Arte vient de diffuser un reportage en trois parties sur l’Irlande du Nord et la question des Troubles. Nous vous invitons vivement à visionner cet excellent reportage qui se déroule de la fin des années 1960 à l’accord de paix du 10 avril 1998,
« Quand j’étais jeune, l’Irlande du Nord était constamment à la une […]. Devenu adulte, j’étais capable de comprendre les grandes lignes politiques qui sous-tendaient cette litanie de violence, de meurtres et de souffrances, mais après ma rencontre avec des Irakiens, je me suis rendu compte que je n’avais aucune idée de ce que ressentaient les gens qui avaient vécu cette histoire chaotique. » Fidèle à sa méthode, éprouvée notamment dans sa précédente série documentaire Il était une fois en Irak, James Bluemel s’est appuyé sur un riche matériau d’archives pour retrouver des femmes et des hommes de tous bords (ex-membres de l’IRA, des milices unionistes ou des troupes britanniques, enfants et conjoints de personnes assassinées ou emprisonnées…) dont la vie a été changée à jamais par le conflit. Les confrontant à ces images du passé, il leur a demandé de se replonger dans leurs deuils, leurs blessures, leurs combats, pour en livrer leur part de vérité. À nouveau, ce récit choral et intime des « f…ing troubles« , comme les appelle amèrement l’une des protagonistes, en offre une version inédite, qui permet de comprendre comment la violence de l’histoire façonne les destins individuels et s’imprime au plus profond des êtres. La beauté des archives et la finesse du montage, quant à elles, restituent de façon poignante la réalité de cette guerre « de voisinage », de famille à famille, qui a majoritairement frappé la working class, des prolétaires partageant la même culture ouvrière voire, parfois, les mêmes cages d’escalier.
Tous les épisodes sont à retrouver ici
Premier volet : 1969, les manifestations pacifiques pour les droits civiques des catholiques sont réprimées violemment par une police majoritairement protestante…
De la fin des années 1960 à l’accord de paix du 10 avril 1998, dit « du Vendredi saint », les « troubles » qui ont opposé l’Armée républicaine irlandaise (IRA) aux forces militaires et policières britanniques et aux milices unionistes en Irlande du Nord ont causé plus de 3 500 morts, pour moitié des civils, sur quelque 1,5 million d’habitants. Ils ont aussi dressé l’une contre l’autre les populations catholique et protestante de l’Ulster et profondément bouleversé le destin des trois générations ayant subi dans leur chair une guerre de basse intensité qui n’a jamais dit son nom.
Ce premier épisode retrace le basculement dans une violence de plus en plus prégnante quand, en 1969, les manifestations pacifiques pour les droits civiques des catholiques, sous-représentés dans les instances politiques locales en raison d’un système électoral biaisé, sont réprimées violemment par une police majoritairement protestante. La tension dégénère en émeutes, suivies de l’arrivée des troupes britanniques, chargées de rétablir l’ordre. Accueillies avec du thé et des gâteaux par les deux camps, celles-ci sont peu à peu assimilées par les catholiques à une force ennemie d’occupation, dont les méthodes deviennent de plus en plus brutales à mesure que l’IRA multiplie les attentats, ciblant notamment soldats et policiers. Au « Bloody Sunday » (« dimanche sanglant ») du 30 janvier 1972, au cours duquel la police tire sur une foule pacifique à Londonderry (14 morts), vient répondre en juillet la série d’attentats à la bombe (9 morts) du « Bloody Friday », commanditée par l’IRA en représailles…
Le deuxième épisode est centré sur l’interminable grève de la faim lancée le 1er mars 1981 par des membres de l’IRA incarcérés dans la prison de haute sécurité de Maze (« labyrinthe » en anglais) pour obtenir le statut de détenu politique.
Malgré la mort après soixante-six jours de jeûne de Bobby Sands, qui avait entre-temps été élu député, la Première ministre Margaret Thatcher reste inflexible, et neuf autres grévistes périssent. La popularité du mouvement paramilitaire et de sa branche politique, le Sinn Fein, est à son comble.
Dernier volet : début des années 1990, la société nord-irlandaise est lasse, mais nul ne sait, de part et d’autre de Falls Road et Shankill Road (grands axes de Belfast majoritairement et respectivement peuplés de catholiques et de protestants), comment stopper le cycle ininterrompu de meurtres et de représailles.
En octobre 1993, en réponse à un attentat à la bombe qui a tué neuf personnes sur Shankill Road, des miliciens protestants tirent au hasard dans un bar catholique, faisant sept morts. L’escalade se poursuit pendant quelques jours, mais cette semaine sanglante provoque un sursaut en faveur de la paix. Il faudra encore plus de quatre ans de pourparlers pour parvenir à un accord, et une génération supplémentaire pour commencer à oublier trente ans d’une guerre qui n’a épargné aucune famille…
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