Dimanche, les Polonais sont appelés à renouveler leurs parlementaires. Depuis 8 ans, les conservateurs du PiS gouvernent avec une majorité absolue au Parlement polonais. Dimanche, ils remettent leur mandat en jeu, et les sondages indiquent clairement qu’ils ne devraient pas retrouver de majorité absolue.
Pour comprendre les enjeux de ces élections, nous avons interrogé Ferenc Almássy, journaliste franco-hongrois, fondateur et rédacteur-en-chef depuis 2016 du Visegrád Post, un site trilingue (français, anglais, allemand) d’information et d’analyse sur l’Europe centrale.
Ferenc Almássy connaît bien la Pologne, où il se rend régulièrement, dont il a appris les bases de la langue, et où il se trouve ces jours-ci.
Breizh-info.com : Le gouvernement sortant du PiS semble bien parti pour être de nouveau en tête des élections de 2023, mais il semblerait que cette fois-ci ils n’obtiendront pas de majorité absolue. Quels scénarios sont à envisager ?
Ferenc Almássy : En effet, l’incertitude est grande, et presque tous mes contacts du PiS ou affiliés sont inquiets. Le PiS arrivera en tête, cela, a priori, ne fait pas question. Mais comme vous l’avez dit, ils ne devraient pas arriver former un gouvernement seuls, en l’absence de majorité absolue. Ils devront donc trouver des partenaires.
Longtemps, les négociations allaient bon train avec les nationalistes et libertariens de Konfederacja, mais ces derniers ne souhaitent plus participer à un gouvernement, préférant prendre le risque de plonger le pays dans une crise politique amenant à de nouvelles élections, au cas où le PiS n’arriverait pas à former de gouvernement. Ils espèrent bien entendu tirer profit d’une telle situation et se renforcer encore plus à une telle élection, si elle devait avoir lieu.
Un autre scénario serait d’assez bons scores de la gauche et des progressistes pro-UE, leur permettant de former un gouvernement de coalition, et bien entendu sans le PiS, ce qui serait une catastrophe pour les conservateurs polonais, mais aurait aussi des répercussions au niveau européen, compte tenu de la position actuelle de la Pologne au sein de l’UE.
Il faudra suivre ces résultats de près, car cela aura une influence sur tous les pays de l’UE.
Breizh-info.com : La campagne électorale a été marquée par un scandale de corruption autour de l’attribution de visas Schengen par la Pologne. Dans une certaine mesure, cela rappelle un scandale similaire qui a eu lieu en Hongrie, en 2016-17. Ce scandale a-t-il affecté le gouvernement ? Quelle est la situation migratoire actuelle en Pologne ?
Ferenc Almássy : La Pologne s’oppose frontalement, comme la Hongrie, à l’immigration illégale, et ce en continu depuis le retour au pouvoir du PiS à l’automne 2015. Mais, depuis deux ans environ, l’immigration légale extra-européenne a explosé. Je mets de côté le cas des millions d’Ukrainiens, qui sont vus comme des réfugiés ou des immigrés acceptables du fait de la proximité culturelle, ethnique, religieuse, linguistique et historique. Malgré leur nombre, les problèmes liés à cette immigration sont mineurs, et assez peu exploitables politiquement tant le soutien aux Ukrainiens fait l’unanimité.
En revanche, on voit dans les grandes villes et à Varsovie en particulier un changement net dans les rues, dans les taxis et VTC, dans l’arrière-boutique de restaurants ou encore parmi les livreurs. Mais cela ne se voit pas vraiment à la campagne, où se situe l’immense majorité des électeurs du PiS.
Concernant l’affaire que vous évoquez, elle est venue au plus mauvais moment, c’est certain, mais je pense que son impact n’aura pas été majeur : c’est un cas isolé pour beaucoup. En revanche, la politique d’immigration légale du gouvernement, accélérée cette année, est devenu un vrai sujet de société et à été difficile à gérer en terme d’image, les nationalistes profitant électoralement le plus de la situation, continuant à éroder la base électorale du PiS.
Mais le plus drôle, si je puis dire, c’est la dénonciation par Donald Tusk, le chef de file de la Plateforme civique, le principal parti d’opposition – originellement de centre-droit et devenu entretemps un parti pro-UE progressiste –, de cette politique. Lui-même soutient tous les projets de l’UE concernant l’immigration, bien plus extravagants et dangereux que ce que fait le PiS, mais, en politique, on fait feu de tout bois. Cela ne semble pas lui avoir réussi cependant, on ne constate aucun renforcement dans les sondages suite à cette attaque sur la question de l’immigration.
Breizh-info.com : Les campagnes électorales en Pologne ont pour habitude d’être assez brutales. Comment jugez-vous la façon dont s’est passée la campagne des législatives 2023 en comparaison aux campagnes de ces dernières années ?
Ferenc Almássy : C’est assez subjectif, mais en effet, j’ai trouvé la campagne assez violente. Ce qui me marque le plus, c’est le sentiment de dégoût et la perte de confiance dans le personnel politique parmi les électeurs les plus impliqués en politique. Je ne compte plus les journalistes, entrepreneurs et universitaires qui se détournent de la politique.
L’usure du pouvoir frappe le PiS, mais les partis d’opposition semblent également subir une forme d’attrition politique, vus comme démagogiques, incompétents, trop radicaux, ou bien trop hostiles.
