C’est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Et aussi l’un des plus violents. Les bandes armées d’une brutalité extrême souvent liées au pouvoir font partie intégrante du paysage national depuis l’indépendance. Elles ont pris le contrôle de la capitale, Port-au-Prince Incapable d’endiguer la situation, le premier ministre Ariel Henry avait demandé l’intervention de l’ONU qui vient de donner son accord pour le déploiement d’une force sécuritaire d’urgence en 2024.
S’il faudrait remonter aux origines de la première nation noire pour comprendre les prémisses d’un désastre social, l’assassinat en 2021 du Président Jovenel Moïse par un commando armé qui faisait irruption de nuit à son domicile, a sûrement plongé outre mesure le pays dans le chaos. Un pays en proie à une instabilité politique chronique : seuls 6 des 38 présidents de la République sont parvenus à la fin de leur mandat depuis sa naissance en 1804.
Date à laquelle Haïti devient la deuxième nation indépendante d’Amérique, après l’action de l’esclave libéré Toussaint L’Ouverture, inspiré par les idéaux de la Révolution de 1789 et révolté contre la puissance coloniale française. Les Grands Blancs – les Créoles – qui avaient créé une économie prospère basée sur l’exploitation des esclaves importés d’Afrique, sont assassinés. Les esclaves sont libres, mais les infrastructures sont détruites, l’économie est au point mort. Les Haïtiens, incapables de faire fonctionner la machine, sont de plus, étranglés par une dette : les Français exigent le remboursement des terres confisquées à la Révolution.
Ces derniers seront peu à peu substitués par les Américains, qui, fidèles à une méthode éprouvée avec la doctrine Monroe, déstabilisent, imposent leurs monopoles, financent les bandes armées, pour ensuite proposer leur « aide » salvatrice. Actuellement, les terres sont détenues par les grands exploiteurs agricoles, ces 3% de la population qui composent l’élite haïtienne. Ils produisent pour l’exportation, alors que le marché intérieur a faim. Haïti est en effet importateur net de denrées alimentaires, à la différence de son voisin la République Dominicaine, et malgré le fait notable que la quasi-totalité du sucre importé par les États-Unis provient de la main d’œuvre haïtienne. Or, rien n’est redistribué, les gains étant placés sur les marchés étrangers.
Sur le plan politique, l’instabilité règne, qui, traduite en dialecte local signifie dictature mêlée de magie noire, corruption endémique, assassinats politiques et coups d’État à répétition. Au tableau, s’ajoutent la surpopulation, les écosystèmes complètement érodés (200 ans abattages d’arbres sans en replanter, ce qui favorise les catastrophes environnementales), et un taux d’alphabétisation indécent : moins de 10% des Haïtiens savent lire et écrire, la grande majorité des enfants n’étant pas envoyés à l’école. Bref, deux siècles de dévastations difficilement imputables à l’ex-puissance coloniale française.
Le tremblement de terre de 2010 et une épidémie de choléra mettent le pays à genou. 250.000 morts, un nombre incalculable de sans-abris… et les membres des gangs qui s’échappent des prisons. Ils tuent, violent, rackettent, enlèvent contre des rançons avec lesquelles ils acquièrent des armes : ils sont mieux équipés que l’armée légale. Héritage des Tontons Macoutes, ils sont souvent le bras armé des familles d’oligarques et se mènent une guerre sans merci pour s’arroger l’immense marché noir et le trafic de drogue.
La faim, l’absence de services, l’inflation, l’augmentation drastique des prix du carburant confirment la déliquescence de l’État. L’île est de fait aux mains des gangs qui sèment la terreur parmi les habitants.
La mission de rétablissement de l’ordre des Nations Unies prévue pour 2024 sera t’elle plus efficace des deux précédentes ? Pas sûr. Toutes les interventions étrangères passées n’ont jamais porté leurs fruits. Peut-être parce qu’elles ne sont que la porte d’entrée pour de futures ingérences qui ont peu à voir avec l’humanitaire et la philanthropie. Quoi qu’il en soit, après les interventions ONU des années 1990 et 2000, ce sont les forces de sécurité kényanes qui prendront la tête de la mission, ayant l’avantage d’une certaine proximité raciale – « nos frères africains » – et plus habituées au maintien de l’ordre dans les bidonvilles. Mais, au vu de la situation de chaos dans lequel baigne le pays depuis des décennies, la tâche semble pour le moins ardue.
