Le célèbre roman Pêcheur d’Islande, de Pierre Loti, fait l’honneur d’une splendide adaptation en bande dessinée. Le tome 2 révèle la dureté de la vie familiale des pêcheurs paimpolais, qui partaient jusqu’en Islande au péril de leur vie.
Le premier tome de cette bande dessinée débute en pleine mer. Pendant la nuit, sous la protection d’une statue de la Sainte Vierge, les pêcheurs se retrouvent autour d’une bouteille, à l’intérieur de leur navire, La Marie. Ceux-ci se moquent de l’un d’eux, Yann Gaos, de condition modeste, qui n’entend pas se marier, préférant se consacrer pleinement à la mer. Ils reviennent à Paimpol, après une longue campagne de pêche en Islande. Issue d’un milieu aisé, la belle Gaud Mével tombe amoureuse de Yann au cours d’une noce. Mais celui-ci repart en Islande, comme chaque année, de février à fin août. Gaud fait la connaissance de la famille de Yann. Celle-ci, qui a perdu de nombreux hommes en mer, adopte des orphelins malgré sa pauvreté. Conscient de cette différence sociale, Yann explique à Gaud qu’il ne peut pas l’épouser…
Le seconde tome commence par la mort d’un jeune paimpolais en effectuant son service militaire, dans la marine de guerre, en Asie. Puis il se concentre sur le point de vue de Gaud, qui vit dans l’attente de nouvelles de Yann. Yann se décide enfin à l’épouser, malgré son serment de fidélité à la mer. Quelques jours après le mariage, il part pour une longue campagne de pêche en Islande. Mais son bateau se perd en mer…
Le roman Pêcheur d’Islande, paru en 1886, est le plus grand succès de son auteur, Pierre Loti (1850-1923), écrivain membre de l’Académie française et officier de marine. Pour écrire ses romans, Pierre Loti s’est nourri de ses voyages en Turquie, à Tahiti, au Sénégal ou au Japon. Il a également décrit la Bretagne de l’époque, dans les romans Mon frère Yves (1883) et Pêcheur d’Islande (1886). Dans Pêcheur d’Islande, il dresse un portrait à valeur ethnologique de la vie des pêcheurs partant en Islande et de l’attente durant de longs mois de leurs épouses restées au port.
Après Makyo (Le cœur en Islande), Jean Chabouté (Terre-Neuvas), Bartoll et Kölle (Antartica), Bresson et Le Saëc (Entre Terre et Mer), c’est au tour d’Alexandre Noyer de tenter de faire ressentir, par une bande dessinée, l’éprouvante aventure maritime des Terre Neuvas.
Alexandre Noyer, scénariste-dessinateur originaire de Mayenne, installé à Rennes depuis plusieurs années, signe ainsi sa première bande dessinée.
Il reprend la trame et la plupart des dialogues du roman de Pierre Loti. Pour adapter le roman Pêcheur d’Islande, il explique qu’il a dû « le découper, le déstructurer pour le reconstruire en roman graphique. À tenter humblement de se mettre à la place de Pierre Loti afin de comprendre et retranscrire au mieux son récit, ses mots. Les transformer en images, réinterpréter certaines scènes avec mon imaginaire à moi, tout en respectant le texte initial. Chercher les personnages, les croquer, les faire vivre dans ces cases et ces paysages si bien décrits ».
Pour cette bande dessinée, il a effectué des recherches sur les goélettes, les haubans, les vêtements… On redécouvre Paimpol et ses « islandais », ces marins qui à la fin de chaque hiver partaient pêcher la morue, au large des côtes islandaises, pour n’en revenir qu’à l’automne. Alexandre Noyer montre bien la difficulté de leur existence.
Pour respecter l’esprit du roman, Alexandre Noyer a préféré ne pas visionner les adaptations cinématographiques de Pêcheur d’Islande réalisées par Henri Pouctal (1915), Victor Fleming (1919), Jacques de Baroncelli (1924), Pierre Guerlais (1933) et, enfin, Pierre Schœndœrffer (1958). Il s’est seulement parfois inspiré des illustrations d’Edmond-Adolphe Rudaux, parues dans certaines éditions anciennes du roman Pêcheur d’Islande.
Alexandre Noyer, qui travaille entièrement en numérique, fait le choix judicieux d’un noir et blanc sublime et rude. Par des jeux d’ombre et de lumière, il reproduit à merveille l’atmosphère sombre et confinée du fond d’une cale ou la fascination qu’exerce la mer au cœur d’une sombre tempête. Dans le tome 2, le visage de Gaud se durcit face à l’adversité. Elle perd son côté enfantin.
L’ensemble, somptueux, évoque une Bretagne imprégnée de droiture morale où dominaient les valeurs traditionnelles de la famille, du travail et de la religion.
Kristol Séhec
Pêcheur d’Islande, Tome 1, 85 pages, 19,90 euros. Tome 2, 112 pages, 19,90 euros. Editions Ouest-France.
Illustrations : DR
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Une réponse à “Pêcheur d’Islande, tome 2, l’un des chefs d’œuvre de la bande dessinée bretonne”
Coïncidence je viens de relire et de terminer il y a deux jours Mon frère Yves. La description de la Bretagne de la fin du 19 ème est remarquable, Loti aimait la Bretagne comme sa Charente ou les mers lointaines. Il nous peint des Bretons courageux avec leurs défauts mais surtout avec leur âme droite, généreuse et forte. Il faut lire Loti, la nouvelle édition de Pêcheur d’Islande arrive à point nommé. alors…Bevet Breizh!.