Sarkozy : de La Baule à la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris

La politique coûte cher. Surtout l’élection présidentielle. Pour trouver du fric, toutes les méthodes sont bonnes. Mais il y a quelquefois le retour de bâton. Sarkozy en fait l’expérience

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Mardi 22 août, jour de gloire pour Nicolas Sarkozy. A la maison de la presse de La Baule, il inaugure sa « tournée des plages » à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage Le Temps des combats (Fayard).  Succès total : il enchaîne dédicaces, photos et mots aimables. Résultat commercial : plus de 600 livres vendus. Il est vrai qu’à La Baule, Sarko évolue en terrain conquis – la population lui est sociologiquement et politiquement favorable, on n’est pas dans les « quartiers » de Nantes ou de Rennes que les journalistes mainstream baptisent « populaires ».

Son public est chaleureux et inconditionnel. Laurence a fait le déplacement depuis Bordeaux « spécialement pour lui ». Elle est « fan » et ne s’en cache pas. « J’aime l’homme, j’aime l’homme politique », dit-elle, louant son « amour de la France, le dernier à l’avoir chevillé au corps ». « J’ai toujours été fan de Nicolas, tout me plaît chez lui », lâche Armelle, bauloise « pendant six mois de l’année ». Et d’ajouter, « il se représenterait, je vote pour lui » (Presse Océan, mercredi 23 août 2023). « Il a fait du bon travail », assure Adrien, 25 ans, arrivé une heure et demie avant l’heure. « Il a été le meilleur chef de l’Etat après de Gaulle », ajoute Jean-Paul, un retraité « en mal de droite ». Tout cela ne peut que ravir l’ancien président de la République qui se dit « heureux de voir autant de monde. Probablement parce qu’ils savent que je suis sincère » (Ouest-France, mercredi 23 août 2023). On comprend  sa réaction : « J’aime les gens d’ici, j’aime leur attitude, j’aime leur fidélité » (Presse Océan, mercredi 23 août 2023)

Les propos de ces groupies  combinent naïveté, aveuglement et mémoire courte. Car il y aurait beaucoup à dire à propos de l’« amour de la France », du « bon travail »  et du « meilleur chef de l’Etat après de Gaulle ». C’est ce que pensait Jean-Marc Ayrault (PS) lorsqu’il devint Premier ministre en 2012 : « Qui va se partager l’héritage de M. Sarkozy ? Mais pour nous, cet héritage, c’est 600 milliards de dettes supplémentaires en cinq ans, 70 milliards de déficit du commerce extérieur, un chômage qui augmente depuis seize mois consécutifs et qui touche plus de 10 % de la population » (Assemblée nationale, séance du mardi 16 octobre 2012, Journal officiel AN du mercredi 17 octobre 2012). A des gens de droite attachés à la notion de sécurité, on peut ajouter que, pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, 13 000 emplois ont été supprimés dans la police et la gendarmerie – conséquence de la politique dite « RGPP » (révision générale des politiques publiques). A ceux qui se croient gaullistes, il faut rappeler qu’on doit à Sarko le retour de la France dans l’Otan et l’envoi de l’armée française en Afghanistan  –  8 000 hommes devenus les supplétifs des Américains.

Sarkozy est victime de l’« acharnement judiciaire »

Mercredi 25 août, nouveau coup de tonnerre pour l’ancien chef de l’Etat.  Dans le cadre du dossier du financement présumé de la campagne électorale victorieuse de 2007 par le régime libyen (Mouammar Kadhafi), les deux juges d’instruction ont « rendu leur ordonnance de renvoi et estimé que M. Sarkozy devait être jugé dans cette affaire pour « recel de détournement de fonds publics »,  « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « association de malfaiteurs en vue de commettre une infraction punie de dix ans d’emprisonnement » (…) Dans un communiqué, le Parquet national financier précise qu’un procès devrait avoir lieu « entre le 6 janvier et le 10 avril 2025 devant la 32^e chambre du tribunal correctionnel de Paris »(Le Monde, dimanche 27-lundi 28 août 2023).

Il faut  reconnaitre  que Sarkozy fait figure de collectionneur : trois ans de prison, dont  un ferme, pour « corruption » et « trafic d’influence » dans l’affaire Bismuth (en première instance et en appel)), et à un an de prison ferme (en première instance) pour « financement illégal de campagne électorale » dans le dossier Bygmalion. Pour le financement libyen, le système de défense de l’intéressé est classique : « Rien de probant n’a été trouvé contre moi », « je n’ai rien à me reprocher, je n’ai pas détourné un centime » martelait Sarko sur le plateau du « 20 heures » de TF 1, mercredi 23 août. Mais il faut croire que les habitués de la Une sont de moins en moins passionnés par le personnage : « Les chiffres d’audience sont désormais cruels pour Sarko, qui était l’invité du 20 heures de TF 1, jeudi 24, pour la promotion de son bouquin « Le Temps des combats ». Interrogé pendant vingt bonnes minutes par Gilles Bouleau, il est parvenu à faire passe le jité sous la barre symbolique des 5 millions de téléspectateurs. » (Le Canard enchaîné, 30 août 2023)

A coup sûr, l’ex-chef de l’Etat est un bon client pour ses avocats, question honoraires. Infatigable, il épuise toutes les voies de recours. « Je ne baisserai pas la tête pour quelque chose que ne n’ai pas fait. S’il faut que j’aille jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme pour faire valoir mes droits, je le ferai. Et je gagnerai. Je suis combatif et serein », prévient-il (Aujourd’hui en France, dimanche 27 août 2023). En faisant durer le plaisir, Sarko évite la prison. Quelle humiliation de devoir se promener sur la plage de La Baule avec un bracelet électronique ! Et pour les dédicaces, ce n’est pas pratique…

Bernard Morvan

Crédit photo : Jacques Paquier/Wikimedia (cc)
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