C’est la pièce de théâtre de l’été. Et politiquement pas du tout correcte en plus. Les éditions Livr’arbitres ont sorti le grand jeu avec Jehanne au Trou, déjà très bien chroniqué notamment par nos confrères du Nouveau Présent. Une pièce de théâtre signée Pierre-Antoine Cousteau, grand journaliste et polémiste dans les années 30-40. Une pièce de théâtre non publiée à l’époque, mais découverte par son fils, J-P Cousteau, qui est parvenu, enfin, en cette année 2023, à la faire éditer.
Nous l’avons donc interrogé, sur cet ouvrage, qui va vous faire passer de bons moments sur la plage ou chez vous.
Jehanne au trou, par Pierre-Antoine Cousteau, Editions Livr’arbitres, 140 p., juin 2023, 18 euros.
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ou par chèque (18 euros, port compris) à l’ordre de LPM à adresser à :
Livr’arbitres
chez Patrick Wagner
36 bis, rue Balard
75015 Paris
Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?
J-P Cousteau : Je suis le fils de Pierre-Antoine Cousteau, journaliste des années 30 et 40, rédacteur en chef à Je Suis Partout (JSP) et Paris Soir, condamné à mort en 1946 pour intelligence avec l’ennemi, gracié, il fut libéré en juillet 1953 après une année à Fresnes, six à Clairvaux et une à Eysses. Atteint d’un cancer du colon, il mourut en 1958, à 52 ans.
Ayant été à la Libération interdits de fait, ma sœur et moi, de scolarité, tant dans les écoles publiques que privées de la République, aucune de celles contactées par ma mère ne voulant de nous, enfants de » collabos », nous fumes confiés à notre grand-père qui vivait en Angleterre. Nous y sommes restés pensionnaires cinq années. J’avais 15 ans lorsque mon père fut libéré, je ne l’avais donc connu autrement, depuis mon retour en France à l’âge de 11 ans que derrière les grillages du parloir de Clairvaux. Il nous restait quatre années pour faire connaissance.
Je n’ai jamais renié ses opinions. Au contraire. Mais sa passion politique, son sens de l’honneur, son jusqu’auboutisme ont démoli une famille.
Puis je fis une carrière médicale, me promettant, à ma retraite, de faire le tri des écrits que mes parents avaient pu sauver du désastre – après la fuite de dix-sept mois en Autriche d’août 44 à décembre 46, leur appartement saccagé par les Fifis, puis occupé deux années par une famille de militaire américain, leur maison de Savigny confisquée, contenu du bureau inclus, ses écrits volés, d’autres perdus lors des transferts de prisons … – et de trouver éditeur. Ce dont j’eus la chance avec Via Romana et Livr’Arbitres pour Jehanne.
Breizh-info.com : Pouvez vous nous retracer le parcours et l’oeuvre de Pierre-Antoine Cousteau ?
J-P Cousteau : A priori rien n’attirait mon père vers le journalisme. Je possède ses livrets scolaires, ce fut un élève brillant, son professeur de philo à Louis-le-Grand notant que « cet élève a profité de ses facilités pour ne rien faire ».. Le bac en poche, aucune vocation ne l’attirant, nous sommes dans les « folles années » de l’après-guerre, il décide de voler de ses propres ailes. Finies les études. Il préfère le rugby et le Charleston. De petit boulot en petit boulot, il fait le désespoir de ses parents (son frère Jacques-Yves aussi, le futur académicien, de quatre ans son cadet, renvoyé de Buffon et de Stanislas, confié à un précepteur musclé en Alsace avant d’intégrer Navale), s’exile une année à New York, où il avait déjà vécu à 14 ans, « la pire année de ma vie » dira-t-il plus tard.
De retour en France, il apprend que le grand reporteur (la grande reporteuse ?) Titaÿna cherche un traducteur pour un livre américain qu’elle a accepté de traduire, mais c’est bourré d’argot, elle passe la main – mais signera la traduction – Mon père se présente, Titaÿna lui confie l’ours. Ce qui aura pour lui deux conséquences majeures, peut-être les plus importantes de sa vie : l’assistante de Titaÿna sera ma mère et pour le dédommager, en place du chèque Ô combien attendu, la grande journaliste lui remet une lettre de recommandation pour le rédacteur en chef du journal Le Journal. Et le voilà secrétaire de rédaction; ne reste plus qu’à découvrir qu’il était tombé à sa naissance dans la marmite du druide journalisme et en grimper les échelons.
