Le mardi 19 septembre 2023, l’Association catholique des Hauts-de-France organisait deux événements : la tenue de son assemblée générale annuelle à 17 heures 30, suivie à 19 heures 15 d’une conférence d’Alain Escada sur le thème « Le rôle du mondialisme dans la culture de mort ».
Ces deux manifestations devaient se dérouler dans un bâtiment communal : la salle municipale de la cité familiale de Lambersart qui était mise à la disposition de l’association à cette occasion.
Le jour dit, à 16 heures 30, la Police nationale a délivré un arrêté préfectoral notifiant l’interdiction de la conférence d’Alain Escada à 19 heures 15. Une copie de l’arrêté a été affichée sur la porte d’entrée de la salle communale à 16 heures 40 par un équipage de police qui est resté pour informer les invités de l’interdiction de la réunion, ce qui a entraîné le départ de ces derniers et l’annulation de facto de l’assemblée générale de l’association.
Les considérants invoqués par le préfet se suivaient comme une interminable suite de motifs dont le lien avec l’Association catholique des Hauts-de-France et le sujet de la conférence apparaissait très ténu. Bien que l’invitation à la conférence présentait Alain Escada sans faire référence à Civitas, c’est bien le parti politique catholique et ses activités que le préfet visait, sans qu’un lien avec le thème de la soirée ne soit clairement établi.
Ainsi, le préfet supposait qu’Alain Escada prendrait prétexte de l’actualité à Lampedusa pour soutenir un programme de remigration. Le préfet évoquait les propos tenus par Monsieur Hillard lors de l’université d’été 2023 de Civitas, bien que Pierre Hillard ne soit pas adhérent de Civitas et qu’il n’était pas convié à Lambersart. Le préfet ajoutait que les membres de Civitas auraient été connus pour perturber les événements ne correspondant pas à leur courant de pensée, ce qui laisse perplexe car on se demande pourquoi ces militants auraient alors perturbé une conférence prononcée par le président de leur parti. Le préfet rappelait la procédure de dissolution initiée contre Civitas, bien que cette procédure ne soit pas achevée, que rien ne permet d’en présager l’issue et que nul ne peut présumer de ce que serait la décision juridictionnelle dans le cas où Civitas contesterait une éventuelle dissolution. Le préfet citait le site internet de Civitas, et notamment la proposition d’abrogation de la loi de séparation des églises et de l’Etat, au mépris de la liberté des partis politiques de définir leur programme et oubliant peut-être que la loi de 1905 n’a jamais été appliquée dans les départements d’Alsace-Moselle, pourtant retournés à la France fin 1918, soit 13 ans seulement après la loi de séparation. Le préfet rappelait que la conférence avait été rendue publique sur les réseaux fréquentés par les sympathisants de Civitas. Encore une fois, on se demande pourquoi ces sympathisants auraient perturbé une réunion où leur président devait s’exprimer. Enfin, le préfet craignait les risques d’une contre-manifestation des mouvements de l’ultra-gauche lilloise, et y associait le manque de forces de l’ordre, ce que la présence de forces de l’ordre chargées de faire savoir aux personnes qui se présentaient devant la porte que la manifestation avait été interdite dément évidemment.
Informée à 16 heures 30 de l’interdiction d’une manifestation prévue pour 19 heures 15, il est clair que, sur la forme, l’Association catholique des Hauts-de-France n’a pas disposé de délais suffisants pour contester l’arrêté préfectoral suivant une procédure d’urgence.
Sur le fond, la lecture des considérants montre que le préfet a additionné des arguments qui ne présentaient aucun lien avec l’objet de la manifestation organisée par l’Association catholique des Hauts-de-France, et qu’il n’a que présumé certaines déclarations que le conférencier aurait pu tenir, sans démontrer qu’il les aurait effectivement tenues. De même, le risque de contre-manifestation de l’ultra-gauche lilloise semble avoir été surestimé, d’autant que si le nom d’Alain Escada figurait sur la publicité qui a été donnée à l’événement sur les réseaux mentionnés par le préfet, le nom de Civitas n’y apparaissait pas.
Chaque fois que la France s’est trouvée sous un régime politique républicain, le principe général applicable aux réunions a été la liberté. Cette liberté a été consacrée dans les Constitutions de 1793 et 1848, confirmée par la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, et complétée par la loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques. Les conventions internationales, telles que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ont posé par ailleurs que toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.
Cependant, Paul Cassia, Professeur de droit public à l’université Paris 1 Sorbonne, a récemment affirmé qu’« il semble qu’il y a une tendance très forte à la restriction des libertés au profit de l’ordre public[1] ». Et d’ajouter : « Il arrive que des administrations prennent des décisions attentatoires aux libertés que nous n’avons pas le temps de contester devant le juge ».
Dans une lettre du 14 avril 2023, le Défenseur des droits a dénoncé les risques d’atteintes aux droits et libertés qui fragilisent la démocratie. Pour sa part, Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’homme, a déclaré avoir honte pour la France et être inquiet pour les libertés publiques. Peut-on, pour des motifs qui emportent aussi peu l’adhésion, user des prérogatives de la puissance publique pour interdire une conférence dont le sujet n’avait rien à voir avec les craintes exprimées pour justifier l’interdiction ? En d’autres termes, peut-on ainsi fragiliser la démocratie ? Le dernier mot ne revient-il pas alors au président de la Ligue des droits de l’homme quand il déclare : « Aujourd’hui, j’ai quelque peu honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux » ?
André Murawski –
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Une réponse à “Interdiction d’une conférence organisée par l’association Catholique des Hauts de France : Alain Escada (Civitas) privé de parole”
Tout à fait en accord avec ce texte