Martin Sichert est député fédéral du parti patriotique Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland – AfD). Il est désormais actif en Frise, dans le nord du pays, près de la mer du Nord. Lionel Baland l’a interrogé pour Breizh-info.
Breizh-info : Avez-vous été membre, auparavant, d’un autre parti ?
Martin Sichert : J’ai été membre du parti libéral FDP, car je suis une personne très libérale. L’objectif est de porter les valeurs libérales et je constate que, en Allemagne, un seul parti ne perçoit pas l’État en tant que moyen pour rééduquer les gens, mais considère que celui-ci doit garantir aux citoyens de pouvoir évoluer librement. Ce parti s’appelle l’AfD et, pour cette raison, j’en suis adhérent.
Breizh-info : En quelle année avez-vous rejoint l’AfD ?
Martin Sichert : En mars 2013, donc je suis là depuis le début. Je suis le membre numéro 52.
Breizh-info : À cette époque, l’AfD n’était pas le même parti que maintenant. Ses idées étaient différentes.
Martin Sichert : Non. L’AfD était autrefois le même parti qu’aujourd’hui. La seule différence est que, à l’époque, l’AfD venait de deux côtés idéologiques différents, mais depuis la liberté d’expression jusqu’à la limitation de l’immigration, en passant par la sortie de l’euro et la protection de la famille, ces thèmes étaient aussi importants que de nos jours.
Breizh-info : Comment expliquez-vous la différence politique entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne ?
Martin Sichert : Les habitants de l’Est ont connu la dictature et ils ont remarqué qu’en descendant massivement dans la rue, ils peuvent, par leur engagement, influer massivement en politique. En 1989, le régime en place en République démocratique allemande (RDA) est tombé à la suite d’un mouvement citoyen de rue. Pour cette raison, les habitants de l’Est sont nettement plus critiques et lisent plus entre les lignes et se posent plus de questions, car ils ont déjà vécu dans une dictature, alors que, dans l’Ouest, les personnes ont grandi dans une société de prospérité.
Breizh-info : En Frise, où vous êtes désormais politiquement actif, la situation est-elle difficile pour l’AfD ?
Martin Sichert : Nous disposons d’un fort soutien d’une partie de la population qui rejette la politique des partis en place qui sont très imprégnés par les idées des écologistes visant à placer la population sous tutelle. Par exemple, la législation visant à imposer aux citoyens la manière dont ils devront se chauffer dans le futur ou celle qui décide quels vaccins doivent être obligatoires, … Partout dans le pays, les gens font face aux abus de l’État et en prennent conscience. Simplement, dans l’Ouest, les habitants ont besoin de plus de temps, car ils se sentent issus d’une zone de confort, mais dans cette partie de l’Allemagne, une évolution est aussi en cours.
Breizh-info : Quelle est la position de l’AfD par rapport à l’immigration ?
Martin Sichert : Notre programme est simple. Nous voulons des centres d’asile en dehors de l’Union européenne, par exemple dans le désert libyen, ce qui aura pour conséquence que les décès de migrants en mer Méditerranée n’auront plus lieu. Chaque personne qui demande l’asile se retrouvera dans un de ces centres d’asile hors de l’Union européenne au sein duquel sera décidé qui est poursuivi en raison de ses opinions politiques et est autorisé à venir en Europe et qui n’est pas reconnu comme tel et ne peut, en conséquence, pas pénétrer au sein de l’Union européenne.
Breizh-info : Que pense l’AfD de l’Union européenne ?
Martin Sichert : Nous sommes favorables à une Europe des patries, qui ne se voit pas imposer des mesures par Bruxelles, mais au sein de laquelle les États nationaux fixent le ton et décident comment les gens doivent vivre. Nous avons des cultures, des histoires et des besoins complètement différents, de la Suède à la Grèce et de l’Espagne à la Pologne. Notre conception de l’Europe est celle des nations au sein de laquelle règne la diversité, avec nettement plus de considération pour les divers États et leurs spécificités propres que l’actuelle Union européenne qui se transforme en un État centralisé qui régit tout.
Breizh-info : Quelle est la position de l’AfD par rapport à l’euro ?
Martin Sichert : Nous voulons quitter l’euro car nous disons que cette monnaie porte clairement atteinte à notre économie. À l’époque du Deutsche Mark, nous étions les plus grands exportateurs du monde et les pays qui avaient une économie faible pouvaient adapter la valeur de leur monnaie. Désormais, en tant qu’Allemands, nous disposons, avec l’euro, d’une monnaie relativement faible. Et à travers cette dernière, notre prospérité a été transférée vers des pays du sud du continent qui ont des problèmes avec l’euro qui est trop fort pour leur économie et que ceux-ci ne peuvent pas dévaluer alors que, pour nous, cet euro a trop peu de pouvoir d’achat. En conséquence, tous souffrent de cette monnaie commune. Nous désirons revenir à la devise nationale.
Breizh-info : Quelle est la position de l’AfD par rapport à la guerre en Ukraine ?
Martin Sichert : La paix ! Tout simplement ! Nous n’avons aucun intérêt à conduire une guerre, mais bien à faire du commerce avec tous les peuples de la terre et obtenir des matières premières et énergétiques, tant en provenance d’Ukraine, que de Russie. Nous devons tout faire afin que cette guerre soit atténuée.
Breizh-info : L’AfD est-elle opposée à la livraison d’armes à l’Ukraine ?
Martin Sichert : Oui, car les livraisons d’armes prolongent la guerre et nous voyons que, en Ukraine, plusieurs centaines de milliers de personnes sont déjà mortes et que, plus le conflit armé se poursuit, pire cela est pour les individus qui vivent sur place.
