aucun attachement à un club, à son identité ?
Sandis Ozoliņš : C’est un autre modèle économique. Mais ça a évolué. À une époque certains joueurs pouvaient faire carrière dans le club de leur rêve, tout du long. Mais il y a eu un nouveau modèle économique. Avec de nouvelles recherches de performances. Vous jouez pour une équipe, et c’est votre équipe. Point. Cela prend du temps à être compris parfois. Mais vous devez donner le meilleur, car vous êtes professionnel. On vous paye pour ça. C’est votre travail. Et peu importe quel emblème ou quel nom vous portez. Vous êtes là pour jouer au hockey sur glace. Au départ, c’est dur de comprendre cela, ce processus. Mais on s’y habitue. On n’y pense plus ensuite. C’est votre carrière.
Breizh-info.com : Après votre carrière en NHL, vous êtes rentré en Europe finir votre carrière sportive (au Dynamo Riga), comment vous êtes-vous senti de retour au pays ?
Sandis Ozoliņš : J’étais très content de rentrer. Je voulais rentrer depuis un an. J’avais de nouvelles opportunités. J’ai joué à un niveau totalement différent qu’en NHL, et c’était même un hockey sur glace différent. Je me suis réjoui de ces perspectives différentes. J’étais plus libre, moins de pression. J’ai aimé tous les niveaux auxquels j’ai joué. J’ai aussi joué mon dernier match durant les Jeux olympiques (il a fait ceux de Salt Lake City, Turin, pour finir à Sochi en 2014).. C’était un aboutissement.
Breizh-info.com : Avez-vous aujourd’hui l’impression d’être un ambassadeur du sport dans votre pays et vis-à-vis de l’extérieur ? Que des jeunes s’identifient à vous ?
Sandis Ozoliņš : Je ne pense pas. Le sport est comme un théâtre. Il apporte des émotions aux gens. Ils veulent vibrer, ils veulent s’amuser en le regardant. Certains sportifs leur apportent du bonheur, mais quand ils jouent. Et si vous les rendez heureux, alors vous avez rempli votre mission. Ils se souviennent de vous ensuite. Sans doute que des jeunes s’identifiaient à moi. Mais je vais vous rêveler un secret (rires) : plus maintenant. C’est normal, il y a des nouveaux joueurs, des nouvelles stars. Les enfants vivent avec leur temps, ils ne s’identifient plus à des joueurs des années 90, c’est la vie. Peut-être que les plus vieilles générations se souviennent. Parfois les parents me disent qu’ils ont mis leurs enfants au hockey grâce à moi. Mais c’est tout.
Breizh-info.com : Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le sport dans votre pays, et sur le hockey sur glace ?
Sandis Ozoliņš : Je regarde beaucoup de matchs de hockey, car ça fait parti de mon travail vu que je suis employé par une équipe de NHL (Colorado). Je regarde parfois d’autres sports, comme ça, mais très peu. Je connais mal. Je n’ai pas cette passion pour suivre un sport à la télévision. J’aime jouer, j’ai pratiqué, mais ça n’est pas ma passion de suivre les grandes compétitions ou le sport en général. Je joue beaucoup au Golf par contre (rires) maintenant ! Je n’ai d’ailleurs pas beaucoup poussé mes enfants dans le hockey. Ils choisiront. C’est à eux de choisir désormais.
Propos recueillis par YV
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Une réponse à “Il fût le premier joueur de Lettonie à remporter la Stanley Cup (NHL). Interview de Sandis Ozoliņš”
Bel article évoquant le Hockey sur Glace , un sport brillant et spectaculaire , malheureusement trop peu médiatisé en France