Ayant écrit dans diverses feuilles plus ou moins satiriques et/ou confidentielles bien ancrées à gauche car à l’époque il se dit à gauche de l’extrême gauche, en tout cas violemment pacifiste, ce qui l’oppose aux grands tendances de droite, Pierre Gaxotte, le futur Académicien, qui venait de prendre les rennes d’un JSP flanc-flanc et vieillissant, intéressé par sa plume, le contacte et lui propose de venir à JSP assister à l’une de leurs réunions. Pierre-Antoine, qui n’est pas encore le PAC dont il signera ses papiers et sera surnommé par ses amis, est surpris de se trouver « pour la première fois » en compagnie de journalistes « de droite ». Ô horror ! Il s’y fera et la surprise ne durera pas car Gaxotte l’engage — ainsi que Rebatet, pour un long, très long partenariat qui se poursuivit pour ces deux-là jusqu’à juillet 52, date de la libération de Rebatet de Clairvaux.
Mon père devient rédacteur en chef, chargé de la politique étrangère, essentiellement américaine et anglaise, mais aussi, bien sûr, de Moscou, Rome et Madrid. Cette période exaltante, de 1932 à 1944 fut assombrie à JSP d’abord en 39 par l’abandon (la désertion, la trahison, dira mon père, de Gaxotte, qui avait été son – leur – maître-ès-fascisme, puis en 43 par le départ de Brasillach qu’il remplaça comme directeur de la rédaction (mon père était l’un des meneurs du maintien d’une ligne dure du Journal, à l’inverse de Brasillach, qui fut mis en minorité à la suite d’un vote secret des rédacteurs – bien que mon père ait voté pour son maintien).
A l’inverse de Brasillach et de Rebatet, tous deux de culture encyclopédique, PAC n’était que journaliste, polémiste. Il laisse quelques milliers d’articles, mais trop peu d’écrits autres, car minorés de ceux confisqués (notamment un Staline et une Guerre de Sécession) par les perquisiteurs du ministre de l’Intérieur Mandel, mon père étant prisonnier en Thuringe, par ceux vandalisés par les Fifis en août 44 par huit années de travaux forcés, par ceux perdus de prison en prison, un roman égaré dans un bistro par Antoine Blondin, un autre par moi dans un bus…
Vous me demandez l’œuvre ? En 1942 l’Amérique Juive, après sa sortie de prison Mines de Rien ou les grandes mystifications du demi-siècle, Après le Déluge : pamphlets, Les lois de l’Hospitalité, récit de sa fuite en Autriche jusqu’à son arrestation en décembre 45, En ce temps là, souvenirs ; chez Via Romana (et Librairie Eric Fosse), Proust digest, Hugothérapie ou comment l’esprit vient aux mal-pensants, son Journal de prison Intra Muros, Portraits et Entrevues, articles; à la Nouvelle Librairie Pensées et Aphorismes. D’autres en attente..
Breizh-info.com : Vous avez décidé de publier un texte inédit de lui, une pièce de théâtre intitulée Jehanne au Trou. Pourquoi ? Pourquoi n’avait-elle pas été publiée avant, et dans quel contexte a-t-elle été imaginée ?
J-P Cousteau : Jehanne au Trou, préfacée par Xavier Eman, que vient de publier Livr’Arbitres est la seule pièce de théâtre écrite par mon père. Texte inédit ? Oui. Pourquoi pas encore publié ? Par manque d’éditeur. L’omerta règne. Sauf Via Romana de mon ami Benoît Mancheron qui publie, bon an mal an, un volume depuis 2013, nous nous hâtons lentement.. Quant au contexte, il est limpide : Jehanne est comme PAC prisonnière, sa condamnation à mort est signée avant même le procès, elle est accusée à tort de sorcellerie comme lui d’intelligence avec l’ennemi, la France est occupée, le pouvoir aux mains de l’ennemi, Charles VII résiste mais n’est rien… Tant de coïncidences ne pouvaient que titiller la plume du polémiste.
Breizh-info.com : En quoi cette pièce de théâtre innove et même prétend choquer, sur l’histoire de Jeanne d’Arc ?
J-P Cousteau : Mon analyse ne sera peut-être pas celle de certains lecteurs… Mon père était agnostique. Or, bien que sa Jeanne soit un tantinet iconoclaste, n’apparaissant ni comme une Sainte, ni comme une envoyée de Saint Michel, Sainte Marguerite et Sainte Catherine, elle est le seul personnage droit, honnête, respectable, courageux, sympathique, de la pièce. D’ailleurs les Anglais ne le brûlent pas. Moi, j’aime beaucoup la Jehanne de mon père.
