Voici un ouvrage collectif, fortement illustré, conduit par deux spécialistes de l’époque, Moreau et Morival, qui ont réuni trente contributeurs. Un travail de synthèse tout à fait bienvenu tant il reste à écrire sur la Vendée après le cataclysme de 1793-1794. Toutefois, ce n’est pas le périmètre de la Vendée militaire qui est pris en compte ici, mais le département qui en fut, il est vrai, l’épicentre.
En 1793, Bonaparte avait décliné un commandement dans l’Ouest insurgé. Il préférait combattre les Anglais dans la rade de Toulon. Il n’avait aucun goût pour la guerre civile qu’il qualifiait d’ « impie ».
Le 18 brumaire passé, il a parmi ses priorités d’en finir une fois pour toutes avec la Vendée. Il négocie avec les derniers insurgés et écrit à deux d’entre eux, Bernier et d’Andigné :
« Il n’a déjà coulé que trop de sang depuis dix ans. Dites bien à vos concitoyens que les lois révolutionnaires ne reviendront plus dévaster le beau sol de la France et que la Révolution est finie. »
Mais pacifier est une chose, reconstruire en est une autre. La Vendée est toujours en ruines. Le Premier consul confie à Bernadotte (le futur roi de Suède) une inspection. Le rapport est accablant :
« La Vendée est exténuée, sa population étonnamment réduite, le fer et la flamme ayant laissé de terribles signes de dévastation. »
Il faut au plus vite soulager les populations. Des avantages fiscaux, des livraisons de matériel agricole, la réfection rapide de la voirie sont au programme, tout comme l’élimination du brigandage. La paix religieuse est au rendez-vous même si une fraction du clergé vendéen boude le Concordat et se retire, sans drame, dans une « petite Eglise ».
Des préfets de qualité, dont l’historien Prosper de Barante, ordonnent le tout.
La reconstruction se fera à la romaine, avec un soin particulier pour les axes routiers. Le nouveau chef-lieu prend la place du village de La Roche-sur-Yon. Il est édifié sur un plan orthogonal, comme un castrum et reçoit le nom de Napoléon. Une préfecture, un palais de justice, un hôpital militaire, un lycée, un théâtre et une église d’ordre classique…
En 1808, rentrant d’Espagne, Napoléon fait étape en Vendée. Du chef-lieu, il n’est guère satisfait, trop de constructions en pisé, il congédie l’ingénieur responsable. On fera mieux pour la suite.
A la fin de l’Empire, la Vendée a retrouvé des habits neufs. Les Vendéens ne sont plus tenus à l’écart de la nation. Leurs malheurs font désormais partie d’une histoire partagée. En 1914, ils iront combattre et se sacrifier pour la patrie.
Jean Heurtin.
* La Vendée et Napoléon. Les éditions vendéennes, 2023. 35 euros.
* A lire, Emile Gabory, Napoléon et la Vendée, in Les Guerres de Vendée, Robert Laffont, 1989.
* Gérard Guicheteau, in Nouvelle histoire des guerres de Vendée, 2017.
Crédit photo : William Chevillon /Flickr (cc)
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4 réponses à “La Vendée de Napoléon : construire plutôt que déconstruire”
la vendée a t’elle été recolonisé apres la dévastation révolutionnaire ?
@Louis.
Non, la Vendée n’a pas été « recolonisée . Les villages dévastés ont été relevé uniquement par les survivants.
À partir des années 1820, il y a eu une forte poussée démographique uniquement dûe à la natalité des autochtones.
Les apports démographiques extérieurs étaient souvent dû aux fonctionnaires et militaires qu’on trouvait essentiellement à La Roche sur Yon.
Dans ma famille en 1800, il n’y avait qu’un seul garçon né en 1789. En 1809 il a tiré un mauvais numéro et devait rejoindre l’armée de Napoléon. Il s’est alors marié à une femme de 10 ans plus âgée que lui, échappant ainsi à l’enrolement. Ce couple aura 3 garçons qui engendreront une dizaine d’enfants chacun !
Les malheurs des Vendéens « font désormais partie d’une histoire partagée » ? Vous plaisantez ? Ou du moins, si vous vous situez à la fin de l’Empire, votre « désormais » est en trop, car ce « partage » n’a pas duré. On l’a encore vu lors de la sortie du film « Vaincre ou mourir », le négationnisme reste puissant en France à propos des guerres de Vendée.
Napo: « Il n’a déjà coulé que trop de sang depuis dix ans. »
Ça montre que Napoléon était un gars sympa.
Ce n’était pas un fanatique, comme Robespierre et ses amis.
Je lis que sous la Révolution française, l’épisode de la Terreur, de 1793 à 1794, a causé entre 35 000 et 40 000 morts (guillotinés, fusillés, morts en prison), en plus de quelques dizaines de milliers de morts en Vendée.
Napoléon, par comparaison, c’est 3 millions de morts au cours des guerres napoléoniennes. Ça fait beaucoup plus que Robespierre, mais ça s’est passé dans la bonne humeur. Et l’idée d’envahir la Russie était vraiment marrante. C’est dommage que ça ait si mal fini.
Mais celui qui a ma préférence, c’est Cadoudal. Non seulement parce qu’il osait dénoncer la tyrannie et qu’on le décrit comme un modèle de droiture, mais aussi parce qu’il a (semble-t-il) été impliqué dans un attentat à la bombe contre Napoléon. L’attentat a eu lieu de 24 décembre 1800 à Paris (attentat de la rue Saint-Nicaise). Évidemment, ça serait mieux si ça avait réussi.
Il y a pas mal de guerres qu’on aurait pu éviter avec un petit attentat bien préparé. En général, quand le dictateur en chef débloque complètement, on a intérêt à se débarrasser de lui. C’est probable que son remplaçant sera moins pire.