Breizh-info : Pour le moment, l’AfD siège au Parlement européen au sein du groupe Identité et démocratie (ID). Avez-vous décidé quel groupe vous rejoindrez à l’issue des élections européennes de juin 2024 ?
Martin Sichert : Nous désirons travailler avec d’autres pays d’Europe. Bien entendu, notre partenaire naturel est le FPÖ en Autriche, car ce parti est germanophone. Mais aussi des partenaires issus d’autres pays comme la France, avec lesquels nous désirons étroitement collaborer et avons des objectifs communs et avec lesquels nous pouvons atteindre, au niveau européen, ces derniers.
Breizh-info : La post-communiste dissidente Sahra Wagenknecht met en place un nouveau parti. Un front transversal entre l’AfD et le parti de Sahra Wagenknecht peut-il éventuellement voir le jour, par exemple en Thuringe ?
Martin Sichert : La différence entre l’AfD et les autres partis allemands est que ces derniers estiment que l’État a pour tâche de rééduquer les individus, par exemple, lors de la Covid, au travers de la législation imposant la vaccination et de la recommandation de se tenir à distance un de l’autre. La « loi sur l’autodétermination » impose d’accepter qu’une personne se définisse en tant qu’homme. La législation décide comment la population doit se chauffer. L’État cherche toujours à imposer aux citoyens la manière dont ceux-ci doivent vivre. L’implication au sein de l’AfD a pour objet d’affirmer que l’État doit protéger la liberté des individus. Sahra Wagenknecht est une communiste, donc elle veut utiliser l’État afin de diriger les gens. Cela nous distingue et, pour cette raison, j’estime que, sur le moyen et le long terme, il sera difficile de travailler avec une personne qui a un passé communiste.
Breizh-info : Existe-t-il une possibilité de voir les démocrates-chrétiens de la CDU travailler avec l’AfD, par exemple en Thuringe ?
Martin Sichert : Ils doivent seulement revenir aux valeurs qu’ils défendaient trente ans auparavant.
Breizh-info : Est-ce possible ?
Martin Sichert : La CDU connaît un large conflit interne entre ses sections de l’Ouest et de l’Est. Dans cette dernière partie du pays, la CDU et l’AfD travaillent déjà ensemble dans des domaines liés à la Realpolitik. Lorsque l’AfD est à 30 ou à 35 %, voir plus, dans certains endroits, à moyen et à long terme, des collaborations entre ces deux partis verront le jour. Je pense que la seule possibilité d’alliance pour l’AfD sera, à moyen ou long terme, celle avec la CDU.
Breizh-info : Êtes-vous menacé, dans l’exercice de votre mandat politique, par la présence de personnes hostiles ?
Martin Sichert : Nous faisons face à des actes de violence politique. Les statistiques montrent qu’aucun autre parti n’est autant attaqué que l’AfD. Nos affiches sont détruites, nos militants et cadres politiques sont agressés physiquement, des personnes rencontrent des problèmes professionnels lorsqu’elles se présentent sur les listes de l’AfD, les tenanciers de restaurants et de débits de boissons qui mettent un espace à notre disposition pour une réunion politique sont attaqués, … Nous sommes victimes de la haine répandue à notre encontre par des opposants politiques. Nous ne pouvons pas développer nos idées comme nous le désirons devant le public et nous sommes stigmatisés.
Breizh-info : Pouvez-vous travailler avec les libéraux du FDP ?
Martin Sichert : Si le FDP en revient à pratiquer une politique nationale-libérale, volontiers ! Cependant, le FDP prend part, en ce moment, au gouvernement fédéral avec les sociaux-démocrates du SPD et les écologistes de Bündnis 90/Die Grünen et nous ne participons définitivement pas à cette politique de gauche.
Breizh-info : Désirez-vous ajouter un élément ?
Martin Sichert : L’AfD, en tant que parti, est fortement soutenue par des immigrés qui sont venus en Allemagne afin d’y construire leur vie en étant attirés par les valeurs de la Constitution et du pays comme l’assertivité, la ponctualité, l’ordre, … et ces immigrés aideront aussi à remettre l’Allemagne sur la bonne voie.
Propos recueillis par Lionel Baland
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4 réponses à “Allemagne. Martin Sichert (AfD) : « L’État cherche toujours à imposer aux citoyens la manière dont ceux-ci doivent vivre » [Interview]”
S’il n’y avait qu’en Allemagne…
Interessant . Merci et bon week-end.
Étrange cette analyse concernant l’euro : s’il est un pays qui a profité plus que tous les autres de cette monnaie commune c’est bien l’Allemagne ; voir à ce sujet les records tous azimuts de son commerce extérieur …. quand, chez nous, les partisans de « l’euro fort », signaient ni plus ni moins que le décret d’exécution de notre industrie, incapable de soutenir la comparaison avec nos voisins d’Outre-Rhin dès qu’elle fut privée de l’arme de la dévaluation qui lui permettait de se maintenir à flots. Renoncer à la dévaluation pour faire accepter à l’Allemagne de renoncer à sa monnaie sacrée, le DM, sûr que ce n’était pas gagné d’avance. Sauf, qu’en fin compte, nous n’avons que des mécontents …. pour avoir mis la charrue devant les bœufs : si une union politique est consacrée par une monnaie unique, partagée par tous les membres de cette union, une monnaie unique n’entraîne pas nécessairement une union politique. Cf à ce sujet « La malfaçon » Frédéric Lordon – Ed. « Les liens qui libèrent » Paris 2014 – ou encore « L’euro, comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe » Joseph Stiglitz – Prix Nobel d’économie – Ed. « Les liens qui libèrent » Paris 2016
comme en france les zélites savent ce qui est bon pour le populo, mais pas pour eux!