Breizh-info.com : Pierre-Antoine Cousteau a voulu visiblement briser une certaine image d’Epinal lorsqu’il a rédigé cette pièce. Tout en faisant rire. Provocateur jusqu’au bout ?
J-P Cousteau : À votre question précédente, si celle-ci ne m’avait pas été posée, j’aurais ajouté que cette pièce est « drôle » – pas au sens Ha ! Ha ! d’une pièce de Boulevard, mais drôle dans le sens du mot funny anglais où l’on précise aussitôt si besoin « not funny Ha ! Ha !, funny peculiar » (pas funny drôle, funny particulier, étrange, bizarre). Hors image d’Epinal, c’est certain. Provocateur ? Surement aussi, d’autant que lorsque vous venez d’échapper à la peine de mort, que vous êtes indigne national, que vos biens ont été confisqués, que vous êtes condamné à perpète, que votre femme vit dans la pauvreté, que vos enfants sont exilés en Angleterre, que vous êtes journaliste sans Journal, que vous écrivez pour votre seul plaisir, sachant que cette pièce ne sera jamais jouée ni même éditée et qu’en prime si l’on devait vous attribuer une seule qualité ce serait celle de l’humour, alors oui, la pièce est plus drôle que tragique, oui, elle a un petit goût de provocation.
Breizh-info.com : Que diriez vous à un potentiel lecteur qui se retrouve face à l’ouvrage, sans bien savoir dans quoi il met les pieds ?
J-P Cousteau : Qu’il s’abstienne s’il est gaulliste et que s’il est à la recherche du premier degré, voir Mauriac et Sartre.
Propos recueillis par YV
Photo d’illustration : DR
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4 réponses à “Jehanne au Trou. « Tant de coïncidences ne pouvaient que titiller la plume du polémiste qu’était Pierre-Antoine Cousteau » [Interview]”
Je viens de lire le « Jehanne au trou » de Cousteau — dont je ne suis pas sûre qu’il le destinait à la scène ni même à la publication, utilisant plutôt sa rédaction comme une thérapie alors qu’il était embastillé. L’épilogue (acte IV) est une pirouette. Mais les actes II et III, sur le procès de Jeanne, sont géniaux tant sonnent vrai l’attitude (et les postures) des magistrats et leur manière perverse de mener les interrogatoires de la future sainte. L’atmosphère et le déroulement des procès de l’Epuration mais, au-delà, de tous les procès politiques et sous tous les cieux, sont parfaitement rendus.
Quant à Jeanne elle-même, si Cousteau ne la mythifie pas puisqu’il la décrit comme une « grosse fille robuste, luisante, aux articulations épaisses, vêtue en damoiseau sans aucune recherche », il la rend profondément attachante par son courage et son intégrité foncière.
Bon, la pièce ne vaut pas « La Tête des autres » de Marcel Aymé ou « Pauvre Bitos » d’Anouilh (et Cousteau n’y prétendait pas), mais elle ne laisse pas indifférent.
Quel plaisir cet article, merci Breizh-Info
Un fasciste romantique
D’abord, qu’est ce que le fascisme? Allez voir dans un dictionnaire, pas les nouveaux qui sont ou vont être ré-écrits, mais un bon vieux dico et en lisant la définition , compte tenu de la réalité actuelle, vous aurez peut-être la surprise de vous découvrir fasciste…
J’ai eu cette bonne surprise et conviction quand j’avais 16/17ans. J’en ai 67. J’ai complété mes lectures de St Loup et Jean Mabire. J’ai étudié les vrais fascismes: Le fascisme romantique de Brasilliach, de Knut Hansen,le fascisme mussolinien, le national-socialisme du NSDAP.
L’énorme honnêteté des fascistes récents c’est qu’il accepte tout de leur école de pensée, le bon et le moins bon. A l’inverse les bolcheviques-staliniens-trotskystes-maoïstes-castrisme, se cherche à chaque fois une application marxiste. Elle bonne et différente des autres qui seraient pas la vraie doctrine. Avec en plus la minimisation ou quasi-négation des goulags.
Sur un autre blog j’ai été défini comme un fasciste romantique en opposition au communisme plus structuré. Et cela me convient.
Même si dans l’esprit commun un fasciste est un gros con, illettré, raciste, misogyne et homophobe.