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Irlande du Nord. Criminalité, drogues, querelles internes, usure.. Les loyalistes à un tournant de leur histoire ?

Il ne fait aucun doute que le loyalisme militant se trouve dans un processus de transition en Irlande du Nord, et ce depuis un certain temps. L’année prochaine, cela fera 30 ans que le Combined Loyalist Military Command sorte de bureau politique fusionnant toutes les organisations paramilitaires, a décrété un cessez-le-feu.

Cela faisait partie d’un processus mené par des hommes comme David Ervine, William « Plum » Smyth et Gary McMichael. À l’époque, la population d’Irlande du Nord, toutes religions confondues, était fatiguée de la guerre, et même ceux qui dirigeaient autrefois les organisations paramilitaires admettaient que l’effusion de sang ne pouvait plus durer.

La route a été semée d’embûches depuis lors, de nombreux processus visant à assurer la transition des loyalistes et à démanteler les structures paramilitaires ayant été engagés, mais se soldant finalement par des échecs. Le week-end dernier, une déclaration a été lue par des loyalistes de l’UVF (Ulster Volunteer Force) dans 5 des 6 centre sociaux qu’ils gèrent à Belfast, à l’issue de rassemblements organisés pour commémorer le 11 novembre, et notamment pour se rappeler du sacrifice des Ulstermen à la bataille de la Somme.

Contrairement à l’UDA (Ulster Defense Association), qui s’est scindée en un certain nombre d’organisations autonomes dotées de leurs propres dirigeants, l’UVF (Ulster Volunteer Force) est toujours restée sous le contrôle central d’un groupe vieillissant de vétérans basé sur la Shankill Road de Belfast. La déclaration émanant de cette direction indique clairement que toute personne impliquée dans le trafic de drogue, « même à un poste de direction », ne sera plus la bienvenue dans l’organisation. Elle précise que cette nouvelle mesure sera appliquée à partir de cette semaine.

Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que des groupes loyalistes font de telles déclarations. À l’occasion du 20e anniversaire de l’accord du Vendredi saint, les loyalistes publièrent une déclaration commune de l’UDA, de l’UVF et du Red Hand Commando, dans laquelle ils affirmaient qu’ils ne « toléreraient pas la criminalité dans leurs rangs ».

« Nous déclarons en outre que tout engagement dans des actes criminels de la part d’individus au sein de nos organisations sera considéré comme plaçant ces personnes en dehors de nos rangs« , ajoute la déclaration.

Dimanche, des milliers de loyalistes, dont beaucoup d’anciens prisonniers de l’UDA ou de l’UVF, ont participé à des défilés de fanfares et à des cérémonies de dépôt de gerbes aux monuments commémoratifs d’Irlande du Nord. Mais c’est à l’issue de ces commémorations, dans l’intimité de centres sociaux loyalistes, que ces décisions auraient été prises. Il est rapidement apparu sur les réseaux sociaux qu’un nouveau chef de l’UVF aurait été désigné dans l’Est de Belfast, pour remplacer l’ancien impliqué dans le trafic de drogue. L’UVF de Belfast-Est étant la plus grande des six brigades du groupe paramilitaire, comptant environ 1 000 hommes.

Les dirigeants de l’UVF de Shankill ont toutefois indiqué que le « linge sale » se règlerait en famille, autour d’une table,  et que l’organisation n’avait aucunement l’intention de se lancer dans une guerre ouverte, que les réseaux sociaux étaient truffés de fausses informations. D’autant plus que le texte, proclamant la chasse au trafic de drogue, a également été lue dans l’est de Belfast dans les milieux loyalistes.

Plus globalement, l’UVF tente réellement de se distancier des gros titres de la presse très préjudiciables, presque hebdomadaires, qui associent des loyalistes à d’importantes saisies de drogue.

Le succès de la Paramilitary Crime Task Force s’est traduit par des arrestations et des procès impliquant des noms liés à la fois à l’UDA et à l’UVF. En matière de trafic de drogue, la police traite désormais ces groupes paramilitaires non plus comme des « armées », mais comme des bandes criminelles organisées, ce qui explique en partie les changements internes qui s’opèrent au sein de ces groupes.

Ces changements sont évidents depuis un certain temps. Les gouvernements britannique et irlandais, qui entretiennent des liens indirects avec ces groupes, s’emploient activement à encourager la transition. La Commission indépendante (IRC), qui publiera le mois prochain un rapport actualisant cette position, a également encouragé cette transition.

Il ne faut jurer de rien néanmoins.  Il ne faut pas oublier Billy Wright rompant  avec l’UVF à la suite des cessez-le-feu loyalistes, et fondant la LVF avec la compagnie C de l’UDA sous la direction de Johnny Adair. Ceci avait entrainé au début des années 2000 une querelle sanglante entre loyalistes.

Néanmoins, les commandements loyalistes semblent vouloir aller globalement vers une période de transition et surtout, vers la fin de l’association à la criminalité qui est de plus en plus faite sous étendard loyaliste, ce qui salit largement cette cause. Tout comme il semble y avoir une volonté d’en finir avec les guerres fratricides, propres aux loyalistes (il faut souligner que durant les Troubles, un certain nombre de loyalistes assassinés l’ont été par d’autres loyalistes pour des querelles de quartier ou d’organisation..).

Eu égard de la mise en minorité progressive, démographiquement, des Protestants d’Irlande du Nord, les unionistes/loyalistes n’auront bientôt plus d’autre choix que de s’allier, et de rejeter en bloc la criminalité, si ils veulent se donner une chance d’exister encore demander et de représenter une alternative politique crédible pour ceux qui veulent maintenir ce bout d’Irlande dans l’Union d’avec le Royaume-Uni et la couronne.

Crédit photo : Breizh-info.com (TDR)

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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