Le jeune médiéviste Emanuele Arioli a mis dix ans à recomposer un roman perdu de la légende arthurienne. Ce documentaire reconstitue en parallèle sa patiente quête du Graal et, en animation, les aventures arrachées à l’oubli du chevalier Ségurant.
C’est en 2010, à la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, que le médiéviste italien Emanuele Arioli découvre dans un manuscrit du XVe siècle, Les prophéties de Merlin, un épisode inconnu du cycle arthurien : les aventures du chevalier Ségurant, condamné par la fée Morgane à poursuivre un dragon imaginaire. S’agissait-il des vestiges d’un roman de la Table ronde ? Du pays de Galles à la Suède en passant par l’Italie, le jeune chercheur est parti sur les traces de ce héros oublié afin de percer le mystère de ses origines. Probablement inventé par un auteur du nord de l’Italie qui écrivait en français, Ségurant serait le fruit de la rencontre entre légendes celtes et sagas germaniques ou vikings, son personnage s’inspirant des chasseurs de dragons Siegfried et Sigurd. Obsédé par sa quête, Emanuele Arioli a par ailleurs arpenté les bibliothèques d’Europe dans l’espoir de mettre la main sur d’autres textes mentionnant Ségurant. Après dix ans d’inlassables recherches, il est parvenu à recomposer le roman du chevalier au dragon, qui sommeillait depuis sept siècles dans vingt-huit manuscrits dispersés à travers le continent.
Double épopée
C’est sa longue et minutieuse enquête littéraire – au cours de laquelle le chercheur également acteur (on peut l’apercevoir dans la série Sous contrôle) a craint de poursuivre lui-même une chimère – que retrace ce documentaire. De Winchester, où certaines légendes situent Camelot, à la Bibliothèque nationale universitaire de Turin, où sont conservés de précieux manuscrits anciens endommagés par un incendie, Emanuele Arioli dialogue à chaque étape avec des spécialistes (médiévistes, archéologues, archivistes, philologues, sans oublier l’académicien Michel Zink), qui l’éclairent sur la part de réalité du mythe arthurien ou l’émergence du roman au Moyen Âge. Au fur et à mesure de ses découvertes, les aventures du chevalier au dragon prennent vie dans des séquences d’animation dessinées par Antoine Carrion et contées par l’acteur Féodor Atkine. Une double épopée fascinante, entre savoirs scientifiques et imaginaire médiéval.
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Une réponse à “« Le chevalier au dragon ». Le roman disparu de la table ronde.”
Curieuse destinée que celle des romans médiévaux qui émergent puis disparaissent tels des monstres du loch Ness. Tout à coup, on parle partout de Ségurant. Il y a pourtant six ans déjà qu’Arioli a soutenu sa thèse, et quatre ans qu’elle a été publiée par Champion. Sans dévaloriser le travail d’Arioli, il faut dire que Ségurant et le manuscrit de l’Arsenal n’étaient pas inconnus avant qu’il les « découvre » (voir par exemple ce chapitre d’un livre paru en 2009 : https://books.openedition.org/pub/25201?lang=fr#bodyftn7).
Le héros de ce roman s’appelle « Ségurant le brun ». Quelqu’un saurait-il dire si l’énoncé d’une couleur le rapproche d’un autre chevalier breton peu connu, Tirant le blanc ? Originaire de Nantes, qui a donné son nom à une place proche du château des ducs de Bretagne, Tirant le blanc est le héros d’un roman catalan, alors que Ségurant est celui d’un roman italien.