En politique, il y a les grands sujets et les petits. Certains semblent relever de l’utopie le rapport de force étant ce qu’il est, c’est le cas de la VIe République. Mais d’autres concernent les électeurs au plus haut point, c’est le cas du stationnement. Pour ce qui est des transports en commun, le député bis qu’est Pierre-Yves Cadalen gagnerait à lancer une campagne sur le thème de la gratuité, « mesure sociale et écologique »
« J’ai envie de servir de relais entre ce que vivent les habitants et le groupe parlementaire. D’aider à ce que les problèmes identifiés sur le territoire remontent et à discuter des solutions qu’on peut y apporter », annonçait Pierre-Yves Cadalen (LFI), trois mois après sa défaite aux élections législatives de juin 2022 dans la circonscription de Brest (Le Télégramme, Brest, samedi 17 septembre 2022). Et comme au second tour la Nupes était majoritaire sur le territoire de la ville de Brest, il se propose de s’appuyer sur ce « fait majeur » pour créer « une activité politique qui se structure autour de ça. Et on va y prendre toute notre part. En créant des assemblées de circonscription, en participant aux mobilisations sociales… » Le député bis a donc de grandes ambitions d’autant plus qu’il a l’intention « de prendre un local pour recevoir, sur des temps dédiés, les habitants de la circonscription » (Le Télégramme, Brest, samedi 17 septembre 2022). Que sont devenues toutes ces belles paroles ? Où est passé le « local » ? Combien d’« habitants de la circonscription » a-t-il reçu ? On demande à voir.
L’enseignant-chercheur Pierre-Yves Cadalen, qui exerce à l’Université de Bretagne occidentale, a d’autres centres d’intérêt. Ce docteur en sciences politiques considère en effet que « le passage à la VIe République est aujourd’hui une nécessité ». Pour ce faire, il propose de convoquer une « Assemblée constituante ». « La Constituante peut être convoquée par un Président favorable à la VIe République, via l’article 11 de la Constitution », écrit-il (tribune publiée dans Le Télégramme, vendredi 12 mai 2023). Mais cet article 11 ne prévoit pas la possibilité de réunir une assemblée constituante : « Le président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Evidemment, on peut se servir de l’ambiguïté du morceau de phrase « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics » pour procéder à une révision constitutionnelle – ce que le général de Gaulle avait fait en 1962 pour faire entrer l’élection du président de la République au suffrage universel direct dans la Constitution. A coup sûr, aujourd’hui, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel s’opposeront à cette manœuvre ; ils rappelleront que seul l’article 89 se trouve en mesure de fournir les outils nécessaires à une révision constitutionnelle. Notons que les deux voies prévues rendent l’opération quasiment impossible.
Chaque électeur est un juriste qui s’ignore
Désireux de « mettre l’imagination au pouvoir », Cadalen prévoit de créer des « comités constituants » qui « se formeraient dans tout le pays pour envoyer leurs propositions à l’Assemblée constituante ». Vaste programme ! A-t-il consulté son patron Mélenchon avant de sortir cette idée ? Car “Méluche“ n’est pas un chaud partisan de ce procédé ; c’est le moins que l’on puisse dire. Il l’a montré en 2005 à l’occasion du référendum organisé par Jacques Chirac pour ratifier le traité établissant une constitution pour l’Europe (29 mai 2005). Cet obscur sénateur socialiste (Essonne) qu’est alors le lider maximo se lance dans une diatribe au Sénat : « Les Français devront se prononcer en matière d’organisation des pouvoirs publics européens, alors que, mes chers collègues, nous, parlementaires, éprouvons déjà les plus grandes difficultés à nous entendre et à être unanimes pour les comprendre […] Le peuple français, quant à lui, n’est pas juriste, il n’a pas forcément la culture juridique qui fait parfois également défaut aux parlementaires que nous sommes. Or les Français devront se prononcer sur 488 articles […] L’objet de ma remarque n’est pas de me prononcer sur le choix que les Français feront ; je déplore seulement, mes chers collègues […] que nos compatriotes ne soient pas en état d’être réellement constituants. Car on n’est pas constituant à l’occasion d’un plébiscite ; on n’est pas constituant lorsqu’on répond par oui ou par non à 488 articles et à plus de 30 déclarations. Tout au