Audrey D’Aguanno
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
3 réponses à “Une mission ONU rétablira-t’elle l’ordre en Haïti, passée aux mains des gangs ? Retour sur une nation défaillante et ultra-violente”
Non, 1804 n’est pas la « date à laquelle l’esclave libéré Toussaint L’Ouverture, inspiré par les idéaux de la Révolution française, se révolte contre la puissance coloniale française ». En 1804, Toussaint Louverture était déjà mort ! Et s’il a été le plus grand personnage sans doute de la révolution haïtienne, il n’en est pas l’initiateur. La violence de l’époque 1791-1804 ne se résume pas à l’assassinat de propriétaires blancs. Les thuriféraires de cette révolution préfèrent souvent l’oublier, mais elle a été marquée par une terrible guerre civile, suivie par un nettoyage ethnique quand les mulâtre (métis) de Rigaud ont eu le dessous. La dette de Haïti envers la France est un thème régulièrement traité de manière mensongère. Destinée à l’indemnisation des propriétaires expropriés, elle date de 1825 : 34 ans après la révolution, 21 ans après la déclaration d’indépendance. C’est le fruit d’une négociation d’Etat à Etat souhaitée par le président Boyer, soucieux de respectabilité internationale (il est vrai cependant que la France lui a mis l’épée dans les reins pour qu’il signe pour de bon le traité longuement négocié). Son montant, 150 millions de francs-or équivalait aux deux tiers du PIB haïtien d’avant 1791 (imaginez… comme si la dette de la France s’élevait à 666 milliards d’euros, soit les deux tiers du PIB 1990 — elle dépasse en fait 3.000 milliards d’euros aujourd’hui) ; mais elle a été ramenée à 90 millions, payés surtout grâce à des prêts apurés sur plus d’un siècle en monnaie dévaluée. Enfin, quant aux relations avec les Etats-Unis, il ne faut pas oublier que la doctrine Monroe était pétrie de sentiments humanitaires et que les Etats-Unis et Haïti se voyaient comme des pays frères (bon nombre de Noirs américains se sont alors installés librement à Haïti).
L’envoi par l’ONU de forces africaines paraît raisonnable, car sociologiquement cette république américaine se comporte comme beaucoup de pays d’Afrique.
Encore un résultat de la décolonisation, quand le pouvoir a été rendu aux Haitiens ils se sont empressés de tout détruire, comme dans beaucoup d’autres pays qui sont en quelques sortes revenus à des régimes tribaux, malgré les habits de grands couturiers que l’élite s’achète avec l’argent du peuple, les gouvernants au dessus et le petit peuple qui trime ( heu…ça me fait peser à quelques pays soit disant civilisés, et à un en particulier… ). Bien sur on dira que les colonisateurs se sont bien servis, et il vrai que c’est grace à cela que l’occident à pu s’industrialiser à bon prix, mais à leur départ ils ont laissé une économie, des routes, des ponts, des usines, des hopitaux et un certain niveau de vie. D’aucuns diront qu’il ne fallait pas y aller, d’accord mais quel aurait été le destin de ces pays? Il y a encore quelques tribus qui n’ont pas été approchés par les occidentaux, comme les Mentawai sur une ile d’Indonésie, ils sont sans doute heureux mais on prévoit que dans quelques années ils vont disparaître, mais après tout en quoi cela nous regarde, qui nous donne le droit de décider de l’avenir d’un peuple? Les ex-colonisés se sont empressés de tout détruire et en fin des comptes pourquoi essayer de résoudre des problèmes qui nous ne regardent pas, qu’on les laisse vivre leur destin, ils avaient tous les atouts dans leurs mains.
Arrêtons de rêver, nous ne somme, après tout, que des animaux, même si nous marchons sur deux jambes et avons des IPhones, on continue à se tuer, à voler, à violer, à trahir, à faire la guerre,à penser d’abord à soi, ce sont des attitude que l’on retrouve dans la nature. Ce qui pensent le contraire vivent dans un monde de Bisounours.
la plupart des haitiens regrettent l’ordre « républicain » des tontons macoutes, remplacé par des dileurs de drogue et des assassins de leur propre peuple