Bien sûr, ce phénomène n’est pas purement polonais. À mon avis, il s’agit d’un épuisement par surexposition à l’actualité, notamment politique. Mais en Pologne – et, encore une fois, c’est une considération très subjective – je crois que cela prend une ampleur inédite. Il faut s’attendre à une abstention conséquente, je pense.
Breizh-info.com : La Pologne a entamé un gigantesque plan de réarmement, avec des commandes militaires sans précédent auprès des Etats-Unis, mais aussi de la Corée du Sud (plus d’un millier de chars). L’ambition affichée est de devenir la première armée d’Europe. Est-ce réaliste ? Quelles sont les motivations à court et long terme pour soutenir cette ambition ? Ce projet fait-il consensus au sein de la société polonaise ?
Ferenc Almássy : La Pologne ne pourra pas rivaliser avec la France, notamment du fait des capacités de projection. La France a une marine importante et la Pologne ne pourra pas rivaliser avec. Et puis, il y a l’arme atomique.
Cependant, en terme d’armée de terre, la Pologne pourrait devenir, en tout cas en nombre, la première armée européenne, oui. Ce sera en tout cas le pays européen avec le plus grand nombre de chars de combat. La Pologne a d’ores et déjà commandé 366 chars Abrams et un millier de chars coréens K2, sans parler des 600 obusiers auto-moteurs Krab et 288 lance-roquettes multiples Chunmoo. En plus de cela, la Pologne passe de 48 FA-50 (un chasseur équivalent au F-16) à 96 et a commandé également aux États-Unis 32 F-35.
En tout état de cause, la Pologne va devenir un poids lourd européen en matière d’armée, et pourra légitimement peser sur les choix défensifs de l’Union européenne et même de l’OTAN, en sa qualité de plus important « bastion » atlantiste à la frontière avec la Russie.
Reste à voir si tous ces projets pourront être menés à terme. Une défaite du PiS, une aggravation du conflit avec l’UE ou de la situation économique, un changement de ligne des États-Unis en termes de politique extérieure… il y a de nombreux facteurs qui pourraient venir perturber ce plan ambitieux qui vise, dans ce contexte de guerre en Europe centre-orientale, à redonner enfin à la Pologne le poids qu’elle désire en Europe.
Breizh-info.com : En dépit du soutien très fort de la Pologne à l’Ukraine, des tensions récentes sont apparues entre Varsovie et Kiev. Quelle importance accorder à ces tensions ? Sont-elles exacerbées par la campagne électorale polonaise, ou est-ce qu’elles s’inscrivent dans un refroidissement plus durable des relations polono-ukrainiennes ?
Ferenc Almássy : Elles s’inscrivent dans la campagne électorale et dans un refroidissement plus durable. Zelensky, il ne faut pas l’oublier, est allié au niveau européen aux partis centristes et progressistes tels que Renaissance de Macron, en France. Le PiS vascillant, Zelensky a commencé à se retourner contre le gouvernement polonais, car il considère entre autres que l’opposition progressiste polonaise lui serait encore plus utile. C’est de bonne guerre, mais cela a été fait – comme souvent avec les Ukrainiens – avec aucun tact ni égards pour leur alliés.
Il y a aussi un conflit assez sérieux sur la question du grain ukrainien. Pour faire court, la Russie bloquant la Mer Noire, l’Ukraine a demandé à l’UE un sauf-conduit pour l’export de ses céréales vers ses marchés traditionnels, principalement en Afrique. Mais il est rapidement apparu que les céréaliers ukrainiens ont profité de la situation pour inonder le marché européen, avec la complicité de la Commission européenne, trahissant ses propres règles, ses propres normes et les intérêts des États membres.
Cela a créé une situation de concurrence déloyale qui a fortement touché les pays d’Europe centrale, qui doivent, contrairement à l’Ukraine, suivre des règlementations couteuses et contraignantes. Zelensky a agi en connaissance de cause, et cela a été vu comme une trahison en Pologne, pays qui a tant fait pour l’Ukraine et goûte fort peu ce genre d’attitude déloyale. Dans la population polonaise, cela se traduit par une baisse du soutien à l’Ukraine.
La Pologne reste toutefois résolument aux côtés de l’Ukraine, et les domaines de coopération intense sont encore légion. Des millions d’Ukrainiens vivent en Pologne et il n’est pas question pour la Pologne d’abandonner l’Ukraine à l’heure actuelle. Simplement, la relation n’est plus idyllique comme elle a pu l’être quand l’Ukraine avait le plus besoin de la Pologne.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
3 réponses à “Législatives en Pologne dimanche : « Les résultats auront une influence sur l’Union européenne » (Ferenc Almássy)”
La différence majeure entre la Russie et la Pologne est le fait que les Polonais ne sont pas des slaves comme le sont les Russes. Actuellement, la Pologne joue solo, et je suis pratiquement certain qu’il va y avoir un rapprochement conséquent entre la Pologne et les USA. Mais à ce jeu, un jour ou l’autre, les USA vont se brûler les doigts. Ne faut-il pas oublier que depuis plus de deux cent ans, les USA ont été de toutes les guerres … sans jamais se prendre un obus sur la gueule !
Les Polonais ont raison de tout faire pour se protéger des menaces , les Russes , et l’immigration incontrôlée que l’UE veulent leur imposer.
Regardez le résultat en France, en Allemagne et sur le sol Anglais.
Le multiculturalisme est un danger , il est impossible de mélanger l’huile et l’eau.
Les politiciens sont des collabos de l’invasion de notre territoire.
ces gens là sont décriés par la commission européenne de vonderleyen, ils doivent donc être honnêtes