contraire, mes chers collègues, les Français sont en cette occasion comme une troupe prise par les sentiments : s’ils votent “oui“, c’est bien ; s’ils votent “non“, c’est le chaos ! » (Journal officiel, Sénat, 16 février 2005). La « nouvelle Constitution » chère à Cadalen, « une fois les travaux terminés serait soumise par référendum à l’ensemble des citoyens ». Rappelons que l’actuel bloc de constitutionnalité compte 153 articles (108 pour la Constitution stricto sensu, 17 articles pour la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 18 alinéas pour le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 10 articles pour la Charte de l’environnement). Comme dirait Mélenchon, « le peuple français n’est pas juriste »…
Quand Cadalen écrit que « la Constituante peut être provoquée par un Président favorable à la VIe République », il pense évidemment à Jean-Luc Mélenchon. Mais pour devenir « Président », il faut être élu… Or, actuellement, l’affaire se présente mal pour ce dernier. L’institut Cluster 17 a refait le match de 2022 : « Si le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 devait à nouveau avoir lieu dimanche prochain, pour qui voteriez-vous? ». Réponse : 29,5% pour Marine Le Pen, 24,5 % pour Emmanuel Macron, 17,5 % pour Jean-Luc Mélenchon, 5 % pour Fabien Roussel (échantillon de 1580 personnes, Le Point, 2 novembre 2023) ; Mélenchon n’est donc pas prêt de « camper » à l’Elysée… Et seules 15 % des personnes interrogées souhaitent « lui voir jouer un rôle important au cours des mois et des années à venir » (Sondage Kantar Public-Epoka (Le Figaro Magazine, 3 novembre 2023) – il était à 29 % en mai 2022. La messe est dite.
Il faut occuper les militants avec des choses utiles
D’autres sujets – plus terre à terre – intéressent Cadalen ; c’est le cas du stationnement à Brest. « Début septembre, la municipalité brestoise a décidé d’augmenter les tarifs de parking en ville. En zone auparavant verte, le tarif de la demi-heure double, passant de 50 centimes à un euro. La contrepartie annoncée est la baisse du tarif pour la troisième heure des parkings (Jaurès, Liberté), désormais gratuite. Certains se sont félicités de cette décision, au nom de l’écologie. Cette dernière a bon dos », déplore-t-il (Le Télégramme, jeudi 26 octobre 2023). Qu’attend Cadalen pour lancer une pétition ? Elle passionnerait les électeurs brestois car ils s’intéressent davantage au tarif du stationnement qu’à la VIe République… Un comparatif des prix dans les grandes surfaces de la ville aurait également un grand succès. Les copains de Cadalen – qui sont des militants – pourraient relever les prix. Voilà une forme de « mobilisation sociale » fort utile pour les familles populaires, davantage que les « assemblées de circonscription »…
Un autre sujet devrait intéresser Cadalen : la sécurité, même si Brest n’atteint pas encore le niveau de Nantes. Samedi 28 octobre, dans le quartier de Pontanézen, un jeune homme connu « des services de police, notamment pour des faits liés aux stupéfiants » a été abattu par « plusieurs personnes encagoulées » (Le Télégramme, Bretagne, lundi 30 octobre 2023). C’est à Pontanézen que Cadalen devrait installer son fameux « local » ; il pourrait servir d’arbitre entre les différentes bandes et tester sa fameuse VIe République. Juge de paix, voilà un beau métier pour un docteur en sciences politiques ! A coup sûr, il serait bien accueilli par la population « créolisée » car, s’il faut croire ce qu’explique Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop, Jean-Luc Mélenchon « est le candidat des banlieues. Les scores qu’il a obtenus à la dernière présidentielle dans ces quartiers ne s’expliquent pas seulement parce qu’il était le mieux-disant socialement, mais parce que le facteur religieux et culturel a joué un rôle important. Une enquête Ifop pour “La Croix“ [août 2022] a montré que 69 % des personnes de confession musulmane avaient voté pour le candidat insoumis » (Le Journal du dimanche, 5 novembre 2023). En se présentant à Pontanézen comme l’ambassadeur de Mélenchon, Cadalen ferait un « caïd » présentable, respecté et populaire… Ce serait plus payant – politiquement et électoralement – que de prétendre jouer au député bis…
Bernard Morvan
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Une réponse à “Brest : Pierre-Yves Cadalen rêve d’une VIe République”
Lfi n as pas ça place en France ! Qu ils quittent notre pays!