Depuis quelques années, un mouvement de restitution des œuvres étrangères exposées dans les musées européens a vu le jour. Avec la propagation des thèses décolonialistes et la repentance dont font montre les élites occidentales, il subit un nouvel élan. Et cela ne concerne pas seulement les rapports entre pays anciennement colonisés et colonisateurs. Mais plutôt l’esprit du temps qui varie selon les périodes historiques.
Le musée du Louvre est en passe de rendre sept objets archéologiques à l’Italie qui en avait fait la demande. Sept œuvres dûment acquises mais dont la provenance initiale était douteuse. Or « provenance douteuse », ne signifie pas nécessairement spoliation ou pillage, exemple avec les artefacts italiens : le cratère du peintre d’Antiménès, la paire de néréides, la tête d’Héraclès de l’antique cité étrusque de Cerveteri, tous détenus dans les collections des antiquités grecques, étrusques et romaines – avaient été achetés entre 1982 et 1998 à des marchands italiens habitués à commercer avec les musées, à une époque où ces derniers concentraient plus volontiers leur attention sur l’authenticité des pièces archéologiques, sans se préoccuper de leur provenance. Or, les marchands en question mêlaient des vestiges parfaitement retracés à d’autres, acquis on ne sait trop comment. Parler de vol dans ce cas comme dans bien d’autres est donc un peu réducteur.
Des cadeaux aussi ont pu être faits, telle l’emblématique Joconde que ne cesse de revendiquer nos cousins latins. Si elle est un pilier de l’histoire de l’art italien, il ne faut pas oublier que Léonard de Vinci l’avait offert de plein gré au roi François Ier. Ce dernier étant devenu son mécène.. après que la République de Florence l’ait répudié. À qui appartient le plus fameux portrait de l’histoire est donc un véritable débat.
Des vestiges ou des artefacts à la provenance incertaine, les musées en regorgent, et cette restitution passerait pour anecdotique si d’autres n’avaient pas eu lieu précédemment, et si elle ne s’insérerait pas dans un vaste mouvement qui parcourt les milieux des conservateurs. En 2020, le musée du Quai Branly rendait au Bénin, 26 objets qui avaient été pillés en 1872. Deux ans plus tard, il était imité par des musées allemands, suisses et anglais : bref, l’heure en est à un changement de perspective dans les musées d’Europe. La conscience qu’un objet n’a de véritable sens que dans son aire de production ou dans le lieu qui l’a rendu important s’impose désormais, comme le fait qu’il constitue une part de l’identité patrimoniale et spirituelle du territoire spolié. Le bien commun et la mémoire collective ont pris le pas sur l’universalisme hérité des Lumières.
Et on ne peut que s’en réjouir.
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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3 réponses à “Restitutions muséales : la France rend des objets archéologiques à l’Italie”
Quand le mobilier national va restituer les meubles et les objets qu’ils ont prit dans les châteaux de Bretagne ?
On a aussi d’innombrables « échantillons » de chances et de petits anges que l’on restitueraient bien volontiers à leurs pays d’origine.
Ah! Ah ! elle est bien bonne celle-là. Les pays d’origine ne revendiquent pas ces « oeuvres d’art » et refusent même qu’on les leur rende.