Alors que les négociations continuent – laborieusement – en vue d’un gouvernement en Espagne, les deux blocs de droite et gauche étant à égalité (171 députés chacun, mais la majorité pour gouverner est de 176) et les 7 députés du parti du leader indépendantiste catalan Puigdemont ayant la clé du scrutin, le Maroc s’invite dans les tractations. Des tensions diplomatiques et des conflits autour des enclaves de Ceuta et Melila entraînent des craintes et des pertes pour le Maroc, qui lorgne aussi sur le soutien du Parti populaire (droite) à la coalition canarienne sur les îles Canaries.
Yabiladi écrit à ce sujet que le PP « a dans le viseur le seul siège glané par la formation Coalition canarienne aux élections législatives anticipées du 23 juillet dernier. Ce siège est d’une importance capitale pour l’avenir politique de [la droite]. Consciente de cet atout, la direction de la CC a exigé des négociateurs du PP que le gouvernement autonome des Iles Canaries soit présent aux réunions entre le Maroc et l’Espagne, consacrées à l’examen de la politique migratoire et aux négociations sur la délimitation des frontières maritimes, indique la CC sur son site d’actualité. Pour rappel, l’exécutif autonome de l’archipel n’a pas été convié à prendre part au sommet Maroc-Espagne, tenu les 1er et 2 février dernier à Rabat. Cette absence avait provoqué l’ire de la Coalition canarienne, alors dans les rangs de l’opposition ».
Un autre sujet de tension est la situation des douanes commerciales de Ceuta et Mellilla, dont la réouverture tarde, ce qui fragilise économiquement le nord du Maroc – il y a déjà eu une première crise liée au Sahara Occiental et conjointe au Covid en 2020-2022. Si les contrebandiers tirent, comme d’habitude, leur épingle du jeu, l’économie légale trinque… Le journal marocain L’Opinion chiffre les pertes : « Le Maroc est le perdant dans ces échanges transfrontaliers. Le pays a subi les effets néfastes de la contrebande, qui a conduit à la multiplication des réseaux de corruption et des organisations criminelles, générant des inquiétudes sur la sécurité globale. L’impact économique a été particulièrement destructeur, créant des distorsions concurrentielles et une perte estimée à 12,5 milliards de dirhams pour le pays ». Quant à Gibraltar, inquiet des crises diplomatiques à répétition et de l’instabilité politique en Espagne, il envisage de traiter directement avec le Maroc à court terme.
La position de Sumar sur le Sahara Occidental suscite l’hostilité du Maroc
Néanmoins la position de Sumar, la nouvelle alliance des partis de gauche qui a réussi à maintenir les positions de Podemos, sur le Sahara Occidental, suscite une forte hostilité du Maroc. Troisième vice-présidente de Sumar, Tesh Sidi, écartée des listes de son parti en mai dernier à Madrid car enregistrée en même temps à Bilbao et Malaga, a été élue député aux dernières législatives.
Elle a grandi dans les camps de Tindouf et est favorable au front Polisario (indépendantistes) ; Sumar souhaite revenir à la neutralité sur la question du Sahara Occidental, alors que Pedro Sanchez avait reconnu la position marocaine. La presse marocaine, depuis son élection, titre sur ce « siège offert au Polisario » dans le parlement espagnol, devenu une sorte de chiffon rouge.
Suivant la théorie de l’alliance de revers, le Maroc penche aujourd’hui pour le Parti Populaire. Au vu de l’Histoire de l’Espagne, ce serait une cruelle ironie que le PP – et avec lui, les ultra-nationalistes de Vox – arrivent au pouvoir grâce au soutien ou à l’influence du Maroc.
LM
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Une réponse à “Négociations pour un gouvernement en Espagne : le Maroc s’invite dans la danse ?”
Intéressant. Ne pas oublier que Franco s’est appuyé sur des troupes marocaines et a de bonnes relations tant avec le Maroc qu’avec le monde arabe.